Les constitutionnalistes autoproclamés experts en matière de leçons constitutionnelles sont à l’œuvre pour imposer à Kaïs Saïed la procédure à suivre pour désigner «la personnalité la plus apte à former le prochain gouvernement», sauf que, malheureusement, leurs conseils ne sont pas les meilleurs à suivre, puisque comportant une lecture inadmissible d’un article de la Constitution, dont le mérite consiste en sa clarté, sa précision et aussi la simplicité de sa formulation
Les enseignants universitaires spécialisés en droit constitutionnel autoproclamés experts constitutionnalistes investissant quotidiennement les plateaux TV et radios de réagir depuis que la défaite d’Ennahdha et la chute de son gouvernement ont été déclarées officiellement pour proposer leurs lectures, approches et explications du chapitre relatif à la formation du prochain gouvernement, chapitre contenu dans l’article 89 de la Constituion, selon lequel c’est au président de la République, Kaïs Saïed, de désigner «la personnalité la plus apte» ou la plus habilitée (les deux termes peuvent être considérés comme la traduction du terme en arabe «al akdar») pour la constitution de la prochaine équipe ministérielle, et ce, à l’issue d’une série de consultations que le chef de l’Etat tiendra avec les responsables des partis politiques, des coalitions électorales et des groupes parlementaires.
Et voilà que les lectures du présent paragraphe de l’article 89 de la Constitution commencent à pleuvoir, imposant des interprétations du même paragraphe n’ayant aucun rapport avec son contenu, des interprétations qui nous rappellent les fameuses «performances constitutionnalistes» sur la possibilité ou non pour Habib Jemli de rectifier la liste de son équipe ministérielle après sa soumission au chef de l’Etat et son envoi par ce dernier au bureau du Parlement, sans oublier aussi la fameuse fatwa constitutionnelle émise par le constitutionnaliste Jawher Ben M’barek autorisant Youssef Chahed, chef du gouvernement à l’époque, et aujourd’hui chef du gouvernement chargé de la gestion des affaires courantes, à signer et à publier sous sa propre signature et en son nom personnel la loi sur la révision du code électoral (interdisant à Nabil Karoui de se porter candidat à l’élection présidentielle 2019), loi déclarée constitutionnelle par l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi), mais non signée par feu Béji Caïd Essebsi, président de la République à l’époque.
Samedi, c’est le juriste Rafaâ Ben Achour, qui a ouvert le bal des lectures de l’article 89, s’autorisant à proposer une interprétation qu’on peut considérer comme étrangère à l’esprit de l’article en question et aux termes dans lesquels il est formulé.
Ainsi, Rafaâ Ben Achour déclare-t-il que le Président Kaïs Saïed «ne peut pas choisir une personnalité jugée la plus apte à former le gouvernement et à l’imposer aux partis politiques».
Il ajoute : «Le chef de l’Etat est tenu dans ce sens d’intensifier les concertations et de prendre en considération plusieurs données» (M. Ben Achour ne précise pas quelles sont ces données que Kaïs Saïed doit prendre en considération comme il l’affirme).
Pour conclure, le Pr Ben Achour souligne dans la même déclaration accordée, samedi, à l’agence TAP: «Le choix de la personnalité chargée de former le prochain gouvernement doit faire l’objet d’un large consensus auprès des acteurs politiques».
Sauf qu’en revenant à la formulation textuelle du paragraphe de l’article 89 de la Constitution se rapportant aux compétences accordées au chef de l’Etat en matière de formation du gouvernement qui devrait succéder à celui de Habib Jemli n’ayant pas reçu la confiance du Parlement, on ne trouve pas que Kaïs Saïed soit obligé de choisir un candidat devant faire l’objet d’un large consensus et on ne trouve pas également un petit aliéna indiquant que le Président de la République doit obtenir l’aval de quiconque pour choisir «le prochain chef du gouvernement» et donc qu’il lui est interdit «d’imposer, comme le dit expressément Rafaâ Ben Achour, un candidat aux partis politiques».
Pour être encore plus clair, le texte constitutionnel n’accorde, aucunement, le droit aux partis politiques, aux groupes parlementaires et aux coalitions de contester le choix de la personnalité qui sera désignée par le chef de l’Etat. Rien aussi ne figure dans le texte en question obligeant le chef de l’Etat de prendre «les considérations» non élucidées par Rafaâ Ben Achour en désignant la personnalité qu’il jugera la plus apte à former le gouvernement.
Dernière remarque: le Président de la République n’est pas tenu, c’est-à-dire obligé, d’avoir des concertations avec les partis politiques ou autres interlocuteurs. L’article 89 de la Constitution est on ne peut plus clair et précis dans la mesure où il dispose textuellement: «Le Président de la République peut engager des concertations avec les partis politiques, groupes parlementaires et coalitions électorales dans les dix jours qui suivent l’échec du premier gouvernement à avoir la confiance du Parlement, en vue de choisir la personnalité la plus apte à former un nouveau gouvernement dans un délai d’un mois».
Donc, selon la formulation du texte de l’article 89, Kaïs Saïed «peut ne pas recourir à des concertations avec les parties indiquées et a aussi la possibilité de choisir la personnalité qui aura son aval sans être obligé de solliciter le feu vert de quiconque».
Liberte
13 janvier 2020 à 11:10
J’ai l’impression qu’on aura jamais un gouvernement, la Tunisie continuera ainsi comme en Israël et on ne trouvera jamais un rassembleur digne de son nom. On va revoter pour élire une nouvelle ARP hélas nous ne sommes pas près à gouverner en démocratie. Un état mafieux plutôt et la corruption qui règne en maître empêchera la Tunisie d’avancer dans le bon sens, bref on fait avec ce qu’on a et les moyens dont on dispose et le jour où on se rentra compte il sera trop tard et on sera colonisé par nos créanciers les dettes s’accumulent et on ne pourra jamais les rembourser, nos enfants vont payer chers pour les bêtises des vieux.
Faten mbarki
13 janvier 2020 à 16:33
Comment la rédaction de lapressz permet elle de publier un article pareil ?! Tout fauuux !
Othman Rassaa
13 janvier 2020 à 22:13
Faux, moi qui n’est pas spécialiste en droit constitutionnel, l’article 89 est clair et ne donne sujet à aucune interprétation. Le président de la république « engage » et non « peut engager », donc il y a une obligation et non une faculté. 2/ Si le législateur avait voulu donner la faculté et la liberté au président de la république de choisir la personne la plus apte, pourquoi lui imposer ces consultations, Je pense que le président est obligé d’effecteur ces consultations pour que la personne choisi puisse bénéficier du plus large soutien possible.