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Corona et spéculation: Deux fléaux en un

De plus en plus, on a l’impression que le Tunisien (plus précisément, certains commerçants et profiteurs) est passé maître dans l’art de spéculer. La conjoncture étant propice depuis près d’une décennie, les activités spéculatives seraient devenues un sport national. Le plus étonnant, c’est que tous les domaines sont, aujourd’hui, concernés. Rien n’a été laissé au hasard. Ces spéculateurs de tout acabit se livrent à tout ce qui peut les enrichir le plus rapidement possible sans prendre en considération les lois ou les intérêts des autres.

Les quelques dernières années ont été marquées par l’affaiblissement de l’Etat et de ses structures. De nombreuses parties veillent à ce que cette situation perdure, voire qu’elle empire. Pour ce faire, ils font tout ce qui est en leur possible pour maintenir tous les symboles de l’Etat dans une extrême incapacité afin de les neutraliser et permettre à ces forces de profiter du vide pour réaliser leurs desseins.

Terrain favorable

Les moyens utilisés relèvent du domaine des droits et des libertés. Chaque fois que les pouvoirs publics réagissent pour appliquer la loi, des forces s’élèvent pour dénoncer des abus et des dérives « dictatoriales ». Tout est bon pour freiner les efforts de rétablir l’autorité de l’Etat sous des prétextes de droits de l’homme. Les exemples foisonnent de ceux qui défendent des atteintes aux règlements et de dépassements flagrants contre la société.

En somme, tous les efforts sont concentrés sur la pérennité d’une telle situation où l’on sent que ceux qui enfreignent la loi sont plus protégés que le simple citoyen qui veut gagner, honnêtement, sa vie. On sent, également, qu’il y a derrière cette stratégie, une volonté de détourner l’Etat des vrais objectifs qu’il s’est assignés et de laisser une catégorie de profiteurs sévir en toute impunité. En fait, la prolifération du phénomène de la spéculation ne se poursuit que parce qu’il a une couverture et une arrière-garde qui le protège et veille à lui ouvrir les voies. Aussi, devient-il de plus en plus puissant entraînant dans son sillage de nouveaux adeptes plus dangereux les uns que les autres.

Il faudrait noter que la situation actuelle (l’épidémie liée au virus Corona) a dévoilé de la manière la plus éclatante qui soit, la vraie nature de ces gens qui ne peuvent vivre qu’à l’ombre de ces pratiques nuisibles. Car, pour eux, c’est le moyen le plus facile et le plus court pour se remplir les poches. La tâche est d’autant plus facile que les autorités ont d’autres chats à fouetter. Le citoyen, lui, se trouve désemparé et impuissant. Il est seul face à ce fléau et ne peut que se plier aux volontés spéculatives qui le touchent dans son quotidien.

Réactions en chaîne

Devant la menace sanitaire du virus Corona, le Tunisien s’est trouvé obligé de s’approvisionner en denrées de première nécessité, comme la semoule, la farine, les désinfectants (gel hydro-alcoolique), masques, etc. Or ces objets ont, subitement, disparu de la circulation. Les responsables ont beau affirmer que les quantités de produits alimentaires sont largement suffisantes, la réalité est, pourtant, là qui montre le contraire. Dans aucun espace commercial, on ne peut s’approvisionner en certains produits. Tout est soumis à la spéculation ou à la vente conditionnée. Il est vrai que le consommateur a sa part de responsabilité dans l’aggravation de ce phénomène. Ce qui, forcément, ne peut excuser la non-réaction des services de contrôle. En réalité, le spéculateur n’est pas, nécessairement, le petit épicier du quartier, mais les distributeurs des matières concernées par une hausse de la consommation. C’est dans ces circuits qu’il faut chercher la réponse aux vrais problèmes. Il ne faut pas, par ailleurs, blâmer tout le monde. Le secteur organisé fonctionne normalement. Ce qui n’empêche pas quelques-uns de chercher à profiter de l’occasion en accentuant la pénurie pour augmenter les prix.

A ce propos, les cafetiers (à titre d’exemple) sont en première ligne à dénoncer les abus. Ils citent la question des gobelets qui sont devenus obligatoires pour remplacer les verres. Les prix de ces gobelets se seraient multipliés par deux, voire par trois dès que les autorités municipales ont ordonné de les utiliser. L’objet qui coûtait, d’ordinaire, 30 millimes est écoulé à 80 millimes et plus selon le volume. L’eau de javel, aussi, est touchée par ces augmentations artificielles des prix.

A quoi sert l’état d’urgence ?

Les masques, eux aussi, font l’objet d’une grande spéculation et leur prix se serait triplé sans qu’il soit possible de les trouver. Idem pour le gel. Là, les pharmaciens qui en disposent encore, se plaignent que les autorités aient fixé les prix de ce produit. Ils affirment qu’ils ont acquis la marchandise auprès des producteurs à des prix très élevés et qu’ils demandent à écouler ce qu’il leur reste aux anciens prix. Le simple citoyen, pourtant, ne comprend pas comment un tel produit leur serait resté sur les bras alors qu’il a fait le tour de plusieurs pharmacies sans le trouver !

En tout cas, l’ambiance est à la spéculation tous azimuts, ces derniers jours, avec la poursuite de l’épidémie «Corona», ce qui promet de beaux jours pour les divers profiteurs. Car tant que la loi n’est pas appliquée dans sa rigueur, rien n’arrêtera ces pratiques et leurs auteurs.

Malheureusement, ces gens ont saisi cette opportunité pour s’enrichir aux dépens des consommateurs honnêtes. Mais ce qui ne manque pas de déranger, c’est que les autorités hésitent encore parce qu’ils n’ont pas les mains libres ni les moyens pour sévir.

Nous pourrons dire, toutefois, que la conjoncture actuelle leur permet de prendre toutes les mesures susceptibles d’arrêter le fléau. En effet, on oublie, toujours, qu’on est en état d’urgence. Cet état d’urgence devient plus évident avec l’apparition de cette dangereuse épidémie. C’est ce qui permettrait d’offrir à nos services de contrôle et de répression des fraudes d’appliquer la loi de la façon la plus stricte. Sinon à quoi servirait le fait de décréter un état d’urgence ?

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