La Cinémathèque de Tunis a projeté, mardi soir, un film-culte, « Méphisto » d’István Szabó. Une histoire de concession et de compromission d’un acteur de théâtre avec le régime nazi. L’œuvre a reçu l’Oscar du meilleur film étranger en 1982.
C’est dans le cadre d’un cycle dédié à l’actrice polonaise Krystina Janda que «Méphisto» a été présenté au public. L’histoire raconte l’ascension d’un brillant et ambitieux acteur de province dans l’Allemagne des années 30, Hendrik Hoefgen. Malgré un penchant pour les idéaux communistes, l’artiste se soucie peu de la montée des Nazis. Opportuniste à souhait, il épouse la fille d’un éminent professeur pour pouvoir accéder au Théâtre national de Berlin et profitant de la prise du pouvoir par les Nazis, il devient très populaire dans le rôle de Méphisto dans la pièce ‘‘Faust’’ de Goethe, vendant son âme aux hommes de Hitler comme Faust. Il sacrifie pour cela amis, amante et valeurs. Le réalisateur, István Szabó, le plus germanique des cinéastes hongrois, revient ici sur un thème qui l’obsède : comment les individus ont pu tolérer, s’adapter et s’accommoder avec un régime totalitaire. Servi par un acteur autrichien aux traits machiavéliques aussi talentueux que Klaus Maria Brandauer, le réalisateur explore l’art du transformisme des comédiens de théâtre, leur jeu et double jeu, dans le cas de Hendrik Hoefgen. Mais qui sont-ils réellement et à quoi croient-ils cacher derrière leurs masques et accoutrements ?
Pour le comédien Hoefgen, qui joue avec le diable et pense se jouer de lui, le questionnement — quasi existentialiste — est constant : jusqu’où peut-il aller dans son implication avec la dictature ? Devenu propagandiste du régime et directeur du Théâtre national, servant à son public les fondements de la culture aryenne voulue par le nazisme, il se laisse absorber par la spirale de l’allégeance et de la soumission, qui atteint la mainmise de ses «bienfaiteurs» sur sa vie privée. Tout l’art du réalisateur est de faire deviner l’arrière -champ du théâtre : l’ampleur de la violence qui se cache derrière des bals et des mondanités berlinoises de ces années 30. Derrière l’amabilité forcée et le pouvoir absolu du premier ministre se devinent des actions d’épuration des artistes indépendants et des exterminations à caractère ethnique.
La dernière scène du film est époustouflante. Elle montre le comédien piégé dans les faisceaux de lumière que projette sur lui le premier ministre dans un lieu qui ressemble à une immense plateforme de théâtre. Les feux de la vanité vont-elles le dévorer tout comme le mythe de Faust ? Il continue toutefois à répéter : «Je ne suis qu’un comédien. Je ne suis qu’un comédien…».
Krystina Janda interprète le rôle de la première épouse d’Hendrik Hoefgen. Bien que très juste dans ce jeu, Krystina Janda n’incarne pas une figure prégnante de Méphisto. Dans le cycle qui lui est consacré et qui se poursuit aujourd’hui à la Cinémathèque avec deux films du réalisateur polonais Anderzej Wajda, «Le Chef d’orchestre» et «L’homme de fer», les rôles qui lui sont attribués mettent beaucoup plus en valeur son talent.