Il est évident, au vu des ambitions des «titulaires des trois présidences», que tout déséquilibre entre eux pourrait mettre en danger l’ensemble de l’édifice républicain. Notamment un contrôle abusif de l’une des présidences sur la marche et le fonctionnement du gouvernement. Attention, c’est arrivé avec le président Caïd Essebsi.
Le gouvernement le plus faible depuis la révolution semble devoir s’installer demain vendredi à La Kasbah, comme l’une des constantes ayant découlé du dos tourné au régime présidentiel effectué par l’ensemble des courants politiques ayant pignon sur rue, après avoir été le credo des islamistes.
Mais il est également utile d’examiner aussi ce qui se passe au niveau des deux autres pouvoirs : la présidence de la République et celle de l’Assemblée des représentants du peuple, afin d’analyser les rapports de force en place et les évolutions envisageables.
L’institution de la présidence de la République reste, depuis les 72,71% de voix raflées par le mystérieux Kaïs Saïed, l’objet d’interrogations profondes quant à la signification réelle de cette popularité et au projet — s’il existe — du locataire de Carthage. Aux antipodes de BCE qui a été le président le plus puissant et le plus présent depuis le 14 janvier, bien qu’élu avec 54% seulement des votes exprimés.
Quant aux présidents de l’ARP ou de l’Assemblée constituante, leur mission a, en fait, beaucoup évolué, mais il faut reconnaître que Mustapha Ben Jaâfar s’en est le mieux tiré, en sa qualité de médiateur entre islamistes et modernistes, alors que Mohamed Ennaceur a tenu à montrer une présidence tranquille, dans la meilleure discrétion républicaine.
Le fait est que Rached Ghannouchi, personnage naturellement très controversé, a accédé au «perchoir» par surprise, suite à une alliance contre nature avec un parti contre lequel il a mené une campagne inqualifiable basée sur une accusation de corruption soutenue par la justice, et que la Cour de cassation a, par la suite, officiellement invalidée. Et puis a intervenu la nomination d’un «cabinet du président de l’ARP» que le règlement intérieur de l’Assemblée ne prévoit pas. D’où, peut-être, ce projet de «nouveau règlement intérieur» si cher à Ghannouchi et qui occupe tant de ressources humaines au Bardo.
Les mauvaises langues et les opposants à Ennahdha insinuent que le cheikh s’appliquera à y consolider ses propres pouvoirs de fait. Comme cette obsession qu’il porte d’interdire le «tourisme parlementaire», après s’en être servi pour faire passer le groupe de son parti de 52 à 54 élus.
Revenons au chef de l’Etat pour faire noter qu’il montre une maîtrise inattendue des rouages de l’Etat, et un bon usage des concepts et des nuances. C’est ainsi qu’il a décliné toute idée de «gouvernement du Président», après avoir apporté à certaines de ses déclarations jugées équivoques les meilleurs correctifs. Notamment son attachement aux traditions de la diplomatie tunisienne. Il est ainsi évident, au vu des ambitions des «titulaires des trois présidences», que tout déséquilibre entre eux pourrait mettre en danger l’ensemble de l’édifice républicain.
Notamment, un contrôle abusif de l’une des présidences sur la marche et le fonctionnement du gouvernement. Attention, c’est arrivé avec le président Caïd Essebsi.