Par Pr Ahmed Friaâ*
Les Tunisiens, dans leur majorité, sont inquiets. Ils n’arrivent pas à se projeter dans l’avenir, faute de perspectives claires et en l’absence d’un rêve collectif, sans lequel il n’y a point de politique qui vaille, et devant un quotidien de plus en plus dur.
Cette inquiétude est aggravée par une situation régionale préoccupante, caractérisée par une instabilité qui perdure et des risques grandissants de terrorisme, voire de guerres fratricides.
Au même moment, le monde contemporain se caractérise par des mutations rapides et profondes, en raison notamment des progrès du savoir et de ses multiples applications. Nous vivons, en effet, et à un rythme accéléré, la convergence de quatre grandes révolutions qui ont émergé, certes, à des périodes différentes, au cours du siècle dernier.
Il s’agit de la révolution de l’intelligence dont les deux moteurs principaux sont les technologies de l’information et de la communication (TIC) et l’intelligence artificielle, ou l’apprentissage machine. Il s’agit ensuite de la révolution du quanta, avec la mise en service, durant l’année qui vient de s’écouler et avant la date initialement prévue, de l’ordinateur quantique. Il y a en outre la révolution de la matière avec notamment les progrès vertigineux de la nanotechnologie dont l’objectif ultime est la fabrication et le contrôle de molécules électroniques auxquelles seraient confiées des missions spécifiques, notamment dans le domaine médical. Il y a, enfin, la révolution du vivant avec les grands progrès enregistrés dans le domaine du génie génétique et de la microbiologie. Et, il ne s’agit point de spéculations relevant de la science-fiction.
Il s’agit d’une réalité vécue par de nombreux pays avancés qui ont compris que, désormais, le facteur principal dans la production de davantage de valeur ajoutée n’est autre que le savoir et l’innovation.
Tout ceci implique de nouveaux paradigmes et, par la suite, la nécessité de se doter d’une mentalité autre et surtout cela implique l’urgence de réformes profondes devant toucher les différents secteurs. Or, pour y parvenir, il est indispensable de disposer d’un Etat fort (au sens noble du terme) et juste, étayé par des institutions et des mécanismes garantissant et pérennisant l’Etat de droit. Cela nécessite également une cohésion nationale faisant de la diversité des idées et des opinions un facteur de richesse collective au lieu et place d’un facteur de division et d’exclusion.
Par ailleurs, il convient de noter que, dans ce monde globalisé et dominé par le savoir, on est passé d’un monde que je qualifierais de newtonien, où les notions de temps et d’espace sont indépendantes de l’observateur et de ses mouvements éventuels, à un monde plutôt relativiste où le temps se rétrécit au fur et à mesure qu’augmente la quantité d’informations reçues et l’espace devient virtuel.
Dans ce monde nouveau, chargé de redoutables défis avec notamment des mutations profondes du monde du travail, la disparition ou la transformation de nombreux métiers et l’apparition de nouveaux difficilement appréhendables, existent néanmoins de véritables opportunités pour les pays, comme le nôtre, qui disposent de ressources humaines jeunes et appréciables, à condition de créer l’environnement propice pour fédérer les compétences et optimiser l’exploitation de l’intelligence collective de ses enfants.
A cet effet, je me permets de soumettre à la réflexion les cinq propositions qui suivent et qui me paraissent en mesure de redonner espoir à nos compatriotes, qui en ont urgemment besoin.
1 – Modifier le système politique actuel, par une révision de la Constitution, notamment au niveau des articles traitant du mode de gouvernance du pays. Et c’est loin d’être un affront pour les initiateurs de cette constitution qui ont le mérite d’y avoir adjoint des avancées notables en matière de libertés et de démocratie. Evidemment, cela nécessite au préalable une modification de la loi électorale, en vue de permettre l’émergence d’une majorité claire, capable de mettre en application la politique pour laquelle elle a été élue et éviter l’émiettement des voix et les tractations politiciennes.
2 – Tourner la page du passé, et procéder à une réconciliation nationale favorisant l’apport de tout patriote dans l’édification d’une Tunisie nouvelle. Ceci n’empêche pas la justice ordinaire de continuer de traiter les dossiers en cours, au lieu et place des tribunaux d’exception qui, malgré le respect que nous devons aux juges qui en ont la charge, n’ont plus de raison d’être, après 10 ans des événements survenus en 2010-2011 (qui correspondraient à des décades par rapport au temps ancien).
