Pris entre l’enclume de l’endettement et le marteau de la pression fiscale, le gouvernement marche dans un véritable champ de mines.
Dans son discours prononcé le 20 mai courant, le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh a annoncé que le gouvernement s’est, actuellement, penché sur l’élaboration d’un plan de relance économique “Inaach” (réanimation). Ce programme —a-t-il souligné— devrait être en harmonie avec les objectifs du document contractuel du gouvernement qui a été signé par les divers partis de la coalition gouvernementale. Il sera présenté devant le parlement d’ici la fin du mois de juin prochain. Rappelons à cet égard que le programme en question repose sur sept principales priorités, à savoir le renforcement de la souveraineté nationale et la sécurité, la préservation du tissu économique, notamment les petites et moyennes entreprises, la relance sectorielle avec davantage d’appui aux secteurs les plus touchés, la réduction de la bureaucratie et la numérisation de l’administration, la préservation des emplois et la lutte contre l’emploi précaire, la résolution des problèmes et litiges en suspens qui entravent la mise en œuvre des grands projets et enfin la lutte contre la corruption et l’impunité.
Le coup de grâce
Certes, ces enjeux “ressuscités” ne datent pas d’aujourd’hui. Mais l’heure est grave. La crise du coronavirus risque de porter le coup de grâce à une économie, désormais, fragilisée et essoufflée. “La crise va engendrer une baisse de 7% de la croissance du PIB par rapport à ce qui a été prévu dans la loi des finances 2020”, a déclaré le chef du gouvernement dans le même discours. Si les grandes lignes du programme de sauvetage sont bien claires, il n’en reste pas moins que la question du financement et de la distorsion des équilibres financiers demeure le gros bémol de la réponse du gouvernement au Covid-19.
Selon les estimations de l’économiste Hakim Ben Hamouda, il faudrait 12 milliards de dinars pour retrouver une croissance de 0% sur la base de récession de 4%. Avec une dette en devises qui dépasse les 71% de la dette publique qui avoisine, à son tour, les 73% du PIB pour l’année 2019, la piste de l’endettement extérieur a été balayée par le gouvernement d’un revers de la main. “Nous n’allons pas emprunter la voie de l’endettement qui a atteint des niveaux alarmants et qui a pris en otage l’indépendance de la décision nationale du pays. Nous allons compter sur nos capacités, nous allons mobiliser nos propres ressources et rationaliser nos dépenses”, a annoncé la chef du gouvernement. Certains spécialistes estiment qu’il s’agit d’une allusion au recours à la pression fiscale pour renflouer les caisses de l’Etat. Pris entre l’enclume de l’endettement et le marteau de l’alourdissement du fardeau fiscal, le gouvernement marche dans un véritable champ de mines. Bien que la tâche semble ardue, il pourrait exister des pistes et des solutions envisageables pour la mobilisation des ressources. Dans ce qui suit nous allons citer quelques propositions qui ont été émises, à ce sujet, par une poignée d’éminents économistes.
Accroître les dépenses publiques
Pour l’économiste et universitaire Tahar El Almi, il s’agit de “favoriser les emprunts nationaux pour financer le déficit public, dans le cadre d’une restructuration de la politique financière globale. Dans une interview accordée, récemment, à l’agence TAP, l’économiste préconise «une redynamisation du marché financier», via des instruments financiers assimilables «nouveaux». Sur le plan budgétaire, il a appelé à accroître les dépenses publiques c’est-à-dire les investissements publics d’infrastructure, à réduire les taux d’imposition directs (entreprises et ménages) et indirects (TVA) et à accroître les transferts sociaux au profit des ménages nécessiteux. Sur le plan monétaire, il s’agit de réduire encore les taux d’intérêt et d’accroître les rallonges de refinancement. En outre, il a expliqué que “la planche à billet” peut être une solution envisageable sans risque d’inflation, dans la mesure où “dans un pays en récession et/ou en dépression et où les capacités de production sont largement sous-employées, les tensions sur les capacités sont inexistantes et il ne peut y avoir, donc, d’inflation. Cette question a été partagée par l’économiste et ancien ministre des Finances, Elyes Jouini, qui préconise, entre autres, la monétisation de la dette (planche à billet) la renégociation de la dette publique et privée et l’endettement intérieur à des taux bas et sur une longue durée. Sans omettre l’instauration d’un impôt de solidarité sur le patrimoine, son cheval de bataille pour le fondement d’un nouveau pacte social.
Pour l’économiste Radhi Meddeb, il s’agit d’abord de renflouer les caisses de l’Etat en récupérant le manque à gagner. Il est question de tirer profit de l’effondrement des cours du pétrole et de sécuriser l’ensemble des besoins nationaux en effectuant des opérations, à cet effet, comme le hedging. Ce qui va permettre d’économiser environ 6 milliards de dinars. Pour Habib Karaouli, économiste et P.-d.g. de Cap Bank Tunisie, l’enjeu réside dans une révision de l’endettement avec les multilatéraux, qui constituent 50% du total de notre endettement et un report des paiements des échéances, surtout que l’agence de notation S & P a annoncé qu’elle ne considère pas un report des échéances de la dette ou un moratoire comme un défaut de paiement.