Au pays des Pharaons, le handball est désormais élevé par l’Etat au rang de «priorité sportive nationale».Quant à nous,…
Au-delà de la grosse déception engendrée par la défaite du sept national contre l’Égypte lors de la dernière CAN à Radès, ce qu’il faut plutôt retenir, c’est le signal alarmant que nous a émis cette compétition, à savoir que nous avons perdu considérablement du terrain dans la course opposant les deux pays pour la suprématie handballistique sur la scène arabo-africaine. Oui, ayons le courage d’avaler cette amère pilule :avec eux, on n’est plus dos à dos, on ne se partage plus le gâteau. C’est que le moteur turbo de notre superbe bolide a pris du sable, alors que le leur a été remplacé par celui d’un…avion supersonique !
Pour en avoir le cœur net, revoyez le film de cette finale de triste mémoire. Finale que les Egyptiens ont abordée comme si elle se déroulait au pied des Pyramides du Caire ,la présence de 14 mille spectateurs tous acquis à la cause locale ne les ayant ni perturbés, ni déconcentrés. Finale qu’ils ont gérée à leur guise, accélérant et décélérant comme bon leur semblait. Et pourtant, dans leurs rangs, il n’y avait ni la superstar de l’Hexagone, Karabatic, ni le monstre sacré danois, Hanssen. Non, ils n’y comptaient que de jeunes talents tout feu tout flamme, appliqués, disciplinés, jouant comme le veulent les exigences du handball moderne.
De surcroît, pas d’affolement, aucun signe de panique, même aux pires moments du match, solidement encadrés qu’ils étaient par les vieux briscards Lahmar, Mamdouh, Zain et Hendaoui. Et puis, sur leur banc, un état-major très compétent, calme et bon gestionnaire. Dans leur production et à travers le rythme qu’ils ont imprimé à la rencontre, et l’efficacité défensive et offensive qu’ils ont imposée, on pouvait aisément mesurer la nette différence entre une équipe qui avance et une autre qui stagne .Entre un handball mûr et au diapason du progrès, et un autre meurtri par l’improvisation, l’inconstance dans l’effort et l’absence de solutions de rechange.
Opération «un million de jeunes pratiquants»
Voulez -vous savoir pourquoi? Eh bien, c’est simple, c’est même plus blanc que blanc. En effet, eux, ils ont une politique claire, rigoureuse et surtout prospective. S’inspirant de l’exemple des grandes écoles européennes (France, Espagne, Allemagne, Croatie et pays scandinaves )ils ont lourdement investi dans le travail de base. Et cela, en multipliant le nombre de salles couvertes,en mettant à la disposition des catégories des jeunes des entraîneurs compétents formés dans le Vieux continent et généreusement rémunérés, en élaborant une formule de championnat propice à une formation solide et à l’éclosion de talents, et en augmentant — jusqu’à 48 pour cent — le volume des subventions et aides diverses octroyées aux clubs.
L’Etat est allé encore plus loin dans cette démarche proprement révolutionnaire, en «doublant « la subvention annuelle allouée à la Fédération qui est passée de 16 à 32 millions de dollars, dont près de deux milliards de nos millimes exclusivement destinés au financement, rien qu’en 2019, des stages de préparation des sélections des cadets et des juniors. Un montant, soit dit en passant, équivalent au budget global de notre Fédération !
Mais, ce n’est pas fini, puisque les autorités égyptiennes sont actuellement en phase de concrétisation de ce qu’elles appellent fièrement «le projet du siècle».Conçu par la fédération avec la collaboration étroite des ministères de la Jeunesse et des sports et de l’Éducation, ce projet audacieux table sur la détection et la formation de, tenez-vous bien, un… million d’enfants qui bénéficieront du régime de la mi-temps : la matinée pour les études et l’après -midi pour la pratique du handball. Ce projet historique survient dans la foulée de l’ouverture récente, au Caire, d’un centre de formation ultramoderne créé à l’initiative du. ..président de l’IHF (Fédération internationale de handball )et enfant du pays, Hassen Moustapha.
Cet homme, quoi qu’on dise, continue de donner des leçons de patriotisme et d’amour de la patrie, en mettant ses larges pouvoirs au service de son Égypte natale. Au point qu’il fait d’elle le premier pays africain et arabe à se payer le luxe d’organiser deux championnats du monde des seniors (contre une seule édition pour la Tunisie et pour le pourtant très puissant Qatar ). Si M. Moustapha est devenu, depuis voilà un peu plus de deux décennies, l’homme fort de cette instance mondiale, c’est qu’il était — et l’est toujours — fortement soutenu tant par l’Etat égyptien que par ses compatriotes. Chez nous, que nenni ! Un petit exemple édifiant :lorsque l’ancien président de la Fthb, feu Rafik Khouaja, alors vice-président de la Cahb, a annoncé en 2004 qu’il comptait présenter sa candidature à la présidence de l’IHF pour espérer succéder à M. Moustapha, qu’a-t-on fait dans nos murs? Rien, ou plutôt si, puisque des voix s’y sont élevées, non pour faire campagne avec lui, mais pour… lui tirer dessus à boulets rouges pour des raisons diverses, au beau milieu du silence radio de la tutelle. Dépité et dégoûté, Rafik fit alors machine arrière. A la grande joie du docteur cairote !
Un règne qui perdurera
Cet exemple illustre à quel point on fait de la présence dans les instances internationales le dernier de nos soucis. Entre -temps, notre handball souffre jusqu’à la déprime, et cela à tous les niveaux. Pour conclure ce mélo, parions que le règne égyptien a toutes les chances pour perdurer pour au moins une décennie durant laquelle notre handball, si marginalisé, se contentera du rôle d’un… spectateur ébahi !
Mohsen ZRIBI