La zone de libre-échange continentale est une véritable opportunité pour la Tunisie. Encore faut-il que le pouvoir législatif ratifie la convention d’adhésion à cet espace qui va offrir à notre pays une occasion propice pour échanger divers produits de consommation avec des pays africains dont certains ont réalisé une croissance impressionnante.
Quelle est l’importance de l’Afrique pour l’économie tunisienne ?
L’importance du marché africain pour la Tunisie n’est pas à démontrer dans la mesure où notre pays est une composante du continent. L’Afrique c’est donc un prolongement de la Tunisie surtout pour ce qui concerne la zone de libre-échange continentale. A noter que je suis président de la Conférence permanente des chambres consulaires africaines francophones (CpCcaf) dont le siège est en France. Pas moins de 50 pays ont signé la convention d’adhésion à la zone de libre-échange continentale, dont 28 l’ont ratifiée. Cette convention va permettre le démantèlement tarifaire pour les produits d’origine africaine, c’est-à-dire des produits fabriqués dans l’un des pays membres de ladite convention. Je saisis cette occasion pour lancer un appel au pouvoir législatif (Assemblée des représentants du peuple) pour accélérer la ratification de cette convention qui va entrer en vigueur en juillet 2020. Le temps presse et il ne faut pas que la ratification soit encore retardée. La Tunisie a intérêt à ratifier cette convention dont l’objectif consiste, entre autres, à renforcer les échanges commerciaux africains qui doivent passer de 15 ou 16% à 50% au cours des dix prochaines années. C’est une belle opportunité pour la Tunisie notamment au niveau du démantèlement tarifaire, l’accès aux informations économiques et à la logistique, au développement du financement. En Afrique, il y a des pays plus favorisés que d’autres à cause notamment de leur situation géographique. L’accès à la mer n’est pas donné à tous les pays. L’infrastructure de base diffère également d’un pays à un autre. En tout cas, l’Union européenne est impliquée dans ce projet et veut faire de ces pays africains un véritable hub. Des pays comme le Tchad et le Mali peuvent contribuer grandement à ce projet vu leur infrastructure développée. La Tunisie dispose également d’une infrastructure pour les PME. Le diagnostic sur le marché africain a été fait depuis longtemps et on connaît bien les opportunités, les points forts et les faiblesses de la Tunisie pour y accéder. Il faut passer maintenant à l’application selon une stratégie de développement pour conquérir ce marché et s’y intégrer en exploitant les opportunités dans les 54 pays africains. Personnellement, je propose la création d’un ministère des Affaires africaines dans le prochain gouvernement. Tous les gouvernements successifs se sont intéressés à ce marché mais il faut vraiment mobiliser les moyens pour aboutir à une stratégie de développement visant le marché africain.
Et que pensez-vous des opportunités offertes par le Comesa à la Tunisie ?
Pour ce qui est du Comesa, la Tunisie est le 20e membre. L’accord relatif à ce groupement constitue une opportunité importante pour l’Afrique francophone d’autant plus que l’on dispose de relations privilégiées avec certains pays de cette zone comme l’Ethiopie qui occupe une part considérable dans les échanges commerciaux avec l’Afrique. C’est le premier pays importateur de Tunisie en Afrique. Sans oublier, bien sûr, les opportunités offertes par la zone de libre-échange continentale et les conventions qui seront révisées avec un certain nombre de pays. Les négociations sont en cours en vue de sélectionner les produits à commercialiser outre la préparation des documents. Tout le monde doit mettre la main à la pâte pour réussir ce pari en donnant l’importance nécessaire à la logistique. C’est un travail colossal qui reste à faire par le prochain gouvernement. La conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones est un réseau de coopération économique au service du secteur privé africain et francophone. La zone continentale compte pas moins d’un milliard 250 millions d’habitants. C’est l’une des plus grandes zones d’échanges commerciaux. On attend actuellement la ratification de la convention relative à cette zone continentale de la part du pouvoir législatif.
Quels sont les produits tunisiens qui pourraient être commercialisés dans les pays africains ?
Tous les produits de consommation fabriqués en Tunisie peuvent être commercialisés en Afrique. A noter que les produits tunisiens sont compétitifs et de bonne qualité. Ce qui manque ou fait l’objet d’un déficit c’est bien la logistique, c’est-à-dire les lignes maritimes et aériennes dans les différents pays africains pour faire parvenir rapidement la marchandise commandée par les clients. Une délégation d’hommes d’affaires devrait se rendre à Kinshasa (le 9 février 2019) et elle doit emprunter Royal Air Maroc pour accéder à ce pays.
Parmi les produits commercialisables pour ces pays, on peut citer aussi les matériaux de construction et les opportunités ne manquent pas surtout pour un pays comme le Congo qui est en construction. Les produits de cuisine ainsi que l’aluminium sont également très demandés. Les pays africains sont riches en ressources mais il existe un problème au niveau de la logistique, du coût de production, d’accès au financement, à l’assurance. En Afrique, il y a nombreux fournisseurs qui sont déjà établis. L’absence d’un pays est compensée par d’autres pays qui ont déjà mis les pieds dans le continent. Même les Américains s’intéressent à ces pays à travers leur projet « Prosper African » qui va mobiliser plusieurs entreprises américaines. Pour la Tunisie, on doit chercher des solutions pour baisser le coût et traiter le dysfonctionnement de la logistique. Comme je l’ai dit, le diagnostic a été fait et les faiblesses sont connues.
Quelles sont les solutions, selon vous, pour relancer les échanges avec l’Afrique ?
On doit, tout d’abord, favoriser le transport multimodal vers ces pays et créer des zones logistiques, et ce, pour bien se positionner en Afrique. Une grande part de nos échanges commerciaux se fait actuellement avec l’Europe. Or, l’Afrique offre des opportunités intéressantes à saisir. D’où la nécessité de ratifier, dans les meilleurs délais, la convention de la zone de libre-échange qui va permettre à la Tunisie de bénéficier d’un démantèlement tarifaire sur un ensemble de produits. Nous espérons en tant que CpCcaf contribuer à faire avancer ce projet et permettre à notre pays d’occuper la place qui lui sied sur l’échiquier africain. Tous les pays africains offrent des opportunités comme l’Ethiopie et le Congo avec 80 millions d’habitants chacun et une infrastructure de base développée, le Cameroun, le Togo, le Sénégal, le Burkina Faso et les autres qui constituent un potentiel important exploitable par la Tunisie. Mais on doit disposer d’une stratégie bien établie à court, moyen et long termes pour exporter des produits de qualité dans les délais impartis.