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Climat des affaires : Ce qui reste à faire…


L’investissement, l’environnement des affaires, l’accès au financement, la qualité des services… Autant de facteurs susceptibles de booster la croissance économique, mais qui demeurent tributaires de la relance de l’appareil productif, déterminant pour la création de la richesse et de l’emploi. Néanmoins, la réalité est tout autre. Un sentiment mitigé, d’incertitude et d’attentisme se dégage et s’accentue de plus en plus. Et pour cause: les grèves répétitives et les arrêts de travail observés au sein des institutions publiques, qui, encore une fois, donnent à penser que la relance espérée et recherchée de l’investissement n’est pas pour demain.


Ces actes répétitifs et irresponsables représentent une menace permanente, voire imminente, traduisant la persistance du flou, la confiance non encore établie et la destruction de la culture du travail.
Une situation de plus en plus inquiétante, avec des chiffres plus qu’indicatifs, alarmants sur les milliers de journées de travail perdues, avec des pertes financières chiffrées à des milliers de milliards, alors que la Compagnie des phosphates de Gafsa et le Groupe chimique tunisien ont prévu depuis 2016 une reprise avec une production estimée à 6 millions de tonnes.

D’aucuns ne peuvent nier l’important potentiel dont dispose la Tunisie dans divers domaines qui ne demande qu’à être rationnellement exploré, mis à profit et bien exploité afin de rompre avec une longue période d’hésitation et d’attentisme. Pour retrouver les chemins de la croissance, de la compétitivité et de l’efficience, il faudrait satisfaire un certain nombre d’exigences qui serviront de clefs, pour aller de l’avant sur la voie de la croissance inclusive et durable.
Par ailleurs, la stabilité politique demeure le facteur essentiel pour mettre fin à l’attentisme, donner aux opérateurs de la visibilité et restaurer la confiance.

En effet, le rapport Doing Business 2019 du Groupe de la Banque mondiale a classé la Tunisie à la 80e place sur 190 pays derrière la plupart de nos concurrents directs, alors qu’elle était classée 42e en 2012.
«Plus inquiétant encore, notre pays accuse d’importants retards par rapport à ses concurrents traditionnels et même des pays africains émergents au niveau des éléments décisifs de l’environnement des affaires, à l’instar des procédures de création des entreprises, l’accès au financement et l’efficacité du marché du travail», précise M.Tarrek Chérif, président de la Conect.

Rétablir la confiance des investisseurs
Le plus grand handicap se situe au niveau de la perte de confiance des opérateurs économiques et des investisseurs dans la capacité et la volonté des pouvoirs publics à dynamiser la croissance, à maîtriser l’endettement, l’inflation et la dégradation des équilibres commerciaux et financiers et à stopper la dépréciation continue du dinar.
En outre, les augmentations fréquentes et importantes des coûts des facteurs de production, de l’énergie et du transport affectent directement les conditions de gestion des entreprises, l’attractivité économique de notre pays, les choix des investisseurs locaux et étrangers et l’acte d’investissement. Selon les opérateurs économiques, pour améliorer le climat des affaires dans notre pays, il faudrait impulser l’investissement, relancer le développement, rétablir la confiance, accélérer la mise en œuvre des réformes de fond et travailler plus et mieux. D’une année à l’autre, depuis la révolution, la Tunisie a perdu beaucoup de temps pour réaliser les réformes adéquates. Plus l’Etat les reporte, plus leur coût économique et social sera élevé et leur mise en application plus difficile.
De même, on ne cesse d’assurer les citoyens sur le fait que les investissements vont reprendre. Mais concrètement, peu de choses ont été faites. Devant ces promesses non suivies d’actions concrètes pour répondre aux attentes des chefs d’entreprise, la confiance dans la relance s’est sensiblement détériorée.

En effet, la perception des acteurs économiques des conditions d’investissement et du climat des affaires, le manque de visibilité, la politique de la Banque centrale en matière de change, le manque de maîtrise du déficit budgétaire et l’absence de réformes structurelles sont autant de facteurs qui n’encouragent pas l’initiative et l’engagement dans des projets à moyen et long terme.
Les indicateurs montrent, à cet effet, que les intentions d’investissement à la fin de l’année 2019 ont régressé de 26,3% au niveau de l’industrie et 30% au niveau du secteur des services. Concernant les investissements directs étrangers (IDE) hors énergie, ils ont enregistré au cours du premier semestre de 2019 une progression de 31% par rapport à la même période de 2018. Rapportée en euros et sur la même période, l’amélioration des IDE est de 15,6%.

