Il est clair que l’indépendance colle aisément à la plupart des ministres et secrétaires d’État de ce nouveau gouvernement, mais plus de par le fait qu’ils n’ont pas de réelle expérience politique que par volonté de ne pas avoir d’engagement partisan. Reste sur l’estomac ce qualificatif d’«apolitique» que Habib Jemli se plaît à répéter d’une déclaration à l’autre comme s’il s’agissait d’un gage de virginité. Le pays a-t-il besoin de politiques vierges ou de compétences expérimentées ?
Après tous ces entretiens, ces négociations, ces tractations de coulisse et de multiples faux-fuyants montés en suspens, dont une médiation en bonne et due forme à l’initiative de Jawhar Ben M’barek et Habib Bouajila, le système nahdhaoui laisse enfin apprécier son œuvre.
Le candidat «indépendant» à la Primature, choisi par Ennahdha pour sa proximité du parti plus que pour son hypothétique compétence, n’osera même pas donner lecture de la composition de l’équipe, provoquant un malentendu qui a failli mal tourner.
Mais venons-en à la composition même du gouvernement, lequel donne à penser à un ramassis de noms qui, sauf quelques-uns, ne suggèrent guère la compétence, encore moins l’indépendance. Il s’agit pour beaucoup de figures déjà vues ou entrevues depuis la Troïka ou les autres gouvernements de «partage du gâteau» qui se sont succédé, reproduisant l’échec. De même que l’on décèle des noms proches de Qalb Tounès comme Fadhel Abdelkefi, ou, plus compromettant, l’élu d’Al Karama, Béchir Zaâfouri, triste figure des «Ligues de protection de la révolution».
Mais s’agissant de l’indépendance, il est clair qu’elle colle aisément à la plupart des ministres et secrétaires d’État de ce nouveau gouvernement, mais plus de par le fait qu’ils n’ont pas de réelle expérience politique, que par volonté de ne pas avoir d’engagement partisan.
Il apparaît que divers ministres de ce gouvernement ont exercé les mêmes charges dans les équipes de Hamadi Jebali et d’Ali Laârayedh sans se réclamer d’une quelconque «indépendance» ni se parer d’une singularité quelle qu’elle soit.
Certains d’entre eux ne manquent pas de nous renvoyer l’image d’un Nadhir Ben Ammou, imposé à la tête du ministère de la Justice, servi à l’époque comme sans le moindre lien avec les islamistes, et que l’on retrouvera arborant l’étiquette «Ennahdha» en tant que candidat aux élections législatives de 2014.
D’où la légitimité des réserves qu’émettent observateurs et analystes sur l’indépendance politique de personnages comme Jamel Gamra, Noureddine Kaâbi, Mongi Marzouk ou encore Béchir Zaâfouri qui refont surface dans le gouvernement de Jemli. Le futur chef du gouvernement ne cesse d’insister sur la compétence de son équipe.
Mais, ayant migré d’une approche privilégiant les compétences politiques dans un gouvernement de coalition contrôlé par Attayar et Echaâb, à une équipe dont il serait le seul mentor, basée sur des «compétences indépendantes» (un peu à son image), il suggère bel et bien que cette compétence là se situe à un autre niveau. Comme on ferait appel à un économiste hors pair ou à un informaticien de renom. Ou encore à Saïed Blel comme cerveau de notre système de sécurité sociale.
De plus, s’agissant des ministres dont la «compétence» se restreint à leur spécialisation professionnelle ou universitaire, certains ne sont pas du tout à leur place, d’autres affichent des CV bien maigres.
Reste sur l’estomac ce qualificatif d’«apolitique» que Habib Jemli se plaît à répéter d’une déclaration à l’autre comme s’il s’agissait d’un gage de virginité. Le pays a-t-il besoin de politiques vierges ou de compétences expérimentées capables de redresser les affaires par la dynamisation des investissements, l’éradication de la corruption, le rétablissement de l’autorité de l’Etat ?
Mais les choix de ce gouvernement sont ceux des mentors, ceux d’Ennahdha et plus spécialement de Rached Ghannouchi, et le leader islamiste sait où il compte conduire le pays grâce à la complicité de Nabil Karoui. Maintenant qu’en sa qualité de président du parlement, il se considère «le président de tous les Tunisiens», il s’offre un «one man show» dont il semble prêt à assumer toutes les conséquences.
Quant à Habib Jemli, simple exécutant d’un stratagème qui échappe à tous, rappelé d’une petite expérience de secrétaire d’Etat du temps de la Troïka, il sait parfaitement ce que l’on attend de lui.
Maintenant, posons-nous sereinement la question qui s’impose : compte-t-il vraiment obtenir la confiance d’une majorité des députés ? Lors de la conférence de presse de présentation du gouvernement, il n’a pas donné l’impression d’une telle foi. Il n’aurait fait que : «Répondre à son devoir, former un gouvernement honnête, compétent et non partisan».