Accueil Editorial La hache de guerre est-elle déterrée ?

La hache de guerre est-elle déterrée ?

Les réunions à huis clos et les coulisses du Conseil de la choura révèlent au grand public la part sombre qui sommeille en Rached Ghannouchi, président du Parlement et chef historique du mouvement Ennahdha.

Les propos fuités qu’il a tenus à l’encontre du chef de l’Etat fustigeant sa « méconnaissance de la réalité libyenne » et décriant son entêtement à refuser de s’aligner sur la position de Fayez Al Sarraj dévoilent les sentiments hostiles d’un proche d’Ankara et de l’axe de l’islam politique à l’égard du Chef de l’Etat.

Ils montrent encore une fois les limites de la conversion du Cheikh à la démocratie et ses sombres desseins pour une Tunisie moderne, souveraine et une négation des principes de sa diplomatie. En effet, Rached Ghannouchi continue par ce genre de déclarations abrasives son jeu périlleux, exposant un pays éprouvé par la crise économique à un risque majeur pouvant l’entraîner dans le piège du chaos libyen.

En effet, bien que son parti soit dépositaire d’un pouvoir qui résulte des urnes, qui l’a porté au sommet du pouvoir législatif, il ne se contente pas de ses prérogatives fixées par la Constitution et cherche à mettre le grappin sur les rouages de la diplomatie nationale pour exercer le pouvoir d’une manière absolue.

Pour parvenir à ses fins, dans un pays où le pouvoir exécutif lui échappe, il livre, par le biais de ses spadassins, une guerre sans merci contre le Chef du gouvernement, coupable de sa proximité avec le Président de la République, mais affaibli par une affaire de conflit d’intérêts, avec l’espoir ténu de limiter l’action du chef de l’Etat, comme il a réussi à le faire avec feu Béji Caïd Essebsi.

Grâce à sa stratégie de la tension, il essaime les conflits et les provocations, aidé en cela par la coalition Al Karama, les seconds couteaux d’Ennahdha, pour dominer le parlement, fragiliser le gouvernement et déstabiliser les institutions.

Mais au sein même du temple Ennahdha, on parle à mots couverts dans les couloirs d’une tentation dynastique de Ghannouchi pour rester aux commandes. Les jeunes loups du parti qui commettent l’erreur de dresser devant lui des candidats crédibles sont évincés ou sont tout simplement poussés à la sortie. Mais le Cheikh, auquel on ne peut faire qu’une confiance mesurée, reste courtisé, adulé et craint par ses pires ennemis. On observe de près son charisme qui commence à s’user, sa rhétorique qui a fini par s’épuiser, dans un silence religieux. Mais malgré les trous d’air, l’homme demeure confiant et sûr, poursuivant son rêve d’une Tunisie complètement remodelée à la manière de l’islam démocratique, vieille utopie qu’il caresse depuis des années, et qui lui procurerait le moyen de dominer sans contrepoids.

Héraut, en public, d’un Islam politique modéré, respectueux des règles de la démocratie et des droits de l’Homme, il développe en son for intérieur un penchant autocratique de type classique, pratiquant un exercice totalement personnel du pouvoir.

Même blessé par certaines attitudes des militants de son parti, il est à la manœuvre et, sous l’apparence d’un homme fruste, confirme ses qualités de stratège politique. Au sein même du parti, d’autres caciques font entendre une petite musique similaire à celle de leur chef, affichant une position impitoyable avec ses rivaux. Son talent de tribun qui magnifie un langage manichéen lui assurant un ascendant sans équivalent sur certains de ses militants s’est brisé sur le podium du Parlement grâce aux charges infinies de ses opposants. Pour y parer, il rend coup pour coup et sa pratique du pouvoir devient nettement moins consensuelle. Il est peu probable, sur le plan de la politique intérieure, de voir le Cheikh, magnanime et renouant avec le pragmatisme, comme il s’est escrimé à le faire, renvoyant  de lui une image de sage, révisant tous ses choix antérieurs et adepte de la réconciliation nationale. Les analystes s’accordent sur le fait qu’il n’a jamais achevé sa mue. Mais le combat qu’il livre secrètement à l’Ugtt risque d’emporter dans son sillage le peu qui reste compact de ce mouvement. Taboubi l’a annoncé, il envisage de prendre d’assaut la place du Bardo. Et le Chef de l’Etat l’a clairement signifié : « Nous sommes prêts à mourir pour ce pays », allusion faite aux menaces qui prolifèrent sur les réseaux sociaux suite à sa position sur la crise en Libye. Les masques sont tombés, la hache de guerre est-elle déterrée au sommet ?

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