3 – Opter pour un modèle de développement axé sur les deux moteurs principaux du développement dans le futur, à savoir l’économie de l’intelligence, basée sur les TIC et l’innovation dans le domaine du numérique et l’économie dite verte, basée en particulier sur une judicieuse exploitation des énergies renouvelables et leurs multiples applications et l’agriculture biologique dont le marché à l’international ne cesse de s’élargir. Il convient de noter que, dans ces deux domaines, notre pays dispose d’indéniables potentialités et d’une riche expérience.
4 – Réserver une part conséquente dans le budget de l’Etat au secteur de la culture, en vue d’agir sur les mentalités et développer chez le citoyen l’amour de la patrie, le goût du travail bien fait, l’esprit d’équipe et l’aspiration à la réussite et à l’excellence, etc.
5 – Entreprendre des réformes efficientes dans les secteurs clés, en particulier dans les domaines de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, en tenant compte des mutations rapides que connaît notre monde contemporain, comme signalé précédemment. Parallèlement, mettre au point des mécanismes et des moyens permettant d’associer davantage nos nombreuses compétences qui exercent à l’étranger dans les actions de développement du pays et créer un environnement favorisant le maintien dans le pays des élites nationales.
Bien entendu, il ne s’agit là que de quelques idées-forces permettant, me semble-t-il, de rendre espoir à nos compatriotes, créer de nouvelles recherches et de nouvelles perspectives pour la jeunesse des différentes régions, apaiser les esprits et favoriser la synergie entre les bonnes volontés en vue d’une Tunisie paisible et respectée. Un pays qui regarde davantage vers l’avenir plutôt que dans le rétroviseur et où il fait bon vivre.
Ces propositions permettront en outre, si elles sont mises en application, de relever le paradoxe, dont peu de politiciens sont conscients, selon lequel les principales revendications du citoyen lambda sont à connotation essentiellement socio-économique, touchant à sa vie quotidienne, alors que la réponse à ces revendications légitimes ne peut être que politique et culturelle.
Bonne nouvelle année à tous et que Dieu préserve notre chère Tunisie.
Mansour Jabou
14 janvier 2020 à 12:26
Je me demande après avoir lu cet article, si Mr Friaa vit parmi nous en Tunisie, ou ailleurs. Les 5 points qu’il a évoqués sont nécessaires dans une économie déjà fluorescente, mais notre pays actuellement est au bord de la faillite, les banques ont vidé les poches des gens, les prix ne cessent d’augmenter, la santé est dans un état grave, nos hôpitaux, ne le sont plus , notre infrastructure également, et il vient nous parler du numérique et l’informatique quantique, certainement qu’il n’a rien compris, il peut-être ministre en Europe ou aux USA mais pas chez nous, ….
Hak
14 janvier 2020 à 18:26
je crois que le monsieur qui commente l’écrit n’a rien compris. mais comme il est insolent, ca s’applique sur lui le proverbe : on ne donne pas la confiture aux cochons
Mond Thli
14 janvier 2020 à 19:43
A ces idées claires et pertinentes venant d’un grand Monsieur de la Tunisie j’ajoute un sixiéme point relatif à la création de mécanismes à même de réduire les désequilibres régionaux
Hamadi Tazarki
14 janvier 2020 à 21:15
La recommandation 4 serait de la pure perte budgétaire…la Tunisie étant encore un pays sous-développé notamment sur le plan culturel et incapable d’assimiler les notions modernes qui concernent ce secteur.
Bakir
18 janvier 2020 à 00:29
Ce grand Monsieur vole très haut et les crétins et inculted qui ont le pouvoir ne peuvent comprendre ce dont il parle…
Mohamed Cheikh
19 janvier 2020 à 19:40
de prime abord il s’agit de remplacer l’énergie fossile importé à raison de 1,2 M/heure, par de l’énergie renouvelable locale notamment par du solaire tout en migrant vers la mobilité électrique et en couvrant nos 150 km² de toitures per du PV !