
Une opération de collecte et de livraison de dons en ces temps de confinement au profit des familles nécessiteuses s’organise à la municipalité de La Marsa. L’initiative, à laquelle prend part activement la société civile, risque de cibler beaucoup plus de monde que prévu. Beaucoup plus que jamais, le besoin de bénévoles se fait entendre.
« Chers Marsois bonjour, à travers la municipalité de La Marsa, nous lançons un appel aux dons pour aider les familles nécessiteuses de notre commune en cette période difficile engendrée par la pandémie de coronavirus ». C’est ainsi qu’a la fin du mois de mars, le maire de La Marsa, Moez Bouraoui, s’est adressé à ses administrés.
Dans son appel, le maire a aussi invité les Marsois à présenter des dons en espèces ou par chèque auprès de l’élue municipale Aïcha Mehiri en contrepartie d’une attestation.
Riche en apparence, beylicale par son passé et ses monuments, lieu de prédilection pour les résidences d’ambassadeurs, communément taxée de « principauté de La Marsa », la ville cache dans ses plis et replis des cités aux populations majoritairement démunies. Ils sont 3 500 à 4 000 à faire partie des indigents de la ville de la Abdelliya et du Palais Essaâda. Les quartiers Bouselsla, Bhar Lazreg, Jbel Khaoui, Ettabak, Hay Ennasr…regorgent d’ouvriers journaliers, maçons, transporteurs sur les marchés, vendeurs à la fripe, plombiers, coiffeurs, femmes de ménage, garçons de café…Aujourd’hui, ces larges contingents d’hommes et de femmes ne s’activent plus. Ils sont confinés chez eux pour cause de coronavirus. Leurs petites ressources se sont épuisées au fil des semaines et l’aide exceptionnelle les ciblant mise en place par le ministère des Affaires sociales tarde à arriver. Résultat : certains sont avec l’ensemble de leurs familles quasiment… affamés. D’où l’appel du maire à la mobilisation sociale.
« Nous sommes une équipe »
Ils sont six ou sept bénévoles, en collaboration avec les élus, à réfléchir, organiser, gérer et participer à la livraison aux familles nécessiteuses des colis collectés grâce à la générosité des Marsois des couches supérieures et aux dons des entreprises et des supermarchés. Ils ont aussi monté une structure informatique pour gérer les stocks et assurer la traçabilité de l’opération de solidarité qui motive de plus en plus de personnes. Sélim Bahri, copropriétaire avec ses deux frères de l’historique café Saf-Saf, fait partie, dit-il, des « agitateurs sociaux de la ville », qui connaissent le terrain et s’impliquent à fond dans toutes les tâches avec les petites mains bénévoles de La Marsa. Elles qui dès 8h du matin déposent des chariots à la sortie des deux Monoprix de la ville pour recueillir les denrées alimentaires de première nécessité offertes par les Marsois.
« L’Etat n’a pas les moyens humains de structurer et de mener tout seul de telles initiatives solidaires, d’autant plus que beaucoup d’ouvriers de la municipalité de La Marsa sont confinés. D’où, en ce moment crucial, l’important apport de la société civile. Nous sommes une équipe et travaillons aujourd’hui côte à côte : bénévoles, municipalité, délégation et police environnementale », explique Sélim Bahri. La dynamique actuelle que vit La Marsa lui rappelle les premiers jours d’après la Révolution, lorsqu’une solidarité entre les quartiers a permis aux gens de dépasser la peur et l’insécurité.
Un dispatching bien ordonné
Après la collecte des produits alimentaires, ils sont stockés au siège de la municipalité et répartis en colis, toujours avec le concours des petites mains de la société civile. Les colis dont la valeur équivaut à 50 dinars sont destinés à des familles composées de quatre ou cinq personnes pour leur permettre de vivre huit à dix jours. Ils sont composés de 4 kilos de pâtes, 2 kilos de couscous, 2 kilos de riz, 2 kilos de tomate concentrée, 1 kilo d’harissa, 2 litres d’huile, 2 kilos de farine, 2 kilos de semoule, un plateau d’œufs, 2 paquets de lait, 2 boîtes de thon, 2 boîtes de sardines, une bouteille de Javel, du savon, du sucre et du café.
Le moment du dispatching des dons se situe après le couvre-feu pour éviter émeutes et attroupements. Sélim Bahri décrit cette opération, qui a commencé le 1er avril : « Des bons de livraison avec les noms et les coordonnées des bénéficiaires sont émis par la municipalité en référence aux bases de données listant les familles nécessiteuses de la commune. Les voitures de la police environnementale, accompagnées par les volontaires et un(e) élu(e) sécurisées par la police, partent vers les différentes destinations. Une signature est demandée aux bénéficiaires des colis. Nous voulons que les donateurs sachent que leur généreuse offre est arrivée à bon port ».
Sélim Bahri lui aussi fait un appel destiné à d’autres bénévoles pour garder les chariots qui seront mis en place devant le Magasin Général et devant Carrefour.
« Les petites mains manquent pour gérer la collecte, mais aussi pour faire les colis », insiste-t-il.
Le jeune homme s’inquiète de l’arrivée au seuil de pauvreté et de la détresse économique de nouvelles populations : la couche plutôt moyenne composée de patentés de petite envergure, tels les gargotiers et les cafetiers, qui ont eux aussi dépensé toutes leurs réserves. Hier, Sélim Bahri a ramené à pied, de Monoprix Zéphyr au siège de la commune, un chariot de marchandises dont la valeur s’élève à un million cinq cents. Cet élan continuera-t-il, se demande Sélim Bahri, le long d’un confinement à la durée encore indéterminée ?