Lors de son entretien, du 20 mai dernier, Elyès Fakhfakh avait commencé par annoncer les grandes lignes du plan de relance économique et sociale. Son équipe travaille, d’arrache-pied, pour fignoler les détails, dans le but d’aider l’économie nationale à surmonter le plus rapidement possible les impacts de la crise sanitaire, surtout que la situation économique est déjà très complexe en temps normal.
Depuis le confinement total du pays, décidé par le gouvernement le 21 mars dernier, l’économie tunisienne et l’état des finances publiques ont été fortement affectés. Ainsi, des mesures économiques et sociales d’accompagnement et de soutien des particuliers, des entreprises, des salariés et de la population fragile ont été décidées conjointement par le gouvernement et par la Banque centrale de Tunisie. Ces mesures coûtent à l’Etat plus de 3 milliards de dinars. En plus des mesures d’urgence, un plan de relance économique et sociale est en train de se préparer. Ce dernier comportera, selon l’annonce faite par le Chef du gouvernement, sept objectifs majeurs. Il s’agit notamment du renforcement de la souveraineté nationale et la sécurité, la préservation du tissu économique et les PME, la relance des secteurs les plus touchés par la pandémie, la réduction de la bureaucratie et la digitalisation de l’administration, la préservation de l’emploi et la lutte contre l’emploi précaire, la résolution des problèmes en suspens ayant empêché la réalisation de grands projets. Aussi, ce plan prévoit l’activation de la reprise du bassin minier et des champs pétroliers et la lutte contre la corruption et la rupture avec l’impunité.
Or, pour sortir de l’ornière, la Tunisie a besoin de beaucoup plus que cela. Depuis la fin des années 90, le décollage économique, qui aurait dû s’enclencher, n’a jamais eu lieu. Les différents systèmes politiques et les divers gouvernements, qui se sont acquis de la scène politique tunisienne, naviguent à vue. Tous ont toujours choisi de mettre en place des stratégies beaucoup trop optimistes. On parle alors de plans stratégiques à moyen et long terme alors que le pays a, tout simplement, besoin de corriger les dépassements et les lacunes du quotidien. S’attaquer aux grands chantiers stratégiques sans se pencher sérieusement, et avec fermeté, sur les dossiers brûlants comme ceux de la corruption, de la bureaucratie… qui rongent le pays, n’avance à rien. Ces problèmes vécus, au quotidien, par le citoyen comme par l’entreprise, peuvent à eux seuls expliquer la spirale négative qui a aspiré l’économie tunisienne vers le bas.
Savoir résoudre les problèmes cruciaux
La situation économique tunisienne s’assombrit d’une année à l’autre et les choses se sont davantage compliquées depuis la crise du Covid. Tout le monde s’accorde pour considérer que la crise du coronavirus va totalement changer la planète. Cette contrainte nécessite des changements radicaux et une totale remise en question. Le gouvernement en place doit comprendre que les priorités ont changé. Il doit aussi savoir que l’analyse des principales problématiques et les moyens et pratiques nécessaires à leur résolution sont tout à fait autres. La tâche s’avère encore plus compliquée pour un pays comme la Tunisie, dont les ressources naturelles et financières sont limitées. Car l’imagination, la créativité et la bonne volonté ne suffiront pas pour venir à bout de problèmes aussi cruciaux que les nôtres.
Hélas, l’esquisse du plan de relance économique annoncé, il y a peu, manque de réalisme. Il manque également d’actions immédiates et à très court terme. Le programme donne une impression de déjà vu !
Déjà, la plupart des plans de redressement économiques entrepris par les différents pouvoirs en place marginalisent le dossier économique. Ils ne comportent aucune vision et ne comptent sur aucun projet de développement porteur. Ils manquent de cohérence et de consistance et traduisent une méconnaissance de la réalité du pays et de ses contraintes. Les différents gouvernements ont, toujours, adopté la politique du «go and stop», qui se base sur la relance par une demande intérieure, l’augmentation des dépenses publiques, un faible intérêt accordé à l’exportation et l’investissement et, enfin, l’adoption de mesures en matière de finances publiques qui dépassent les capacités réelles du pays.
Le seul point innovant du plan de relance économique élaboré par Fakhfakh et son équipe est celui de la réduction de la bureaucratie et la digitalisation de l’administration. Il faut l’admettre, les problèmes sont tellement complexes et quelles que soient les solutions proposées, la relance ne sera jamais facile.