Accueil A la une Hausse du taux de chômage : Faut-il craindre le pire ?

Hausse du taux de chômage : Faut-il craindre le pire ?

La légère hausse du taux de chômage observée au premier trimestre 2020 s’explique par l’atonie de la croissance, notamment durant le dernier trimestre de l’année précédente, mais également par la baisse de l’investissement. Désormais, on craint le pire, puisqu’on prévoit une hausse du chômage, atteignant même des taux inquiétants.  

Selon les résultats de l’enquête nationale sur la population et l’emploi qui ont été publiés par l’Institut national de la statistique (INS), le taux de chômage a observé une augmentation durant le premier trimestre 2020 pour s’établir à 15,1%, soit une hausse de 0,2% par rapport au quatrième trimestre de l’année 2019. Toujours selon cette même source, le nombre de chômeurs estimé a atteint 634.8 mille, contre 623.9 mille chômeurs recensés durant  le quatrième trimestre 2019.

Un taux prévisionnel de 20% pour 2020

A vrai dire, cette hausse du taux de chômage n’est pas une surprise et était plutôt prévisible, compte tenu de l’atonie de la croissance, notamment durant le quatrième trimestre de l’année 2019. “D’abord il faut noter que la croissance a été extrêmement faible en 2019. Elle avoisinait les 1 % durant toute l’année. Elle s’est même établie aux alentours de 0% pendant le second semestre. Il n’y a pas eu de croissance parce qu’il n’y a pas eu d’investissement et, par voie de conséquence, il n’y avait pas  de création d’emplois. Bien  au contraire, il y avait une destruction de l’emploi”, a expliqué l’économiste Ezzedine Saidane dans une déclaration accordée à La Presse. Cependant, ce qui est plus inquiétant, selon l’expert, c’est que cette hausse va perdurer et  s’accélérer pour atteindre des taux sans précédent. «On doit s’attendre à une hausse beaucoup plus importante, du moment où l’on a choisi d’appliquer un confinement général qui sera, aujourd’hui, à l’origine d’un risque de récession et de contraction de l’économie. Une contraction estimée à  hauteur de 10%, soit à peu près 1% par semaine de confinement général (au total 7 semaines de confinement total), plus 3% pour le confinement ciblé et le coup de la reprise. Cela fait au total environ 10% de contraction de PIB, ce qui est énorme. En Tunisie, 1% de PIB correspond à 15.000 emplois. Donc il y aurait très probablement un risque de perte d’un nombre important d’emplois qui avoisinerait les 150.000. Ce qui porterait le taux de chômage à 20% ou plus et c’est cela le vrai danger», ajoute-t-il dans le même contexte. 

Freiner la tendance haussière en pérennisant les entreprises 

Cette montée du chômage qui se profile peut être, relativement, freinée et jugulée à condition de prendre les mesures adéquates “à temps”, précise l’économiste. Il a expliqué, à cet égard, que le seul moyen, pour ce faire, est de préserver la pérennité des entreprises en leur fournissant la liquidité en temps voulu. La question du “timing étant capitale”, souligne-t-il. Et d’ajouter : «On aurait dû commencer à prendre ces mesures au mois de mars, parce que la perte des emplois est due essentiellement  à la perte des entreprises. Aujourd’hui, il y a des entreprises qui sont défaillantes et qui ne peuvent pas reprendre. Durant les mois de confinement (mars, avril et mai), ces entreprises-là étaient confrontées subitement à une situation sans précédent où elles avaient perdu la totalité ou une grande partie de leurs chiffres d’affaires, en contrepartie leurs charges, notamment les charges du personnel ont été totalement maintenues. Donc l’entreprise avait un besoin urgent de liquidité, qui doit être satisfait immédiatement, sinon  elle risque la faillite. Or les mesures qui ont été prises jusque-là n’ont pas apportées la liquidité qu’il faut à ces entreprises», a-t-il noté, soulignant que la riposte économique et financière à l’épidémie n’a pas été de la même ampleur que la réponse sanitaire adoptée par les autorités. «Peut-être que nous avons fait plus attention, aux grands équilibres, notamment au taux d’inflation et à la dette publique plutôt qu’au sauvetage des entreprises et donc de l’économie. Ce qu’il faut souligner, c’est que si on agit pour sauver l’outil de travail (les entreprises et les emplois), on garde nos chances intactes pour un rebond important en 2021, et les années qui suivent. Mais si nous perdons les entreprises et les emplois en nombre important, nos chances de rebond vont être réduites», a-t-il expliqué. 

L’éventuelle explosion du chômage va-t-elle induire d’importantes vagues de migration ? Bien qu’on ne puisse pas facilement deviner la réponse, « un taux de chômage de ce niveau là génère obligatoirement des difficultés sociales”, explique Ezzedine Saidane. Les conséquences seront difficiles à gérer, estime-t-il, parce que les perspectives de croissance et d’investissement semblent faibles. « Nous avons une situation politique compliquée qui ne permet pas peut-être d’aller vers les solutions radicales et vers une prise en main réelle audacieuse et courageuse de la situation économique et financière du pays. En plus, nous avons un problème de disponibilité des chiffres. Nous sommes au début du mois de  juin et on parle du taux de chômage de fin mars. Et les taux de chômage et de croissance de fin juin, nous les aurons au mieux le 15 août. Ce n’est pas acceptable. Si on n’a pas les bons chiffres à temps, on ne peut pas prendre les bonnes décisions à temps », a-t-il conclu. 

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