La désignation de Elyes Fakhfakh comme chef de gouvernement chargé de former son équipe et d’obtenir la confiance du Parlement enlève au pays et aux composantes politiques de notre échiquier, complexe et hésitant, une épine coriace du pied.
Parmi les partis, personne n’est hilarant, mais ce Monsieur est souvent souriant et sait composer. C’est un social-démocrate tout comme affirme l’être Attayar, et provient d’Ettakatol, issu du MDS, le parti historique de Ahmed Mestitiri.
De ce point de vue, le président de la République a fait un coup de maître : soupçonné d’être porteur d’idées marginales, il vient de renouer avec des attaches essentielles pour notre économie, l’Union européenne par le biais de l’Internationale socialiste.
Après la «surprise» de la désignation, les critiques s’estompent d’ailleurs sensiblement et les offres de collaboration prennent peu à peu le dessus.
Le président de Qalb Tounès, Nabil Karoui, a réagi, dès mardi soir, affirmant que son parti « n’a pas de réserves particulières à l’égard d’Elyes Fakhfakh en tant que chef du gouvernement désigné », lui demandant de
« s’ouvrir à tous les partis politiques et aux organisations, sans exclusion, et d’entamer des concertations afin de s’assurer du soutien politique et parlementaire nécessaire pour relever les défis et faire sortir le pays de la crise ».
Tout en regrettant que le chef de l’Etat « ne se soit pas directement entretenu avec les partis vainqueurs aux élections et n’ait pas tenu compte des choix proposés par les partis et rassemblant un plus large consensus ». Ce à quoi le dirigeant nahdhaoui Abdellatif Mekki a répliqué en indiquant que le chef de l’Etat « subit des pressions dont certaines initiées par des parties étrangères mais il n’a pas cédé. S’il a changé le nom de son candidat, il est resté dans la zone positive ». Et d’ajouter : « Elyes Fakhfakh est un ami avec lequel nous avons travaillé du temps de la Troïka, il fait partie des jeunes politiciens imprégnés des valeurs de la révolution et, pour nous, c’est le plus important, tout le reste n’est que détails ».
Et Mekki d’estimer que Fakhfakh n’est pas obligé de quitter Ettakatol. Contrairement à la suggestion de Karoui.
S’agissant des perspectives liées au futur vote de confiance, si ces deux partis décident d’appuyer Fakhfakh, la partie est en voie d’être gagnée, puisque 54 + 38 font déjà 92 députés sur les 109 exigés. Il n’en manque plus que 17.
Au nom de Tahya Tounès, Walid Jellad a appelé les partis restants à voter la confiance au gouvernement que formera Fakhfakh, estimant que ce dernier est une «personnalité consensuelle».
Restent le groupe Al Mostakbel et celui que dirige Naceur Mosbahi, lesquels semblent plutôt proches de Fakhfakh.
Quant à Abir Moussi, elle estime que Elyes Fakhfakh est responsable de l’effondrement de l’économie nationale en 2012, lorsqu’il faisait partie du gouvernement Hamadi Jebali.
Maintenant qu’il est quelque peu rassuré, Elyes Fakhfakh est conscient qu’il a du pain sur la planche : dénicher des perles rares, des ministres porteurs de vraies réformes de fond capables de remettre le pays sur les rails et de redoter l’Etat de Sa Majesté.
Certes, en cela, le chef de gouvernement désigné gagnerait à ne pas rompre le contact avec la présidence ni avec les nombreux partis ayant participé à la consultation. Car il s’agit enfin, plus de neuf ans après la révolution, d’élaborer, projet par projet, une véritable stratégie de gouvernement cohérente spécifique à la Tunisie.
Les pièges à éviter seront au moins deux : la distribution de postes à différents partis en échange de leur appui et l’octroi de départements à des titulaires réputés spécialement compétents.