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Allemagne : 9 morts dans deux fusillades

La chancelière allemande Angela Merkel a dénoncé jeudi « le poison » du racisme quelques heures après l’assassinat de neuf personnes, dont plusieurs d’origine kurde, par un Allemand aux « motivations xénophobes » lors d’une double fusillade dans des bars à chichas de Hanau, près de Francfort.

« Le racisme est un poison, la haine est un poison. Et ce poison existe dans notre société, depuis les actes de la NSU jusqu’au meurtre de Walter Lübcke et aux assassinats de Halle », a déclaré jeudi midi Angela Merkel, évoquant respectivement la série de meurtres et d’attentats d’un trio néo-nazi dans les années 2000, le meurtre en juin dernier d’un élu pro migrants, puis l’attaque visant une synagogue qui a fait deux morts en octobre.

Un peu plus tôt, le président allemand Frank-Walter Steinmeier s’était dit « du côté de toutes les personnes menacées par la haine raciste », exprimant son horreur face à la « violence terroriste à Hanau ».

Le tireur présumé, identifié par les médias allemands comme Tobias R., un Allemand de 43 ans, a été retrouvé mort jeudi matin dans son appartement, aux côtés du corps de sa mère, a indiqué le ministre régional de l’Intérieur, Peter Beuth, qui a parlé de « motif xénophobe ».

Mercredi soir, un bar à chicha, le Midnight, avait été visé par des tirs dans le centre de Hanau, ville de près de 100.000 habitants à 20 kilomètres de Francfort, avant que le tireur ne gagne en voiture un deuxième établissement, l’Arena Bar, dans le quartier périphérique de Kesselstadt.

L’assaillant a sonné à la porte du deuxième bar et tiré sur des personnes présentes dans la zone fumeur, tuant cinq personnes dont une femme, selon des informations de Bild.

Le parquet fédéral, notamment chargé de l’antiterrorisme, saisi jeudi matin de l’enquête, explique disposer « d’éléments à l’appui d’une motivation xénophobe », a indiqué un porte-parole à l’AFP.

Parmi les tués figurent « plusieurs victimes d’origine kurde », a indiqué la Confédération des communautés du Kurdistan en Allemagne (Kon-Med), accusant les dirigeants allemands de ne pas « résolument combattre le terrorisme d’extrême droite ».

Selon des sources proches de l’enquête, une lettre d’aveux et une vidéo ont été retrouvées. D’après Peter Neumann, spécialiste du terrorisme au King’s College de Londres qui a obtenu ce document du quotidien Bild, ce « manifeste de 24 pages » témoigne d’une « haine des étrangers et des non-blancs ».

« Il appelle à l’extermination de plusieurs pays en Afrique du Nord, au Proche-Orient et en Asie centrale » en usant « de termes explicitement eugénistes, affirmant que la science prouve que certaines races sont supérieures », développe M. Neumann sur Twitter.

Par ailleurs, l’auteur présumé dit avoir été « surveillé toute sa vie par les services secrets » et se décrit comme un incel, un « célibataire involontaire », poursuit M. Neumann.

« Jour noir »

Les enquêteurs ont retrouvé dans sa voiture des munitions et des chargeurs, selon la presse locale, ajoutant que le suspect était muni d’un permis de chasse.

Jeudi, une dizaine de personnes se recueillaient devant les lieux à la mi-journée, dont une femme en pleurs réconfortée par une autre et un vieil homme en larmes.

« Je connaissais bien les personnes qui étaient dans ce bar. Ce n’est pas normal ce qui s’est passé, ça aurait pu être moi », a affirmé à l’AFP Ahmed, un habitant de 30 ans du quartier.

« Je ne comprends pas, nous n’avons pas de problèmes liés au racisme ici », s’est étonnée une autre voisine.

À Bruxelles, de nombreux dirigeants ont exprimé leur solidarité à Angela Merkel avant l’ouverture du sommet européen. Emmanuel Macron s’est dit « aux côtés » de la chancelière. La présidente de la Commission, l’Allemande Ursula von der Leyen, s’est déclarée « choquée par la tragédie ».

L’association Ditib, principale organisation de la communauté turque musulmane d’Allemagne, a parlé dans un communiqué de « jour noir dans l’histoire de l’Allemagne » et réclamé plus de protection pour ses fidèles qui ne « se sentent plus en sécurité ».

Menaces d’extrême droite

Plusieurs rassemblements de soutien aux victimes sont prévus dans la soirée à Hanau et Berlin, devant la porte de Brandebourg.

La menace d’un terrorisme d’extrême droite inquiétait de plus en plus les autorités allemandes, depuis notamment le meurtre d’un élu allemand pro migrants, membre du parti d’Angela Merkel, en juin dernier.

Vendredi, 12 membres d’un groupuscule d’extrême droite ont été arrêtés dans le cadre d’une vaste enquête antiterroriste, soupçonnés d’avoir planifié des attaques de grande ampleur contre des mosquées sur le modèle de l’auteur de l’attaque de Christchurch en Nouvelle-Zélande, qui en mars 2019 avait tué 51 personnes dans deux mosquées en se filmant en direct.

En octobre, un extrémiste de droite négationniste avait tenté de commettre un attentat dans une synagogue de Halle, un massacre évité de justesse. Faute de pouvoir pénétrer dans l’édifice religieux dans lequel les fidèles s’étaient barricadés, il avait abattu une passante et le client d’un restaurant de kébabs, diffusant en direct sur internet ses forfaits.

À Dresde, dans l’ex-RDA, huit néonazis sont également jugés depuis près de cinq mois pour avoir planifié des attentats contre des étrangers et des responsables politiques.

Actuellement, 50 personnes liées à la mouvance d’extrême droite et considérées comme « des dangers pour la sécurité de l’État » sont particulièrement surveillées par les services de renseignement, avait précisé lundi le gouvernement allemand.

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