Quand la réalité devient difficile à vivre et à supporter, on fait appel à l’irrationnel.
Très sincèrement, on croyait ces pratiques reléguées au registre des contes de fées, les histoires d’ogresses, et de jnouns maléfiques. Mais depuis quelque temps, ne voilà-t-il pas que des indices, des faits divers, des rumeurs semblent démentir cette conviction sereine. On entend parler de chercheurs de trésors qui auraient utilisé non pas des détecteurs de métaux, mais d’étranges moyens que la logique cartésienne refuse. On raconte, mais que ne raconte-t-on pas, que dans tel quartier isolé, dans tel village retiré, quelqu’un pourrait exaucer vos vœux les plus fous, aussi réprouvables fussent-ils par la logique, la morale, ou la loi.
Bien sûr, on connaissait tous et toutes la degazza qui vous promettait monts et merveilles, richesse et amour, si vous accrochiez l’immonde talisman qu’elle vous avait fabriqué avec des ongles, des poils de bête, et même du sang de hérisson. Et bien sûr vous le faisait payer à prix d’or. On connaissait aussi le mage si respecté qu’il fallait aller voir aux confins du Sud, qui se vantait d’avoir prédit sa victoire à Jacques Chirac, et sa gloire à Simone Weil. On connaissait également ces Marocains sulfureux qui convoquaient les génies en lisant, que Dieu nous pardonne, le Saint Coran à l’envers. Et cette sympathique « hanana » qui, de maison en maison, rallumait l’espoir des amours mortes en conseillant de planter un clou rouillé dans une épave de bateau pour que l’amour soit aussi profondément ancré en vous. Ou de faire perler une goutte de votre sang dans le café de l’élu pour que ce soit « à la vie, à la mort ». Tout ceci n’allait pas très loin, et n’avait pour seul résultat que d’alléger votre portefeuille.
Tombes vandalisées
Mais aujourd’hui, il semblerait que les choses passent à une étape supérieure, plus noire, plus inquiétante. On a commencé à évoquer des oiseaux morts accrochés aux fenêtres de la maison ennemie, des têtes de chats cachées sous le matelas d’une rivale…
Puis un incident récent, terrible, annonciateur d’une ère noire, règne de l’irrationnel. Des tombes ont été vandalisées. Dans les récits de l’ogresse, on avait entendu parler de ces pratiques : préparer le couscous avec la main d’un cadavre offrait on ne sait quel pouvoir, mais apparemment assez puissant pour pousser à cette profanation. On parle encore, à voix basse, le soir à la veillée, du risque d’enlèvement de certains enfants qui auraient une tache dans l’œil, et dont on croit qu’ils peuvent permettre de découvrir des trésors enfouis. Au-delà des événements et des on-dit en eux-mêmes, c’est l’esprit du temps qui interpelle. Quand la réalité devient difficile à vivre et à supporter, on fait appel à l’irrationnel. Quand les humains ne répondent pas à vos attentes, on s’adresse à un monde parallèle, celui des succubes, des incubes, à un univers né de la peur, conforté par le désespoir. A partir de là…
ALYA
