L’entame d’une réforme en profondeur des banques passe par la mise à plat des données du problème.
Dans une étude publiée par l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites) sur le système bancaire tunisien, M. Habib Karaouli, P.-d.g. de Cap Bank et vice-président du Club des dirigeants des banques africaines, précise que «les banques publiques ont été pénalisées par l’audit engagé en 2014 qui était techniquement infondé et pratiquement inopportun».
Dans le contexte post-révolutionnaire de reconstruction, l’Etat sera fortement impliqué dans les dix prochaines années, directement ou indirectement en partenariat public, dans la relance de l’investissement et, notamment, dans les zones de développement prioritaires et dans la restructuration des entreprises publiques et privées fortement fragilisées.
L’entame d’une réforme en profondeur des banques passe par la mise à plat des données du problème. «L’Etat doit être le seul maître à bord dans les banques qu’il choisira de maintenir dans son périmètre », souligne M.Karaouli.
Et d’ajouter que l’analyse des enjeux auxquels sont confrontées les banques (coût du risque, normes prudentielles de Bâle III et du FMI , refinancement, réduction des coûts, morcellement du paysage bancaire…), «fait ressortir certaines défaillances liées à un déficit de ressources stables, une incapacité à générer et à gérer un système de recouvrement efficace, des problèmes de gouvernance et d’autonomie des décisions, mais non exclusivement pour les banques publiques, situation partiellement résolue au niveau des trois banques publiques (BH, STB, BNA) par la séparation des pouvoirs entre les présidents des conseils d’administration et ses directeurs généraux».
A ces défaillances, s’ajoute un marché bancaire fortement atomisé, asymétrique et non performant. Le résultat : un environnement bancaire où la prise de risque et la production de crédits deviennent quasi nulles en plus des règles prudentielles de Bâle III et du FMI plus exigeantes en termes de fonds propres durs.
Selon les dernières estimations de l’évaluation récente de la stabilité du système financier (Essf), les besoins pourraient atteindre jusqu’à 2,6% du PIB. L’option retenue a été d’allouer des dotations budgétaires pour recapitaliser les banques publiques sur les exercices 2013-2014 et 2015. Cette décision, mise en œuvre en 2015 et 2016, outre qu’elle ne s’inscrit pas dans une vision stratégique qui préfigure à terme le paysage bancaire publique, a eu pour effet d’augmenter le déficit budgétaire sans que le résultat soit garanti.
Fusion des trois banques publiques
D’après M. Karaouli, la fusion des banques obéit à des règles strictes et à des préalables sans lesquels l’on s’expose à un risque systémique. Est-ce raisonnablement envisageable aujourd’hui? Le moment et l’état des entreprises concernées sont déterminants. Or, ni le contexte institutionnel et social ni la situation des banques concernées fortement dégradées ne se prêtent à l’engagement d’une telle décision. Même si à terme, une concentration est indispensable, elle doit impérativement être précédée par un assainissement et une restructuration de chacune des unités concernées.
Concomitamment, les pouvoirs publics seraient bien avisés d’engager rapidement une réforme en profondeur des entreprises publiques dans le cadre d’un plan de redressement quinquennal. «La situation financière des entreprises publiques, qui accumulent les pertes avoisinant 4% du PIB, représente un risque intenable pour l’Etat et l’obligerait à des arbitrages sévères et douloureux en termes d’allocation optimale des ressources». Car la situation des banques publiques est pour une grande partie due à la nature de leurs débiteurs et à leur surexposition à certains risques sectoriels.
«La privatisation totale nous semble inenvisageable parce qu’irréalisable. En l’état actuel, une seule banque (BH) concernée est attractive et offre un intérêt particulier pour des investisseurs. L’objectif pour les pouvoirs publics n’est pas de chercher un produit de cession, mais de s’assurer que ces banques puissent avoir un réel partenariat stratégique avec des banques de renom susceptibles d’accompagner durablement leur développement».
M.Karaouli affirme, par ailleurs, que la privatisation ne doit en aucun cas répondre au seul objectif budgétaire de renflouer les ressources. Elle doit répondre à un objectif industriel, sectoriel et stratégique.
Se basant sur les rapports des commissaires aux comptes arrêtés au mois de juin 2017, et sur le rapport de la supervision de la BCT, il ressort que les ratios de solvabilité de la BNA et de la BH seraient en dessous des exigences du FMI et de la BCT. Des trois grandes banques publiques de la place, seule la STB a pu dégager un ratio de solvabilité qui répond aux exigences réglementaires, mais aussi aux exigences du FMI, et ce, grâce à des injections de fonds ayant eu lieu au cours de l’année 2015.