Accueil A la une Analyse | Retour sur la Cérémonie de prestation de serment : Les messages forts de Kaïs Saïed

Analyse | Retour sur la Cérémonie de prestation de serment : Les messages forts de Kaïs Saïed

En installant le gouvernement, Kaïs Saïed s’est en quelque sorte installé lui-même. Il est aujourd’hui un peu plus président qu’hier. Ou bien il est pleinement président. Avant, l’Etat fonctionnait mais pas toutes les instances politiques. Désormais, c’est fait !

L’allocution de Kaïs Saïed, lors de la cérémonie de prestation de serment du nouveau gouvernement qui s’est tenue au palais de Carthage, dans la matinée du 27 février, et au-delà de l’importance qu’elle recèle, était assez brève et riche en messages. Elle préfigure ce que sera le Chef de l’Etat dans ses fonctions. Car en installant le gouvernement, Kaïs Saïed s’est en quelque sorte installé lui-même. Il est aujourd’hui un peu plus président qu’hier. Ou bien il est pleinement président. Avant, l’Etat fonctionnait mais pas toutes les instances politiques. Désormais, c’est fait !

Dans ce contexte, Kaïs Saïed a rappelé à tous que le chef du gouvernement «n’est ni Premier ministre, ni commis de l’Etat au service de la présidence». C’est le chef du gouvernement, a-t-il insisté. Dans son discours, le président a tenu à mettre en avant le deuxième chef de l’exécutif, pleinement investi de ses fonctions.

Outre cette importante précision qui a pour effet de lever des ambiguïtés, volontairement répandues d’ailleurs, le président Saïed reste fidèle à ses principes, ses engagements électoraux qui lui ont donné une assise populaire extrêmement large, qui peut baisser parfois, mais qui continue à défier tous les baromètres politiques. 

Devant son pupitre et face aux membres du gouvernement, il a tenu à rappeler «les attentes de notre peuple, ses espoirs»,  tant et si bien que «personne ne peut les ignorer ou les décevoir». Saïed persiste et signe, il reste la voix  des exclus, des laissés-pour-compte, des déçus, des victimes d’injustice, de ceux qui subissent les inégalités sociales ou territoriales. Il rappelle comme une évidence : «Il ne fait aucun doute que le défi le plus important est la situation économique et sociale. La pauvreté, la misère, les horizons bouchés devant la plus grande partie de la population ». C’est cela «la bataille que nous devons mener ensemble avec détermination et une volonté inébranlable», a-t-il martelé.

Au plus haut sommet de l’Etat, on s’engage contre la corruption. L’engagement est ferme, irrévocable, tient-il à rappeler : « Il ne fait aucun doute, non plus, qu’il faut mettre un terme, faire barrage à la corruption qui s’est répandue presque partout. La bataille sera longue et laborieuse », a-t-il pris soin d’alerter pour reprendre : «Notre destin est de gagner et gagner par la volonté de Dieu et celle de notre peuple».

Le juriste n’est jamais loin

Force est de constater que quand Saïed parle, le juriste n’est jamais loin. On remarquera la formule sur l’intérêt de voir se rencontrer la légitimité et la légalité (Charya et Machrouya), et ce, à propos des futurs textes législatifs. En d’autres termes, une loi sera d’autant plus forte qu’elle sera légitime. C’est-à-dire perçue comme juste, conforme aux valeurs de notre société. Il ne suffit pas qu’elle soit adoptée par une assemblée élue. Certes, la légalité est nécessaire. Elle est d’autant plus forte si renforcée et soutenue par la légitimité. Un autre rappel à l’adresse de l’Assemblée : «N’oubliez pas vos électeurs ni le peuple et ses attentes ».

Saïed a également rendu hommage aux femmes et hommes qui ont travaillé en silence pour assurer la continuité de l’Etat malgré «la longue et difficile gestation du gouvernement». «La route a été longue, les consultations très ardues à la lumière du résultat des élections et de la fragmentation du parlement, mais le mode de scrutin adopté en 2011 avec la proportionnelle au plus fort reste ne pouvait que mener à ce résultat». Le message ici est clair. C’est au moins une incitation à la réflexion sur le mode de scrutin. Sinon une invitation à l’amender.

Absence de coexistence politique

C’est en sa double qualité de témoin-chef d’Etat qui parle cette fois-ci : «Les dizaines de rencontres politiques en vue de constituer le gouvernement étaient motivées par la recherche d’une plateforme commune de gouvernement, et, également, de maintenir la neutralité dans le service public». Toujours dans le même ordre d’idées, le président ajoute : «De telles situations ne sont pas nouvelles dans l’histoire des systèmes politiques, mais ce qui est dangereux en Tunisie, c’est l’absence de coexistence pacifique».

«Dans ce contexte, développe encore le président, une distinction est à faire entre la stabilité du gouvernement et la stabilité politique.

Certains pays peuvent rester longtemps sans gouvernement sans qu’il y ait d’impact perceptible sur la vie des citoyens».

Or, en Tunisie, nous l’avons constaté, «certains sont tentés d’utiliser cette instabilité comme outil de gouvernance». A ce titre, «le discours de crise représente pour eux un outil de langage approprié pour gérer les affaires publiques».

Or, précise-t-il encore, «outre la crise de système que subit la Tunisie, il y a également une crise de concepts. La pensée politique s’est développée, mais les concepts sont restés figés», a-t-il fait valoir.

«Aujourd’hui, la Tunisie et le monde entier sont entrés dans une nouvelle étape de l’histoire des peuples. De nouveaux mécanismes d’action politique ont été inventés, mais certains continuent à regarder dans le rétroviseur». Usant de métaphore, Kaïs Saïed ajoute : «Un médicament, après sa date de péremption, n’est plus utile, pire, il peut aggraver la maladie ».

La dernière phrase du discours rappelle que le président est fidèle et le restera au slogan érigé par la révolution qui doit être décliné maintenant et sans plus tarder en politiques publiques : (choghl, horriya, karama wataniya) : «Emploi, liberté et dignité nationale ».

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