Toujours égal à lui-même, imperturbable et immuable dans ses certitudes et ses convictions depuis son investiture, Kaïs Saïed reprend aujourd’hui son bâton de pèlerin pour remobiliser «son peuple» qui l’a élu avec 72,71%.
Encore une fois, le Président de la République, qui ne se déclare d’aucun parti politique, est venu jeter une lumière crue sur les pratiques de certains partis en fustigeant notamment leur volonté affichée d’asseoir leur mainmise sur le pouvoir dans le pays sans se soucier de la volonté du peuple et des principes élémentaires de la démocratie. Toujours égal à lui-même, imperturbable et immuable dans ses certitudes et ses convictions depuis son investiture, Kaïs Saïed reprend aujourd’hui son bâton de pèlerin pour remobiliser « son peuple » qui l’a élu avec 72,71%.
Haro sur les dérives constitutionnelles
Lors de son déplacement lundi 11 mai à Kébili en visite à l’hôpital militaire mobile, Kaïs Saïed avait rendez-vous non pas seulement avec la lutte contre le Covid-19, mais aussi avec une lutte qui le met face à une classe politique en perte vertigineuse de vitesse et en quête de légitimation et qui s’apprête à « commettre sous l’hémicycle du Bardo les mêmes erreurs des années 60,70 et 80, se souciant peu de la conciliation avec le peuple ». L’adoption par la commission du règlement intérieur du Parlement de l’amendement de l’article 45 qui stipule que «si un député démissionne de son parti, de sa liste ou de sa coalition électorale perd automatiquement son siège au Parlement» est visée par Kaïs Saïed.
«C’est une grave violation qui s’apparente à une maladie politique et constitutionnelle, encore plus grave que le Covid-19 qui s’est propagé partout dans le monde», martèle-t-il. Son avis est partagé par d’autres éminents constitutionnalistes dans le pays, à l’instar de Salsabil Klibi, qui a confirmé que l’amendement en question va à l’encontre des dispositions de l’article 35 de la Constitution garantissant la liberté de créer les partis politiques ainsi que du décret-loi 2011-87 portant organisation des partis politiques, garant à son tour de la liberté d’organisation et de rejoindre les partis politiques et de s’en retirer. La professeure de droit constitutionnel a mis en garde contre les conséquences de tels amendements en l’absence d’une Cour constitutionnelle, «seule en mesure de déterminer la constitutionnalité ou non d’un projet d’amendement».
Se plaçant toujours dans une position supra-partisane et mettant en doute la constitutionnalité de l’amendement en question, le Président de la République tente de recadrer certains partis politiques et pointe du doigt les dérives enregistrées et les décisions prises par la présidence de l’ARP, lui reprochant d’empiéter sur les pouvoirs des deux têtes de l’exécutif avec la complicité d’autres coalitions politiques. Point n’est besoin de passer en revue les dérives institutionnelles à cet effet. Il suffit pour cela de mettre la «diplomatie populaire» du président de l’ARP sous la loupe. Il va sans dire aussi que le silence complice de certaines coalitions parlementaires à cet égard n’a fait qu’encourager ces pratiques.
Selon un adage bien connu, «la coalition des partis politiques détenant le pouvoir ne peut aboutir qu’à une forme de dictature». C’est ce que le pays est en train de vivre depuis les dernières élections car le pouvoir suprême est toujours tentant. Le Président de la République, rappelons-le, a lancé une phrase-clé au moment de son investiture : «Je n’ai pas le droit de décevoir». Aujourd’hui, il met en garde contre les tentatives de museler le peuple. «La vérité, c’est quand le peuple peut librement exprimer sa volonté et ne plus faire confiance à celui qui l’a trahi».
Concluant son discours, Kaïs Saïed est revenu sur l’argent qui a coulé à flots lors des dernières élections pour se demander où sont passées ces grosses sommes qui ont servi à financer les campagnes électorales ainsi que l’argent spolié du peuple depuis des décennies, confirmant à la fin qu’il se placera toujours du côté du peuple.
La riposte coléreuse de Said Ferjani
Un bon coup de pied dans la fourmilière politique donné par le Président de la République, ce qui n’était pas de nature à plaire à certains politiques dont le député nahdhaoui Said Ferjani, qui a appelé Kaïs Saïed à arrêter, lui et ses partisans, les incitations contre le parlement depuis le Sud du pays. «L’appel au chaos constitue une menace à la sécurité nationale du pays», a-t-il ajouté.
Pour rappel, Said Ferjani n’en est pas à sa première. En septembre 2018, il a tenu des propos hostiles à l’égard de l’ancien chef du gouvernement Youssef Chahed, n’épargnant pas par la même occasion l’épouse de ce dernier. Le parti Ennahdha s’est démarqué de lui et a vite réagi en publiant un communiqué soulignant que les propos de Ferjani n’engagent que sa personne.
«Ceux qui ont été élus en 2014 ne semblent pas se soucier outre mesure de l’avenir du pays. Ils ne se soucient que de leur propre avenir. On ne fait pas la grande Histoire avec les petites histoires», a déclaré Kaïs Saïed dans un entretien publié dans les colonnes de La Presse le 27 janvier 2018. Cela est encore valable aujourd’hui comme ça l’était avant et après la révolution.
Liberte
13 mai 2020 à 14:30
Le réveil d’un président après sa longue hibernation ne peut que faire du bien au pays, au boulot mon vieux et montrez ce que vous pouvez faire pour un changement radical.