Tant que les régions souffrent, la Tunisie ne sera pas à l’abri des troubles et des soubresauts. Et ce qui se passe à Tataouine provient des vices de fonctionnement d’un système politique conçu pour que nul ne puisse réellement gouverner. En temps ordinaire, ce système peut fonctionner sans avoir à huiler sa machine. Mais le jour où éclatent les crises, il révèle les limites de sa capacité à les surmonter. C’est à ce moment-là, quand il est à l’épreuve des évènements dramatiques, qu’on mesure sa grandeur ou sa faiblesse. De ce fait, les contestations, la mobilisation des jeunes à Tataouine ne sont que le résultat logique et naturel d’un système dépassé par les événements et qui n’a rien vu venir. De surcroît, il n’a pas su évaluer le degré de la colère dans ce gouvernorat et n’a pas pu non plus trouver à temps les réponses qui auraient pu conjurer l’embrasement de la situation. En effet, tandis que les politiciens étaient occupés par leurs jeux stériles et l’Assemblée des représentants du peuple engluée dans ses errements, personne ne donnait de l’importance aux conséquences néfastes et parfois tragiques de la négligence à outrance de la souffrance des jeunes de cette région.
Certes, la pandémie de Covid-19 et la crise économique et financière ont occulté la crise sociale qui prenait forme à vue d’œil. En focalisant son regard sur les périls structurels qui menaçaient l’Etat dans son fonctionnement ordinaire, en lorgnant d’un œil morne l’action de l’ARP et des partis, plongés dans une guerre de factions et dans des calculs partisans, le gouvernement de Fakhfakh a relégué au second plan de ses priorités les questions sociales les plus épineuses, dont celle d’El Kamour. Force serait de reconnaître aussi que la marge de manœuvre de ce jeune gouvernement était réduite du fait que la rigidité du système et la bureaucratie faisaient en sorte que toutes les volontés se trouvaient broyées et que l’impuissance était la règle. Pourtant, il y a eu un accord conclu avec le gouvernement Chahed. Etait-il bon ? Peu importe du moment qu’il y a eu un engagement sur le dossier et qu’au nom de la continuité de l’Etat, il fallait en honorer les termes. Il s’agit donc de donner un coup de pied dans la fourmilière administrative pour mettre tous les acteurs en mouvement et trouver un nouvel équilibre, et vite. Il doit être proactif, inventif et capable de faire avancer les régions. Sinon les meilleures volontés se trouveraient une fois de plus condamnées à la paralysie et incapables de faire le moindre sursaut. Il s’agit d’une prise de conscience salutaire à même de mettre la Tunisie à l’abri des troubles sociaux alors que les forces du mal la guettent de partout.