Le monde que nous propose Noomen Hamda est tumultueux, l’agitation qui l’habite dénote un réel trouble. Acteur, auteur et metteur en scène de «Sukun», il a écrit par la voix et le corps les émois d’un être fractionné.
Miroir réfléchissant… Jetant sur les visages des feuilles éparses…Yeux perçants… Voix intérieures en écho strident s’élevant et envahissant l’espace, un axe du temps fluctuant entre passé et présent entre réalité et imaginaire…des sentiments étouffés qui explosent, les tréfonds de l’âme face au Corps délabré… c’est dans cet univers-là que Noomen Hamda construit sa pièce, sans point de départ ni point de chute. C’est comme une coupe nette dans la chair d’un personnage qui met à nu une face sans profondeur d’une déchirure.
L’architecture de l’écriture est libre, parfois chaotique, l’absence de cadre référentiel de temps et de l’espace nous renvoie vers l’intimité du personnage. Nous sommes de plain-pied dans les tréfonds de son être, nous voguons dans son esprit, ses sensations, ses souvenirs et ses ressentis.
Noomen Hamda explore l’humain et en choisit des techniques et une méthode, il dédouble son personnage et la prise en charge du propos est endossée par une autre voix. Le personnage féminin en est l’illustration (Amira Derouiche), entre eux, les voix se mélangent et les pistes de lecture se multiplient. Elle est l’écho de sa pensée, ou imaginaire qui prend forme ?
La superposition des deux voix off ne rend pas la lecture facile ni l’intention claire. Le personnage féminin prend de plus en plus son indépendance, s’approprie son langage et s’éloigne sans nous avertir de sa fonction. Autant le travail corporel semble aboutir à une logique claire en choisissant les deux niveaux de jeu : en avant-plan et en arrière-plan, entre la pensée du personnage et son reflet imaginé, autant le changement de trajectoire nous a semblé peu justifié.
De même que le passage de la voix off, qui est un procédé qui porte le travail, le cadre et l’accompagne, à l’utilisation des micros et du mégaphone, nous sort brutalement de la sphère de l’intime et de l’endoscopique.
Avec «Sukun», Noomen Hamda arrive tout de même à transmettre l’émoi et la charge de son propos, son jeu toujours aussi physique et énergique pousse vers une prise en charge particulière de l’espace, le monde tumultueux, qu’il propose et l’agitation qui l’habite dénote un trouble réel que l’acteur, auteur et metteur en scène de «Sukun», écrit par la voix et le corps et l’essentiel de ses inquiétudes et interrogations nous parvient.