
Qui dit Ramadan dit aussi «nouvelles séries dramatiques». Entre drame social, action, suspense insoutenable et humour décalé, le mois saint nous invite à découvrir des séries dont on ne peut se passer trente jours durant. Ainsi, feuilletons, sitcoms et variétés sont au rendez-vous. D’habitude, le Tunisien arrête subitement son nomadisme cathodique, il a la zapette de moins en moins vive et est de retour vers ses chaînes nationales.
Aussi, pour mieux choyer le téléspectateur, les chaînes s’affrontent dans une bataille rangée pour offrir une programmation aux couleurs locales.
Au grand dam des téléspectateurs qui seront confinés toute la journée et cloîtrés chez eux après la rupture du jeûne à cause du couvre-feu, la frustration sera plus grande puisque la majorité des œuvres ramadanesques locales ont suspendu le tournage conformément aux consignes sanitaires.
Et même la dérogation tentée par la ministre des Affaires culturelles, Mme Chiraz Laâtiri, en vue de permettre, à titre exceptionnel, aux professionnels du secteur d’achever le tournage des feuilletons ramadanesques a été stoppée par le verdict du Tribunal administratif.
Reste dans le pipe, en mode prêt-à-diffuser, le feuilleton « Qalb Edhib » (Cœur du loup), produit par Khaoula Slimani d’après une réalisation de Bassam Hamraoui.
Toutefois, ce feuilleton (fiction historique) qui se déroule dans les années 40, pendant la Seconde Guerre mondiale, et traitant de la résistance tunisienne face au colonialisme français à travers l’épopée des fellaghas, est l’objet d’un litige qui oppose la chaîne télé El Hiwar Ettounsi à la productrice. En effet, cette dernière, liée par un contrat de coproduction avec ladite chaîne, a préféré proposer le feuilleton à la chaîne nationale Al Wataniya. Il est fastidieux de revenir sur les détails de ce litige, mais il est à signaler qu’un accord a été conclu avec Al Wataniya pour sa diffusion pendant le mois du Ramadan, malgré le risque qui pouvait en découler. C’est que les responsables de la chaîne El Hiwar ont attaqué en justice la productrice et le jugement est tombé hier pour trancher la question en première instance. En effet, le Tribunal de première instance de Tunis a sommé la chaîne Al Wataniya de ne pas diffuser l’œuvre. Le prononcé d’un arrêt d’urgence dans le cadre d’une affaire engagée par le Tribunal de première instance de Tunisie stipule que «la télévision tunisienne est obligée de ne pas diffuser la série, et les deux parties devraient en premier lieu plaider après la levée de la quarantaine, son droit inhérent ».
A un jour du mois saint, le verdict est plein de conséquences : le feuilleton ne sera diffusé ni sur Al Wataniya, ni sur Al Hiwar probablement. Les préjudices de cette décision de la Cour s’étendront également aux comédiens, aux techniciens, à l’équipe de production, qui ne pourront pas être payés !
Pour sa part, la direction générale de la télévision Al Wataniya a affirmé qu’elle se conformera à cette décision de la justice, laissant ainsi en rade des millions de téléspectateurs. Sa grille ramadanesque sera chamboulée et il est question de pallier la plage horaire dédiée à cette production par des œuvres anciennes probablement. En découlera sûrement la résiliation des annonceurs de leurs campagnes publicitaires. Au fait, comme l’a clairement signifié l’avocat de Khaoula Slimani, Maître Mounir Ben Salha, sur les ondes d’une radio locale, « il n’y a que des perdants dans cette affaire ». A savoir la productrice, les deux chaînes télé, les comédiens, les annonceurs et le public. Tout le monde sera ainsi dans la gueule du loup.
Mais cette affaire révèle aussi l’atrophie de l’appareil de production et de distribution nationale dans cet immense domaine de la communication et de l’audiovisuel, l’asphyxie des productions de l’audiovisuel local et offre en ce mois saint une fatale submersion de notre marché par les produits égyptiens et turcs.
RAOUF
23 avril 2020 à 10:34
Il faut demander à Othman Battikh si on pourrait être dispensé de jeûner, vu qu’on se sera privé de feuilleton cette année……