A force de ronronner, la machine politique en Tunisie s’est enrayée. Les Tunisiens n’ont plus confiance en rien ni en personne. Même ceux qui ont pensé la deuxième République, ses règles, son fondement, ses valeurs avouent que rien ne va plus. Avec une actualité maussade à longueur de journée, on ne fait que broyer du noir. Incendies criminels, actes de vandalisme sur des biens publics, blocage du transport du phosphate, sit-in et grève de la faim au parlement…De quoi faire oublier aux citoyens la pénurie de farine et de semoule et les tracas des factures impayées qui s’accumulent dans leurs boîtes aux lettres en attendant la fin du confinement.
Et pour mieux corser l’atmosphère, voilà que le maire du Kram défie l’Etat et la République. Il a décidé de réinstaurer le fonds de la zakat. D’autres maires de la même obédience, séduits par l’idée, ont décidé de lui emboiter le pas.
Cela se passe à l’heure où la famille politique s’est divisée. Et tandis qu’ils ne faisaient que se déchirer entre eux, les appels pour une troisième république fusent. Des mobilisations pour l’après-Aïd sont prévues à cet effet. L’objectif ? Faire vaciller ce qui reste d’un édifice en ruine. Pourquoi ? Remettre le pays en marche…Oui mais dans quelle direction ? Le risque ? Un saut dans l’inconnu à cause des ambitions politiques des uns et de la cupidité sans limites des autres. Résultats attendus ? Le peu de ce qui nous unit encore, ce qui fait de nous les enfants d’une même nation, les héritiers d’une même culture et d’une même histoire, volera en éclats. Cette unité fragile d’un pays qui tire le diable par la queue finira par basculer. Les valeurs républicaines laisseront place aux vieux clivages si difficiles à dépasser, les démons de la vieille garde se délecteront. Les adeptes du changement se mettront en marche. Ils tireront à boulets rouges sur les conservateurs, ceux qui craignent le chaos et la perte de ces valeurs républicaines qui s’effritent déjà. Dans ce pugilat politique, chacun est sûr de ses convictions, sûr de ses valeurs, sûr de son projet. Mais en même temps rares sont ceux qui sont prêts à affronter des idées différentes, des opinions différentes. Pourtant, la diversité et l’échange ne peuvent qu’être féconds, enrichissants.
Ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui est grave, très grave. On ne fait que compter les ralliements venus d’un camp à l’autre, sans conviction aucune. Au vu et au su de tout le monde, pour faire monter les enchères et attirer quelques personnalités emblématiques, les combinaisons partisanes se font et se défont au grand jour. Gare à celui qui crie au loup. On jette facilement l’anathème sur lui. Il sera rejeté, exclu. Voilà où nous en sommes ! Pourtant quand il s’agit de la Tunisie, de notre nation, de notre patrie, il ne devrait plus y avoir de camps, plus de partis, plus de dissonances. C’est la seule condition pour pouvoir construire ensemble. Il n’est pas permis que chacun à sa guise s’arrache un bout du pouvoir, fût-il au nom de la bonne cause et ayant pour nom… fonds de la zakat !