Accueil Société Rencontre-débat sur le thème «l’esprit critique et l’esprit d’initiative dans la formation scolaire» : L’élève au centre de toutes les attentions

Rencontre-débat sur le thème «l’esprit critique et l’esprit d’initiative dans la formation scolaire» : L’élève au centre de toutes les attentions

La dégradation du rapport entre l’enseignant et l’élève est le signe que tout doit changer au point de trouver des alternatives à l’enseignement basique.

Au moment même où le système éducatif tunisien traverse l’une des pires crises de sa riche et noble histoire passée, un sujet audacieux salué par toute l’assistance a porté sur ce qui se fait le moins bien actuellement dans nos écoles publiques notamment s’agissant de l’enseignement basé sur l’esprit critique où seule la transmission du savoir et encore s’exerce. Ceci ne remplit qu’une partie du contrat pédagogique des enseignants envers leurs élèves. D’ailleurs, M. Holger Dix, résident de la fondation germanique, qui ne tarit pas d’éloge sur l’esprit très critique qui prévaut dans l’enseignement allemand pointe du doigt le système éducatif tunisien qui ne répond pas aux critères des professions d’aujourd’hui.

Les intervenants qui se sont relayés ont, tour à tour, dénoncé les défaillances du système éducatif actuel dépassé par le temps et qui a raté le train du progrès à cause de nombreuses tares qui empêchent la promotion de la critique et de la créativité. Dans ce contexte, une rencontre-débat a eu lieu dans la soirée du jeudi 20 février 2020 portant sur le thème de «L’esprit critique et l’esprit d’initiative dans la formation scolaire». A l’initiative du Forum de l’Académie Politique et de la Fondation Allemande Konrad Adenauer stiftung, elle a été rehaussée par la présence de l’ancien ministre de l’Education nationale, Hatem Ben Salem, et la modératrice de l’événement Pr Zeineb Ben Ammar Mamlouk, directrice fondatrice de l’Essec Tunis. Hatem Ben Salem est revenu sur l’aspect caduque du système tunisien dont l’essor a coïncidé avec l’indépendance nationale en 1956 mais qui se dégrade au fil des ans pour atteindre un stade méconnaissable aujourd’hui. Il caricaturise : «L’enseignant était la source principale du savoir et de la critique pour l’élève qui avait une confiance aveugle en son maître. Il fait comprendre combien aujourd’hui les choses ont beaucoup changé  à cause du progrès technologique qui a créé un fossé entre l’enseignant et l’élève».

Avec le manque de recrutement d’enseignants, c’est le paysage éducatif qui pâtit de tous les maux. Le travail du ministère de l’Education qui a fait participer dernièrement 12.000 enseignants à des modules de formation n’est «qu’une goutte dans l’océan», avertit-il. Avec une pointe d’ optimisme, Dr Ben Salem veut croire en la rédemption de l’élève tunisien qui porte l’espoir de la Tunisie et l’avenir de tout un pays car il est encore malléable comme la pâte à modeler à condition qu’il soit placé au centre de toutes les attentions. Par la suite, Pr Mamlouk a estimé que les parents doivent revoir leurs attentes à la baisse et ne pas jeter leur courroux sur les enseignants puisque c’est toute la société qui est en mutation. Le système éducatif glorieux du passé est révolu car il subsistait dans un environnement socio-économique en plein essor. Dr Naceur Azaiez, doyen de la Tunis business School, parle de la révolution numérique et de l’intelligence artificielle qui ont modifié le paysage social et économique en Tunisie sans épargner le système d’éducation nationale devenu obsolète.

Tout commence à la naissance…

La Tunisie, citée comme modèle dans le monde arabe musulman pour l’intégration de la petite section dans son système éducatif, n’en est pas moins à la traîne par rapport aux pays scandinaves comme la Finlande mais aussi la France, l’Angleterre ou encore Singapour. Le petit Tunisien n’entre à l’école qu’à l’âge de cinq ans alors que dans les autres pays, l’éducation commence très tôt, bien avant 5 ans. De nombreuses voix ont confirmé l’hypothèse qu’il faut revoir de fond en comble le système en développant la scolarité dès la petite enfance. L’esprit critique et d’initiative se développe dès l’âge de 3 ans car l’enfant réfléchit avant même de s’exprimer, de parler ou de lire !

Dans un communiqué remis à l’assistance, on apprend d’amples détails sur les raisons qui ont poussé les organisateurs à proposer un sujet inédit mais savamment apprécié. «Le système éducatif tunisien assassine l’esprit critique». Ce cri lancé par le jeune Mehdi Chérif, qui, après son bac, a écrit un ouvrage intitulé « Réflexions d’un élève soumis, ma contribution à la réforme de l’éducation», nous alerte sur l’absence de ce concept qui est capable de former les élèves. En effet, le concept de l’esprit critique forme l’élève à n’accepter aucune assertion sans s’interroger et se documenter sur sa valeur. C’est le doute méthodique cher à Descartes.

C’est au fait le contraire de l’amalgame des jugements spontanés et des idées surtout à l’époque des fake news sur les réseaux sociaux, la radicalisation djihadiste sur internet et l’adhésion des jeunes à diverses thèses parfois même sans vérification de leurs fondements. La formation à l’esprit critique à l’école devient dès lors une priorité à mettre en avant par le gouvernement. Mais dans les pratiques courantes, actuelles, officielles, où trouve-t-on de quoi développer une telle forme d’esprit ? Aujourd’hui, plus que jamais n’a-t-on pas besoin de citoyens capables de faire le tri dans les informations et d’effectuer des choix pertinents pour jouir de plus de liberté ? Afin d’atteindre ce noble objectif, il est à noter que l’esprit critique doit prendre ses racines dans une éducation fondée sur la discipline, le respect du corps enseignant, la rigueur et la rationalité . Sans ces valeurs fondamentales, l’indispensable esprit critique déboucherait immanquablement sur l’absence de méthode et une dangereuse conception débridée de la liberté.

Quant à l’esprit d’initiative qui n’est autre que le potentiel qu’a tout être humain de sortir de son cloisonnement pour appréhender sérieusement les situations nouvelles et prendre des décisions de façon personnelle, responsable et assumée, est l’une des huit compétences clés pour l’apprentissage tout au long de la vie.

En Finlande, on parle des «Speed Dates» avec des mises en relation minute entre enseignants et entrepreneurs. Dans ce pays, on a compris que l’apprentissage de l’entrepreneuriat à l’école et la nécessité d’approfondir les compétences des jeunes pour la résolution des problèmes sont à même de contribuer à la construction d’un développement durable. En Tunisie, au contraire, les portes de l’école s’ouvrent difficilement à l’entrepreneuriat malgré certaines initiatives des associations comme Injaz Tunisie ou l’Atupee qui a animé les clubs entreprendre dans les écoles, collèges et lycées, pour former des bénévoles animateurs. Mais cela ne constitue que des expériences isolées dédiées à quelques élèves. Comment généraliser ces pratiques en les intégrant dans le curriculum de tous les élèves ? Certainement en multipliant les espaces culturels et ludiques comme les clubs et les centres en dehors de nos écoles pour sortir du cadre scolaire. Il ne faut pas que le savoir soit figé par la seule accumulation de connaissances dans l’enceinte scolaire.

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