Depuis le confinement, le danseur et chercheur doctorant Rochdy Belgasmi a lancé un « Live » sur sa page Facebook où il anime chaque fois une danse spécifique à une région du pays. Il nous parle de cette expérience et surtout de la réaction de son public composé de 50.000 spectateurs en Ligne.
Comment avez-vous eu l’idée de faire ce « show » sur facebook ?
C’est quelque chose qui se fait aujourd’hui partout dans le monde comme en Italie par exemple où les artistes chantent sur leur balcon. Chaque artiste qui a un talent essaie de le mettre en avant pour porter quelques couleurs dans la vie de ses concitoyens en cette période de crise. De plus, un artiste ne peut pas rester longtemps sans pratiquer son art. Au commencement, il y avait donc l’envie et le besoin. Je suis confiné chez moi et j’ai un corps qui exige une pratique chorégraphique et si cela peut enrichir la vie des gens dans le confinement et les encourager à y rester, c’est une valeur ajoutée, d’ailleurs, le slogan est le suivant « restez chez vous » (Ched Darek …). J’ai commencé par un live tous les jours et ensuite j’ai pensé que cela va être un peu trop et j’ai réduit la fréquence pour 3 jours par semaine : lundi, mercredi et vendredi. Il y a un live d’une heure et dans chaque live, il y a un hommage rendu pour un gouvernorat et ses pratiques de la danse. Je fais donc ce spectacle presque trois fois par semaine devant 50.000 spectateurs en ligne sur ma page facebook.
Quelles sont les réactions du public face à votre live ?
Il ya de tout ! Il y a ceux qui connaissent Rochdy Belgasmi et qui aiment le suivre, il y a ceux qui le découvrent et qui l’apprécient, mais il y a ceux qui me critiquent et qui n’hésitent pas à proférer des insultes. C’est devenu une plateforme de rencontre avec toutes les tendances. Mais à partir du moment où j’ai exposé mon corps, je dois assumer tout genre de retour. Au final, la plupart des retours sont plutôt positifs, je dirais qu’il y a 70% de positif contre 30% de négatif selon les statistiques du réseau social.
D’aucuns confondent votre spectacle avec celui de Nermine Sfar…
Je ne me compare pas avec Nermine Sfar qui a été la première à faire un live. Ce que je propose, ce n’est pas une danse spontanée sur une musique, mais j’essaie d’étudier des choses, de proposer une matière mature et surtout un discours un peu didactique, voire historique quelque part. Avec cela, il y a un côté spontané et ludique. C’est un travail de recherche et cette plateforme m’a donné l’occasion pour expliquer un peu ce que je fais et de montrer ma triple casquette de danseur, d’acteur et de chercheur. Je suis à l’Ecole des beaux-arts de Sousse et je travaille sur la performance comme outil de travail, mais aussi sur les danses populaires tunisiennes. Je veux faire passer le message qu’un danseur peut également être un doctorant.
Quelles sont les réactions du public qui vous ont le plus touché ? Aussi bien les bonnes que les mauvaises…
Je commence d’abord par les bonnes pour dire que je suis agréablement surpris par le nombre d’enfants qui me suivent . Je pense qu’ils n’ont pas le contrôle sur leur corps, ils me suivent spontanément. Ces enfants (encadrés par leurs parents bien sûr) m’ont envoyé des vidéos qui m’ont fait un énorme plaisir. J’ai de bons retours de leurs grands-parents qui ont vécu l’apogée de ces danses, qui ont connu Laghbabi et qui se retrouvent. Il y a aussi les Tunisiens qui vivent à l’étranger et qui sont restés nostalgiques. Les réactions négatives viennent du conservatisme et des préjugés et relèvent d’un esprit confiné et étroit et j’ai donc droit à des invectives et à des vulgarités caractéristiques de ce genre d’esprit. J’ai remarqué que ce langage de l’invective est composé par la pornographie, la bouffe et la religion ; parfois, on retrouve ces trois éléments dans la même phrase… A ce genre d’invective, je me suis habitué personnellement depuis 2014 lors de mon passage à Carthage, mais par contre, ce sont des choses qui me dérangent par rapport à mon entourage familial pour qui j’essaie d’expliquer les choses.