Accueil Société Agressions physiques et verbales dans les établissements scolaires : Les garde-fous ont-ils disparu ?

Agressions physiques et verbales dans les établissements scolaires : Les garde-fous ont-ils disparu ?

La composante socio-psychologique doit être un axe essentiel de la prochaine réforme afin de pallier le manque de suivi et d’encadrement des élèves et réduire le risque des comportements déviants et du décrochage scolaire au sein des structures éducatives.

La violence a pris des proportions de plus en plus inquiétantes dans les établissements éducatifs. Celle-ci reflète un fait indéniable. Jadis, réceptacle des valeurs et pièce maîtresse dans le système  d’intériorisation des normes et des valeurs au sein de la société, l’enceinte éducative s’est progressivement éloignée de cette mission, causant l’effritement  d’une sacralité qui représentait une barrière invisible contre les maux de la société. Au cours des dernières décennies, les mutations profondes de la société ont chamboulé  les rapports entre les éducateurs, les parents et les élèves. Alors qu’il représentait un maillon essentiel dans la chaîne de transmission des valeurs et un garde-fou par excellence contre les dérives sociétales, l’enseignant éducateur  craint et vénéré  est tombé de son piédestal, perdant de sa superbe.

Par le passé,  toute décision punitive qu’il prenait n’était jamais remise en question ni par les élèves ni par les parents qui donnaient comme consigne à leurs enfants d’obéir au doigt et à l’œil à leur éducateur qu’ils soient  ou non dans leur tort et quelles que soient les mesures correctives prises. Depuis, la crédibilité de l’éducateur a été écornée et jetée aux orties.

Microcosme au sein de la société, l’enceinte scolaire a subi les à-coups de la transformation profonde d’une société en perte de repères. De plus en plus fragilisée, la structure éducative n’arrive plus à jouer le rôle d’encadrement qui lui incombe.

Agressions physiques à répétition

Dans une société tournée essentiellement vers le consumérisme, le délitement des valeurs exacerbé par la crise sociale se traduit de plus en plus par une souffrance et un mal-être que les parents et les élèves répercutent au sein de l’enceinte scolaire. Le résultat est là. On assiste à des scènes d’une violence inouïe. Il y a dix jours, dans un établissement scolaire du Kram, des élèves s’en prennent au directeur de l’école en le blessant à la main avec une arme blanche. Dans un autre établissement éducatif, c’est une parente d’élève qui prend violemment à partie une enseignante en lui griffant le visage, au motif qu’elle a changé sa fille de place dans la salle de classe.

A la recrudescence des agressions physiques et verbales au sein des établissements éducatifs vient s’ajouter la hausse inquiétante du taux de suicide au sein des écoliers et des élèves. A Sidi Bouzid, deux élèves du même établissement se sont suicidés à quelques jours d’intervalle. On ignore les causes exactes qui ont poussé ces enfants à peine âgés d’une dizaine d’années à commettre un tel acte. Un meilleur suivi et encadrement par un psychologue et une assistante sociale leur  auraient peut-être permis d’éviter qu’ils mettent fin à leur vie à un aussi jeune âge.

Détecter les comportements déviants 

Dans un établissement secondaire de la  cité populaire El Kabbaria, des enseignants ont décidé de prendre le taureau par les cornes, en réagissant face au désarroi des élèves  d’une classe de terminale qui ont décidé d’abandonner leurs études pour migrer clandestinement et aller tenter leur chance sous d’autres cieux. Ces enseignants ont mis en place une cellule d’écoute afin d’apporter un peu de réconfort à  ces jeunes adolescents, désorientés et démotivés en étant à leur écoute et en leur prodiguant des conseils. Ils leur ont donné libre cours à leurs émotions et à leurs souffrances à travers l’art. Cette expérience  a fini par porter ses fruits et les élèves ont finalement abandonné leur projet de migrer clandestinement.

Il reste que cet établissement fait figure d’exception. En effet, la plupart des administrations scolaires ne semblent pas prendre suffisamment au sérieux le rôle essentiel des psychologues et des assistantes sociales, appelés à détecter les comportements déviants dans le milieu scolaire. A preuve : ce lycée situé à dans le gouvernorat de l’Ariana où l’administration, faute de personnel, a décidé de reconvertir la seule psychologue de l’établissement en surveillante générale pour donner des billets de rentrée aux élèves en retard !

Aujourd’hui, le ministère de l’Education, qui est soucieux de mener à bien la réforme pour redresser un système éducatif en pleine déliquescence, se retrouve face à un autre enjeu, à savoir celui de développer la composante socio-psychologique en renforçant la présence des psychologues au sein des établissements éducatifs. Ces derniers doivent conjuguer leur efforts avec ceux des enseignants qui doivent se poser comme garde-fou à la dérive d’une jeunesse désenchantée, en accompagnant et en orientant les élèves afin de réduire le risque des comportements déviants et du décrochage scolaire; deux grands fléaux qui minent aujourd’hui les établissements scolaires.

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