Le nouveau Pacte pour la compétitivité économique et l’équité sociale a été élaboré par le Conseil d’analyses économiques dans l’objectif d’amorcer la relance économique. «Notre économie est devant un tournant historique avec des défis majeurs à relever, surtout que le contexte international présente, certes, des incertitudes, mais également de grandes opportunités offertes par les évolutions constatées dans notre principal marché cible, celui de l’UE, avec notamment le renchérissement des pays de l’Est».
Ainsi, le Conseil s’est assigné comme objectif majeur, à l’horizon 2025, de porter le taux d’investissement public et privé à 24% du PIB contre 19,6% en 2018, de faire partie du Top 50 des classements internationaux Davos et Doing Business.

«Atteindre ces objectifs ne se fera pas par le simple jeu de forces du marché, mais nécessitera un choc de confiance qui ne peut résulter que de la mise en œuvre, par un Etat developpementaliste, de politiques volontaristes, en synergie avec les partenaires sociaux». De même, la réalisation de ces objectifs nécessite des réformes liées à un cadre réglementaire et incitatif, à la formation, au système de recherche et d’innovation, au marché du travail et à l’amélioration de l’attractivité du site Tunisie. Il est à noter qu’entre 2010 et 2019, le tissu économique tunisien s’est nettement dégradé. Au-delà des agrégats économiques, la proportion de chefs d’entreprise estimant la survie de leurs sociétés à moins de 2 ans ne cesse d’augmenter d’année en année. En effet, elle était à hauteur de 20% en 2014, 25% en 2016 puis 40% en 2018. En 2019, ce ne sont pas moins de 58% des chefs d’entreprise qui se sentent menacés à court terme.

Libéraliser l’investissement
Pour impulser l’investissement et améliorer l’environnement des affaires, une nouvelle loi sur la mobilisation de l’investissement et l’amélioration du climat des affaires en Tunisie a été adoptée en 2019. Celle-ci renferme un arsenal de mesures visant la promotion du site Tunisie, la libéralisation de l’investissement dans les secteurs prioritaires, le renforcement du partenariat public-privé (PPP) et le développement de la gouvernance des entreprises commerciales. Cette loi vient à point nommé consolider l’attraction de la Tunisie en tant que destination de choix pour les investissements, accélérer le rythme de réalisation des projets, impulser l’investissement national

et étranger, améliorer le classement de la Tunisie dans les rapports internationaux, permettre aux personnes morales de créer une société unipersonnelle à responsabilité limitée, éclaircir la procédure d’acquisition des terres agricoles par les étrangers, etc.
La loi mentionne aussi l’obligation pour les filiales des compagnies étrangères implantées en Tunisie de bénéficier d’une carte de commerçant pour distribuer des produits de la maison mère ou du groupe, à condition qu’ils soient fabriqués en Tunisie. D’autres mesures non moins importantes relatives à la simplification des textes réglementaires et des procédures administratives, concernant les activités économiques et la création d’entreprises, ont été définies.
Parmi les dispositions communes et transitoires figure la prorogation à fin décembre 2020 des délais d’accès aux bénéfices des avantages fiscaux liés à l’investissement.

Parmi les mesures figure, également, la bonification du taux d’intérêt pour les secteurs productifs. Ainsi, l’Etat prendra en charge la différence entre le taux d’intérêt des crédits d’investissement et le taux moyen monétaire dans la limite de trois points. La marge de bénéfice opérée par les banques et les établissements financiers ne devra dépasser 3,5%. Cette bonification sera effective du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020, selon les modalités qui seront fixées par décret gouvernemental. A ceci s’ajoute la création d’un nouveau mécanisme de financement des fonds d’investissement sous forme de fonds des fonds.
A l’évidence, cette loi et l’arsenal des lois promulguées dont celles de l’investissement et du PPP, de la mise en place de l’instance tunisienne de l’investissement et du conseil supérieur de l’investissement, constituent un grand pas franchi sur la voie de la simplification de la vie des investisseurs et de l’amélioration du climat des affaires.

La publication, au cours de l’année 2019, du nouveau décret gouvernemental sur les autorisations administratives liées à l’investissement peut sans aucun doute inciter à l’optimisme et marquer une meilleure perception auprès de la communauté des affaires. Les diverses mesures de relance économique prises par l’Etat après la révolution ont permis d’atténuer l’ampleur du fléchissement de la dynamique d’investissement privé, mais n’ont pas pour autant réussi à faire repartir l’investissement public et étranger conformément aux objectifs escomptés.

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