Le chef du gouvernement désigné, Elyes Fakhfakh, compte, aujourd’hui, rendre sa copie finale, présentant ainsi son équipe ministérielle au président de la République. Non sans difficulté de choix, indubitablement, dicté par des tractations partisanes au grand jour. Sans doute, une certaine crise d’éthique politique a-t-elle plané sur les négociations-marathons menées depuis plus de quatre mois. D’ailleurs, nombre de partis pressentis pour être représentés dans la nouvelle formation gouvernementale n’ont pas nié cette vérité. Ils ont tout dit lors d’une conférence tenue, hier, par le Centre d’étude sur l’islam et la démocratie (Csid), à son siège à Montplaisir, intitulée «Crise dans la composition du gouvernement, contraintes et solutions».
D’emblée, M. Radhouane Masmoudi, président du Csid, a voulu recentrer le débat, se posant ainsi autant de questions : pourquoi ça a duré quatre mois ? Ce gouvernement Fakhfakh a-t-il vraiment une ceinture politique ? Aura-t-il la confiance de l’ARP ? Et si oui, va-t-il durer ou pas ? L’on s’attend, dit-il, à ce que la réponse vienne des invités. Pour commencer, M. Hatem Mliki, président du bloc parlementaire de Qalb Tounès, a inscrit ses propos dans un contexte politique marqué, pour la première fois, par une alternance pacifique au pouvoir. Mais, cela ne semble pas suffisant. D’après lui, la transition démocratique exige, nécessairement, une stabilité politique et économique pour pouvoir gouverner. Ce qui n’est pas tout à fait le cas. C’est que le problème réside, aujourd’hui, dans le fait de vouloir associer, à la fois, révision du système politique et changement du modèle économique. Et là où l’on trouve, aujourd’hui, des difficultés dans la formation de tel ou tel gouvernement. Celui de Fakhfakh n’a pas été épargné par les tiraillements partisans qui ont pesé lourd sur sa composition. Sur la position de son parti quant à la participation au prochain gouvernement, M. Mliki n’a pas clairement tranché. «Bien que nous ne soyons pas concernés par le gouvernement, nous pourrions voter en sa faveur si la composition nous paraîtra convaincante», a-t-il déclaré, peu après la conférence, sur les ondes d’une radio privée.
Audace et compétence
Pour M. Abdellatif Aloui, député, membre de la Coalition Al Karama au Parlement, la crise dans la composition du gouvernement Fakhfakh est le signe d’une démocratie réelle. Sauf que des forces rétrogrades semblent pêcher en eau trouble et ne manquent pas, à chaque fois, de jeter un pavé dans la mare. Il vise ici ce qu’il appelle les détracteurs de la démocratie. «Youssef Chahed, chef du gouvernement sortant, en est un qui a envenimé la situation et sapé la marche de la démocratie dans le pays», accuse-t-il, le qualifiant de danger qui menace la stabilité de l’Etat. Et d’ajouter qu’il fait partie d’un système mafieux qui étend ses tentacules dans tous les secteurs de l’Etat. Et M. Aloui de juger d’autres partis comme un mélange partisan explosif, de par leurs convoitises politiques contradictoires. Il a ajouté qu’un tel climat de tension a trop affecté la composition du gouvernement Fakhfakh. Mais, ce dernier ne va pas, selon lui, résister aux campagnes politiques malintentionnées. «Même s’il passe à l’ARP il ne va certainement pas durer», lance-t-il. Quant à M. Abdellatif Mekki, du parti Ennahdha, il a savamment dosé ses mots, évoquant l’intérêt de n’exclure aucun parti sur la scène politique. Pour lui, islamistes, nationalistes, socio-démocrates, gauche, droite, toutes les idéologies sont appelées à se réconcilier, pour l’intérêt du pays. Justice sociale, libertés, identité sont autant de valeurs communes sur lesquelles on est tous unanimes, explique-t-il. D’autant plus que le pouvoir allie, par la force des choses, gouvernement et opposition. Il a imputé les difficultés dont fait face la composition du gouvernement Fakhfakh à une crise morale et politique, mais aussi à des failles juridiques au niveau du régime politique et de la loi électorale. «Le prochain gouvernement aura, certes, un rôle si exceptionnel positif», a-t-il conclu, optimiste.
De son côté, le directeur exécutif de Nida Tounès, Khaled Chouket, a abondé dans le même sens. Il a relevé que le prochain gouvernement aura besoin d’audace et de compétence dans la prise de décisions. Car, dit-il, on est face à une étape où le gouvernement est contraint de réaliser l’essor et la croissance. Pour aborder les grandes réformes, il nous faut une formation gouvernementale cohérente et solidaire. «Faute de visions et programmes, les partis ne font que chercher à mieux se positionner et exporter leurs crises internes vers l’Etat», résume M. Khalil Zaouia, président d’Ettakatol.