Après soixante ans d’Indépendance, la ville tunisienne souffre plus que jamais des maux virulents de l’urbanisme à l’échelle internationale.
De la ségrégation des fonctions urbaines (administratives, résidentielles, commerciales), à la congestion des centres historiques (lacunes des réseaux de transport collectif), et la pollution liée aux typologies constructives (étalement urbain, vulnérabilité aux risques naturels, incohérence des expressions architecturales, impact environnemental des matériaux), la ville tunisienne subit le contrecoup des théories d’urbanisme exogènes (classique et moderniste) obsolètes.
Dix ans après la révolution de 2010, les villes tunisiennes ont connu un changement majeur du point de vue de la gouvernance, dans la mesure où —désormais — les élections municipales sont libres et les compétences administratives et financières des collectivités ont augmenté. A mi-parcours du mandat des premiers conseils municipaux de la 2ème République, les compétences n’étant toujours pas transférées, les élus dénoncent les lacunes des ressources humaines et financières, tandis que les autorités centrales tardent à concevoir et implémenter un renforcement des capacités techniques, d’actualité.
Mobilisation politique et civile
L’objectif de la Caravane nationale Tunisian Smart Cities est de plaider en faveur de la digitalisation des territoires, en vue de mobiliser les acteurs centraux, locaux, et civils, à formuler des visions concertées de l’aménagement urbain durable à l’horizon 2050, et ce, afin d’améliorer les performances sociétales des villes et garantir une meilleure qualité de vie au citoyen.
En effet, la ville intelligente est basée sur la digitalisation des services urbains pour l’optimisation de leurs performances qui se situe à deux niveaux. Le premier est celui de la gestion des services urbains; de l’éclairage à la collecte des déchets, en passant par le transport collectif, l’irrigation des espaces verts ou l’affichage publicitaire, des capteurs permettent de relever la situation en temps réel et d’améliorer la réactivité et l’efficience sectorielles. Le deuxième niveau est celui de la planification des outils urbains ; de la répartition des équipements socio-collectifs de services de base, à la densité des tissus d’habitat, et en passant par la forme des réseaux de mobilité, différentes configurations possibles sont classées dans un ordre de performance, permettant de réaliser une analyse de situation et une prescription de trajectoire.
Si la configuration uniformément répartie (sur la tâche urbaine), des équipements de services, permet d’homogénéiser la valeur du foncier et de conserver la mixité fonctionnelle et sociale des quartiers, elle permet surtout d’améliorer la connaissance citoyenne des droits aux services de base, ce qui renforce l’intégrité institutionnelle et la durabilité sociétale des villes. Les axes de la Smart City sont ainsi les secteurs de services suivants: Gouvernance, Sécurité/Défense, Santé/Hygiène, Education/Culture, Alimentation/Finance, Logement/Tourisme,Transport/Communication.
Les méthodes analytiques utilisées sont celles de l’approche prospective (rétrospective, systémique, morphologique). Les méthodes critiques sont celles de la planification stratégique et de la gestion basées sur les résultats.
Les expériences locales présentées sont celles du Master Plan de Bizerte, ainsi que celles de la caravane nationale 2019 et des ateliers réalisés à Sidi Bouzid, Gafsa, Djerba, Gabès, Moknine, Ksar Hellal, La Goulette, et Carthage.
Suivi de l’activité
Dès le retour au quartier général (Smart Cities Lab à Bizerte), un courrier électronique sera envoyé à l’ensemble des personnes présentes à chaque étape de la caravane, afin de leur communiquer le compte-rendu des discussions et les appeler à définir une date qui convienne à l’ensemble des acteurs, pour garantir la plus large participation aux ateliers et la meilleure appropriation de la vision.
Les ateliers de prospective, planification, et programmation du développement sociétal et de l’aménagement territorial et urbain sont des sessions dont la durée est ajustable au niveau de maturité du projet territorial. Ils consistent en une première étape de présentation des stratégies des différents acteurs, présents, de relevé des tendances lourdes et des pratiques globales performantes, ainsi que d’évaluation de la chaîne des valeurs des stratégies présentées. Dans une deuxième étape, la construction du champ des possibles, à partir des éléments glanés précédemment, permet de disposer de scénarios majeurs qui serviront de base à l’analyse de situation et des trajectoires (tendancielle et optionnelle). Dans une troisième étape, la formulation de la vision se base sur le scénario retenu par le groupe, et ouvre sur la définition des résultats intermédiaires attendus et des activités permettant leur atteinte.
Les visions et plans de territoires conçus permettent aux acteurs de coordonner leurs efforts en vue de mobiliser les investissements conséquents à leur mise en œuvre.
Othman Khaled- Expert
en prospective et planification
du développement sociétal et de l’aménagement territorial et urbain.