Plus que l’identité du nouveau ministre, ce sont les politiques et la capacité de résoudre les problèmes chroniques et développer les activités sportives qui comptent davantage.
Les polémiques, la joie, la frustration que l’on vit depuis la nomination de Tarek Dhiab à la tête du ministère du Sport sont-elles plus importantes en ce moment ? Nous ne le pensons pas. Il y a plus important, plus urgent pour notre sport, confus et mal géré depuis des décennies. Et ce ne sont pas les performances internationales, fruit d’un talent fou et d’un accompagnement technique pointu de la part d’une race d’entraîneurs révolue, qui vont nous contredire. Nous n’avons pas de politique, au vrai sens du terme, de sport en Tunisie ; ce sont des procédures héritées, un système et des personnes qui ne veulent pas changer ou partir et des moyens de plus en plus précaires et des finances de plus en plus fragiles.
L’Etat qui a un sérieux problème macroéconomique ne reconnaît pas le sport comme un secteur stratégique créateur de valeur. C’est de ce point qu’on peut partir. Le chantier le plus urgent, mais qui va nécessiter du temps et de la patience (en plus de l’autorité), est de changer la boussole de l’Etat. Le sport devra devenir une priorité, un secteur qui a des retombées économiques et sociales (bien-être, lutte contre la délinquance et le terrorisme, performances ; lobbying international, employabilité, intégration, exportation…) reconnues. Nous n’en sommes pas encore là : le sport a un budget dérisoire en cette période de disette économique. Que peut faire Tarak Dhiab ?
S’il veut réussir son retour et éviter des bras de fer inutiles, il faut qu’il pousse dans ce sens. Actuellement, les fédérations, à part le football (autonomie financière grâce à de grands sponsors et une gestion très réaliste malgré tous les reproches faits à Wadii El Jary), souffrent et attendent le soutien de la tutelle, qui n’arrive pas à débloquer en temps voulu. Et c’est la spirale infernale de besoin de financement et de conflits que les cadres du ministère subissent et en payent les pots cassés. Changeons ce décor triste de la gestion du budget et des politiques de la tutelle. On a cette gestion budgétaire qui tarde à être appliquée au détail, on a ces lourdes procédures qui empêchent l’élite de financer des coûts de plus en plus faramineux. Changeons cet état actuel des choses. Ça demande un ministre courageux, un staff garni en compétences reconnues, des méthodes revues et un assainissement de ce ministère du sport qui fait pitié. Pour l’organe clef du sport, on peut s’attendre à mieux mais si seulement le gouvernement décide de faire du sport une variable clef du modèle comme la santé, la justice ou la sécurité.
Finances et gestion de l’élite
Ce sont deux volets d’une réforme urgente. Malheureusement, des forces obscures dans le ministère, des gens parachutés venant d’autres domaines et qui ne connaissent rien au sport, qui empêchent toute tentative de réforme. On a un faible budget consacré à des salaires qui n’apportent rien, et pour des cadres qui se trouvent seuls devant les problèmes, alors que d’autres personnes perçoivent des salaires et exercent dans des fédérations sans apporter le plus. Tout le monde attend de l’argent : fédérations, bien sûr, mais aussi clubs, associations et élite. Si la majorité des fédérations qui étouffent le ministère par des doléances financières ne savent pas apporter des sponsors ou créer une plus-value(à travers des événements), d’autres clubs qui créent de la valeur sportive, qui encadrent une jeunesse performante à l’échelle internationale, ont vraiment besoin de ces fonds. Justice et équité ? Non, jamais. On vous raconte toujours des histoires d’iniquité dans l’allocation des budgets pour l’élite.
Qui alors décide de cela ? Les fédérations ou tout simplement la direction de l’élite qui opère d’après le modèle des années 70 ?! On pense que la gestion de l’élite est l’un des chantiers les plus sensibles à traiter. On ne peut plus continuer de la sorte. Des champions lésés qui ont besoin de liquidités mais qui n’ont rien au bout du compte, et qui abordent les JO ou d’autres événements avec des arguments en moins. D’autres demeurent gâtés, parce que leurs présidents de fédération ont un soutien politique ou ont des affinités avec les responsables du ministère. C’est la triste vérité qui tue la production des champions. D’autres chantiers ?
Mais bien sûr que oui, tels l’infrastructure sportive dans tous les sports, l’implantation des clubs dans les régions (ça se fait sans intention et au gré des vœux), le dossier des instituts de sport et des diplômés chômeurs (que peut faire Tarak Dhiab maintenant alors que la FMI interdit le recrutement?), la formation et le recyclage des dirigeants et des entraîneurs, le retour du public aux stades, la fameuses loi des structures sportives, l’éducation physique, le professionnalisme en football, les métiers du sport, le suivi et l’évaluation des activités sportives.
Des chantiers lourds, pas du tout faciles à gérer dans ce folklore que l’on vit. Surtout avec cette mauvaise gouvernance du sport (dirigeants de plus en plus impunis, rebelles et même arrogants devant l’Etat et la loi). Mais commençons au moins par faire le premier pas.