La compensation demeure nécessaire pour les années à venir, compte tenu du pouvoir d’achat des citoyens de la classe moyenne, qui ne cesse de se dégrader d’une année à l’autre. Hydrocarbures et produits alimentaires de première nécessité sont consommés quotidiennement par les citoyens qui exigent de maintenir cette compensation.
Les subventions constituent la base de la politique sociale de la Tunisie depuis des années. A la faveur de la Caisse générale de compensation (CGC), plusieurs produits sont, en effet, subventionnés dans le but de protéger le pouvoir d’achat des citoyens qui ne cesse de s’éroder et particulièrement au cours de ces dernières années. Le renchérissement des prix des fruits, légumes et autres produits alimentaires a porté atteinte au pouvoir d’achat des citoyens notamment ceux appartenant à la classe moyenne qui constituent la base de la population. Que dire alors des familles à revenu limité et celles classées comme nécessiteuses ? A noter que des subventions d’un montant symbolique sont octroyées aux familles pauvres dont le nom figure dans le registre des familles nécessiteuses. Ce registre fait l’objet d’une mise à jour pour ajouter de nouvelles personnes dont le revenu ne permet pas de subvenir aux besoins essentiels de consommation.
Parmi les produits subventionnés, on trouve également les hydrocarbures dont les prix connaissent des fluctuations sur le marché international. Ce marché est impacté, parfois, par les évènements qui ont lieu dans certains points du globe comme ce fut le cas, récemment, quand les Etats-Unis ont tué, dans un raid, un dirigeant militaire iranien. L’Iran a riposté à cette action en bombardant une base militaire américaine en Irak. Du coup, le prix du Brent a monté en flèche atteignant les 72 dollars le baril. La Tunisie, qui importe une grande partie de ses besoins en hydrocarbures de l’étranger — raffinées dans nos contrées —, est obligé de dépenser toute augmentation du prix du budget de l’Etat qui est ainsi soumis à une pression grave.
Rationaliser la consommation
Des millions de dinars sont régulièrement dépensés pour l’achat des hydrocarbures qui ont un important rôle économique à jouer dans la mesure où plusieurs secteurs utilisent le carburant comme matière première. Ainsi, les secteurs du transport, du ciment, des différentes industries manufacturières ont besoin d’énergie. La flambée du prix des hydrocarbures peut amener les entreprises à augmenter les prix des produits finis destinés au public. A noter que l’Etat a institué, quelques années plus tôt, et sur recommandation du Fonds monétaire international, un mécanisme de régulation automatique des prix qui permet de diminuer ou d’augmenter les prix selon les cours pratiqués sur le marché international. Cependant, la subvention des hydrocarbures a été révisée à la baisse dans le projet de budget de l’Etat pour l’exercice 2020. Elle est passée de 2.100 millions de dinars (MD) à 1.880 MD, soit une baisse de 25,9%.
L’objectif de l’Etat est de diminuer progressivement ladite subvention en commençant par le secteur industriel pour toucher finalement le grand public. C’est que la Caisse de compensation ne peut pas continuer à subventionner éternellement ce produit essentiel. La rationalisation de la consommation de l’énergie et notamment celle provenant des hydrocarbures est l’une des solutions qui permettrait de contourner la hausse de prix de ce produit. Plusieurs méthodes ont été développées en vue de diminuer un tant soit peu le recours à l’énergie fossile. On peut citer les énergies renouvelables pour lesquelles toute une stratégie a été mise en place par l’Etat. Le solaire et l’éolien sont les principales énergies retenues pour lancer divers projets dans ce domaine. L’efficacité énergétique et la régénération sont également des moyens adaptés aux entreprises pour produire de l’électricité et vendre le surplus à la Steg. Plusieurs entreprises ont, d’ailleurs, signé des conventions avec l’Agence nationale de maîtrise de l’énergie (Anme) pour la maîtrise de l’énergie en optant pour l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Pour la relance de l’industrie
La baisse de la subvention pour les hydrocarbures s’explique notamment par la réduction prévue de 500MD des dépenses de deux entreprises bénéficiaires de la subvention à savoir la Société tunisienne d’électricité et du gaz (Steg) et la Société tunisienne des industries de raffinage (Stir). Les citoyens craignent une hausse des prix de l’électricité malgré les assurances fournies par la société. En tout cas, un ajustement des prix des hydrocarbures a été prévu dans le cadre du projet de budget de l’Etat de 2020.
L’Etat prévoit également une augmentation de la production nationale de pétrole brut de 25%, par rapport à 2019, pour atteindre 2.402 millions de tonnes et de 31% à 2.896 millions tonnes pour la production du gaz naturel. Malgré cette hausse de la production, la Tunisie est considérée, quand même, un pays pauvre en ressources naturelles fossiles. L’accroissement de la demande — suite à l’amélioration des conditions de vie des citoyens, à la croissance démographique et au développement du tissu industriel — nécessite de trouver de nouveaux gisements de gaz et de pétrole pour pouvoir satisfaire les besoins exprimés. La baisse prévue des importations de produits pétroliers et du gaz naturel algérien sera respectivement de 19,7% et 19,3%.
Au total, le budget de la compensation pour l’exercice 2020 est estimé à 4,18 milliards de dinars, soit presque 14,8% des dépenses de gestion, 8,9% du total du budget de l’Etat et 3,3% du PIB du pays. La subvention des hydrocarbures (1.880 MD) représente près de 45% du budget de subvention, celle des produits de base (1.800 MD) représente 43% alors que le transport accapare 13%. Les citoyens ont encore besoin de subventions car le pouvoir d’achat est modeste en ne permet pas d’acheter tous les aliments de base. Plusieurs produits comme le pain, la semoule, les pâtes et l’huile végétale sont encore compensés par l’Etat même si l’orientation, qui n’est pas encore concrétisée, consiste à mieux cibler les personnes ou les familles qui ont vraiment besoin de compensation pour leur octroyer une aide sous forme de subvention et pouvoir ainsi pratiquer la réalité des prix.
A noter que l’Etat importe régulièrement d’importantes quantités d’huile végétale destinée, en principe, aux ménages mais détournée parfois au profit de certains fabricants de pâtisserie et de restaurateurs. Les rondes de contrôle économique ont épinglé plus d’une fois des professionnels qui détiennent de l’huile végétale compensée. Dans plusieurs points de vente, cette huile est absente des étals sous prétexte que le stock a été épuisé. C’est aussi le cas de la farine compensée, détournée, de temps à autre, au profit de certains professionnels peu scrupuleux qui ne sont pas soucieux du pouvoir d’achat des citoyens ni de la stabilité économique du pays.
La compensation concerne aussi le secteur du transport en commun. Depuis des années, déjà, le prix n’a pas changé pour permettre aux usagers, toutes catégories confondues, de se déplacer sans grever leur budget même si, au cours de ces années, le prix des hydrocarbures, des pièces de rechange, outre les salaires et les frais divers ont connu une courbe ascendante. Cette compensation demeure utile voire nécessaire au cours des années à venir.