Le texte de loi sur le crowdfunding qui a été, récemment, adopté lors d’un conseil ministériel, s’inscrit dans la même veine de la loi Start-up Act. On s’attend à un volume de financement à hauteur de 50 millions de dinars, pour l’année qui suit l’entrée en vigueur de la loi. Ahmed Karam salue de son côté cette mesure qui devrait, selon lui, être accompagnée de garde-fous pour assurer l’efficacité de ce nouveau mode de financement.
Bonne nouvelle pour les start-up et les PME qui peinent à décoller: les autorités viennent, tout juste, de légiférer sur un nouveau mode de financement leur permettant de s’affranchir des conditions, parfois dures et exorbitantes, imposées par le système de financement classique: il s’agit du financement participatif connu sous son acronyme anglais “crowdfunding”. Suite à son adoption par le conseil des ministres tenu le 31 janvier, le projet de loi sur le “crowdfunding” devrait, de facto, être soumis à l’examen du Parlement. Le département de l’Industrie et des PME a tenu une conférence de presse, lundi dernier 3 février au siège de l’APII, pour braquer les projecteurs sur ce nouveau mode de financement, encore récent à l’échelle mondiale.
95% de l’économie tunisienne financés par le secteur bancaire
S’étendant sur le sujet du financement participatif, le ministre de l’Industrie et des PME, Slim Feriani, a expliqué que cette loi permettra de consolider l’écosystème de l’entrepreneuriat, notamment des start-up. “Tout comme le microcrédit qui a permis à un bon nombre de familles et de ménages vulnérables de s’épanouir socialement et économiquement, le crowdfunding permettra aux start-up et aux PME de décoller et de monter en gamme”, a déclaré Feriani. Et d’ajouter que cette loi constitue un cadre complémentaire à la loi start-up Act, dans la mesure où elle met sur pied des mécanismes de financement plus souples. En quoi consiste le crowdfunding ? C’est une opération de financement effectuée à travers des plateformes qui jouent un rôle intermédiaire entre des entreprises ou start-up en quête de financement, et des particuliers, notamment des internautes qui s’engagent d’appuyer ces projets en y injectant de l’argent.“C’est une manière d’investir son argent. Ces plateformes serviront d’intermédiaires qui mettent en relation les Tunisiens, notamment ceux résidents à l’étranger”, a précisé Feriani.
Il a souligné, dans ce contexte, qu’il existe deux types de financement participatif. Le premier mode est, en effet, l’investissement en capital connu sous le nom “Equity Crowdfunding” qui permet aux entrepreneurs désirant de monter leurs projets de lever des fonds. Ce premier mode de financement est soumis à l’autorisation du Conseil du Marché Financier (CMF). Quant au deuxième mode de crowdfunding, il consiste à prêter de l’argent, formant, de ce fait, une nouvelle source de financement au même titre que les institutions de financement classiques comme les banques commerciales, les banques d’affaires …etc. Ce deuxième mode est soumis à l’autorisation de la Banque centrale (BCT).
“Selon les récentes estimations, le volume du financement dans le monde par le crowfunding avoisine les 500 milliards de dollars. Les Etats-Unis et la Chine s’y taillent la part du lion. C’est un mode de financement récent dans le monde entier, mais qui va croissant au vu du succès qu’il connaît”, a-t-il souligné. Pour le ministre de l’Industrie, cette loi constitue un pas de plus dans le processus de la diversification du financement en Tunisie. C’est dans ce sens qu’il a fait savoir que l’économie tunisienne est financée pratiquement en sa totalité par le secteur bancaire, à hauteur de 95%. “La Tunisie fait partie des rares pays où le secteur bancaire finance presque la totalité de l’économie”, a-t-il précisé. On s’attend, désormais, à un volume de financement à hauteur de 50 millions de dinars,pour l’année qui suit l’entrée en vigueur de la loi, a affirmé Feriani.
Protéger les créanciers des actions frauduleuses
Pour Ahmed Karam, président de l’Union des banques maghrébines, ce projet de loi est une “mesure intéressante” qui enrichit l’espace financier tunisien, mais qui doit être dotée de gages pour assurer sa bonne marche et éviter les actions frauduleuses permettant, de ce fait, de garantir son efficacité. “ C’est un instrument récent, qui commence à avoir beaucoup d’importance dans les marchés financiers évolués. Il permet à certains promoteurs d’entreprises d’accéder au financement qui pourrait être parfois hors de leurs portées, dans la mesure où l’appareil financier classique exige des garanties souvent difficiles à assurer malgré les idées innovantes qu’ils portent”, a souligné Karam dans une déclaration accordée à La Presse. Et d’ajouter que le crowdfunding permet également de créer un rapport direct de confiance entre le promoteur et l’investisseur à même d’accélérer le développement des projets. C’est un instrument intéressant pour la levée des capitaux pour les start-up, soutient-il. La culture et l’art peuvent également tirer profit de ce nouveau mode de financement qui pourrait révolutionner l’économie tunisienne.
“Le crowdfunding est également utilisé pour les activités innovantes, principalement culturelles pour financer les films, les pièces théâtrales…etc., parce que dans ces domaines, il y a toujours un rapport de sympathie entre le porteur de projet et le public”, a-t-il expliqué. Cependant, le crowdfunding doit être géré d’une manière professionnelle, a averti Karam. Pour ce faire, il a appelé à mettre en place l’ensemble des règles qui sont de nature à protéger les créanciers des actions frauduleuses. “ C’est là que les pouvoirs publics doivent intervenir pour jouer un rôle de supervision. Il faut également que le processus de financement ne soit pas complexe. C’est un système mis en place via internet et qui dit internet dit rapidité, allégement de procédures et efficacité”, a-t-il conclu.
Par ailleurs, il est à souligner que le projet de loi a été élaboré d’une manière participative dont le processus a été dirigé par un comité de pilotage Copil constitué de plusieurs représentants des diverses parties prenantes, notamment la BCT, le département des Finances, le secteur privé, le conseil du marché financier et l’autorité de contrôle de la micro-finance.