La politique monétaire tunisienne a connu, lors de son application, un certain nombre de difficultés et n’a pas toujours atteint les objectifs fixés pour diverses raisons. D’où la nécessité de traiter les points faibles en vue de faire de cette politique monétaire un vrai fer de lance pour la croissance et le dynamisme économique. M. Mohamed Hammadi Jarraya, expert en économie, et président de l’observatoire TunisiaProgress, nous livre ses appréciations à propos de cette politique monétaire. Interview.
Que pensez-vous de la politique monétaire adoptée par la Tunisie?
D’après la Loi 2016-35, le premier objectif statutaire de la Banque centrale de Tunisie « BCT » est de maintenir la stabilité des prix. Le moyen usité est l’ajustement du niveau de son taux directeur « TD », pour réguler, à travers les mécanismes de transmission de la politique monétaire, les conditions de financement de tous les agents économiques et, par conséquent, contrôler la variation des prix.
Le mécanisme conceptuel vise à orienter le taux d’intérêt interbancaire journalier, vers des seuils proches du « TD ». Celui-ci influence directement le taux moyen mensuel du marché monétaire « TMM ». Celui-ci est le taux de référence le plus utilisé par le système bancaire tunisien.
Cependant, l’influence des prix n’est pas le monopole de la BCT ce qui complique la donne.
En effet, depuis le soulèvement populaire, le budget de l’Etat (proposé par le gouvernement et adopté par le parlement) joue de plus en plus un rôle déterminant dans la tendance des prix. La croissance « diabolique » des besoins du budget a engendré une flambée des coûts de production des produits de base (pression fiscale, érosion du dinar, service de la dette de l’Eta, etc.).
Par ailleurs, pour freiner la chute du dinar, la BCT intervient souvent, malgré les objections du FMI, en injectant des montants en devises dans le marché monétaire. Certes, cet instrument de régulation n’est possible qu’avec une bonne réserve en devises (plus de 90 jours d’importation).
Pour répondre aux besoins en liquidités, enregistrant certaines «pénuries», la « planche » à billets a, souvent, constitué la solution de facilité.
Notre politique monétaire actuelle est loin d’être efficace. Sans vision lointaine, notre politique essaie d’intervenir au jour le jour.
L’orientation vers l’endettement est-elle la solution indiquée pour alimenter le budget?
C’est le recours le plus périlleux et le plus coûteux. L’explosion des dépenses publiques (masse salariale 45% du budget, compensation 10% du budget), le blocage répété des productions stratégiques (phosphates et hydrocarbures), les grèves récurrentes et la faiblesse de la croissance économique (presque nulle) ont obligé l’Etat à choisir aussi bien la pression fiscale que l’endettement pour financer, en partie, ses besoins, avec un déficit supposé être de 3% du budget.
En l’absence d’une bonne visibilité économique, la sortie sur les marchés internationaux, pour lever les fonds nécessaires, est de plus en plus difficile et coûteuse. Ainsi, le coût de la dette contribue à affaiblir davantage le pouvoir d’achat du citoyen.
Qu’est-ce que vous proposez pour consolider le budget et renforcer notre monnaie nationale?
A mon avis, le plan de redressement doit emporter l’adhésion consciencieuse et responsable de tous (le peuple et le gouvernement). Il se présente par ordre de priorité comme suit :
• Adopter une politique d’austérité au niveau du budget de l’Etat pour revenir à 30 MDT maximum, au lieu de 47 MDT.
• Lancer une campagne nationale de regain de confiance en lançant des défis participatifs à vocation économique pour les jeunes et la population active.
• Interdire sévèrement tout blocage de la production nationale quelles que soient les revendications sociales.
• Instaurer le service national obligatoire pour les chômeurs dans le cadre des projets nationaux, avec une indemnité égale au Smig.
• Instaurer un régime judiciaire pour rétablir la sécurité du citoyen et le respect des lois dans tous les domaines (amnistie pour les débutants et sanctions ultimes pour les récidivistes).
Propos recueillis par C.G.