Ayachi Hammami, ministre des Droits de l’Homme, a clos, hier, l’affaire, en annonçant qu’Elyès Fakhfakh a décidé de vendre ses parts dans le groupement.
Les conséquences du geste du Chef du gouvernement sont là : Mohamed Abbou n’aura pas à enquêter pour découvrir «la vérité» et Chawki Tabib doit se rassurer parce que Fakhfakh a répondu favorablement, le jour même, à sa requête en régularisant sa situation.
Quand Elyès Fakhfakh, Chef du gouvernement de «la transparence et de la restauration de la confiance», parle à la télévision, il faut l’écouter jusqu’au dernier mot de son discours. Tout simplement parce qu’il a toujours des annonces à faire, des secrets à révéler et des confidences à divulguer à son ou à ses intervieweurs, sans qu’ils aient à lui poser les questions afférentes.
Dimanche dernier, il a consommé près des deux heures d’antenne, poussant plusieurs téléspectateurs à zapper Attassia, la chaîne TV où il parlait aux Tunisiens. Cependant, ceux qui ont changé d’antenne ont eu tort sans le savoir puisqu’ils ont raté l’essentiel, à savoir les révélations qu’il a faites sur l’intention de son gouvernement de réduire les salaires des fonctionnaires, sur la possibilité de ne plus servir aux retraités leurs pensions auprès de la Cnss et de la Cnrps.
Et le clou de la soirée Fakhfakh ou le moment fort, comme disent les commentateurs, est l’aveu qu’il a fait concernant «deux ou trois entreprises privées où il a droit à quelque 20% des actions du groupement gérant les intérêts de ses entreprises».
Le Chef du gouvernement n’a pas précisé s’il a cédé à autrui ou vendu les actions qu’il possède au sein du groupement en question à la suite de son accession à la présidence du gouvernement actuel à l’issue de l’obtention de son équipe ministérielle de la confiance des députés.
Il faut rappeler que l’intervieweur n’a pas posé la question au Chef du gouvernement qui n’a pas estimé, lui aussi, de son côté, important de préciser qu’il a l’obligation de régler sa situation conformément aux dispositions de la loi fondamentale sur la déclaration de patrimoine interdisant à toute personnalité exerçant de hautes fonctions au sein de l’administration publique (chef de gouvernement, ministres, députés, directeurs généraux et autres) de posséder une entreprise quelconque ou d’accéder à un portefeuille d’actions sous peine d’être accusé de conflit d’intérêts, surtout quand la même entreprise réussit à arracher des marchés publics que l’Etat lui a cédés.
Abbou et Tabib face à Yassine Ayari
La révélation de Elyès Fakhfakh n’est pas passée inaperçue puisque le bouillant député Yassine Ayari a sauté sur l’occasion pour déclarer avoir intenté un procès à l’encontre du Chef du gouvernement, l’accusant d’avoir violé la loi sur le patrimoine et lui demandant de démissionner de sa fonction à la tête du gouvernement (ce qui revient à dire que l’équipe ministérielle actuelle tout entière doit démissionner conformément à ce que prévoit la Constitution), ouvrant ainsi la voie à une crise institutionnelle dont personne ne connaît l’issue. La polémique médiatiquement lancée et entretenue, dans tous ses détours par les commentateurs, c’est au tour de Mohamed Abbou, le super ministre chargé de l’éradication de la corruption, et de Chawki Tabib, le président de l’Instance de la lutte contre la corruption, d’intervenir dans le débat général pour éclairer les Tunisiens sur les dessous de l’affaire et sur ce que le Chef du gouvernement doit faire.
Ainsi, Chawki Tabib a-t-il annoncé, hier, dans une déclaration à la radio Shems FM que son instance considère que le Chef du gouvernement «se trouve dans une situation non conforme à la loi sur la déclaration de patrimoine et des intérêts et la lutte contre l’enrichissement illicite et le conflit d’intérêts».
Il ajoute : «Nous avons adressé, jeudi, une lettre au Chef du gouvernement qui dispose d’un mois pour régulariser sa situation».
Le doyen confie avoir pris connaissance des entreprises que possède Fakhfakh quand ce dernier en a parlé sur Attassia TV, ce qui laisse entendre deux hypothèses : la première est que le Chef du gouvernement n’a pas mentionné dans sa déclaration de patrimoine soumise à l’Inlucc qu’il possède effectivement les entreprises ou les actions en question.
La deuxième hypothèse est que Tabib ignore le contenu de la déclaration remise à son instance par le Chef du gouvernement. Quant à Mohamed Abbou, il promet aux Tunisiens d’ouvrir une enquête pour vérifier si Fakhfakh possède effectivement les entreprises et les actions dont on lui prête la paternité.
Sur la chaîne TV Carthage +, Abbou a précisé à l’intention du député Yassine Ayari : «Je veillerai à traiter la requête que vous m’avez adressée conformément aux dispositions de la loi et les résultats de l’enquête seront révélés au public en temps opportun».
Malheureusement pour Abbou et pour ses enquêteurs, Ayachi Hammami, le ministre chargé des Droits de l’Homme, des Relations avec les instances constitutionnelles et la société civile, a une autre approche de l’affaire dans le sens qu’on n’attendra pas les résultats de la mission d’investigation décidée par Abbou puisqu’il a déclaré que le Chef du gouvernement a «décidé de céder ses parts au sein du groupement d’entreprises dans lequel il est actionnaire, en réponse à ce qu’il a reçu de la part de l’Inlucc».
Pour résumer et à suivre les déclarations de Ayachi Hammami, les enquêteurs de Mohamed Abbou n’auront plus à investiguer sur l’affaire des actions du Chef du gouvernement.
Liberte
20 juin 2020 à 10:04
Normalement on doit déclarer tous ses biens avant de rentrer dans le gouvernement. Bref je pense que le premier ministre est exempt de ce règlement.