40e jour du décès de Chedly Klibi : La Cité de la culture baptisée au nom de l’illustre ministre de Bourguiba

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Chedly Klibi est décédé le 13 mai dernier à l’âge de 94 ans. A cet illustre ministre de la Culture de Bourguiba et secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, un vibrant hommage officiel a été ren- du jeudi soir à la Cité de la culture.


« Sadiki m’a appris la langue et la culture arabes. La Sorbonne m’a inspiré la fierté du patrimoine de mon pays. Le profes- sorat m’a donné l’occasion d’apprendre davantage. La radio et l’information m’ont permis d’accéder aux autres. Les affaires culturelles m’ont donné les outils néces- saires pour servir la culture et le patri- moine tunisiens. Enfin le secrétariat général de la Ligue arabe a constitué une expérience unique qui m’a montré le décalage entre le réel et l’espérance », ainsi Chedly Klibi synthétisait en des mots justes et précis une longue et riche carrière au service de la Tunisie.

Et c’est à cet homme, premier ministre de la Culture de la Tunisie indépendante en 1961 et fondateur de ses diverses structures culturelles, des festivals de Carthage et de Hammamet aux JCC, au Festival du théâtre scolaire (qui a vu l’émergence des Raja Farhat et Mohamed Driss), aux bibliothèques publiques et aux maisons de la culture mises en place dans toutes les grandes et petites villes du pays, que le gouvernement a voulu rendre hommage.

Avant-hier à la Cité de la Culture, une cérémonie solennelle et ponctuée d’émouvants témoignages a été organi- sée en mémoire de l’illustre disparu par le ministère de la Culture à la Cité de la culture baptisée à cette occasion au nom de Chedly Klibi. Y ont assisté Elyès Fakhfakh, Chef du gouvernement, qui a inauguré une sculpture calligraphique réalisée par le grand plasticien Nja Mehdaoui et prononcé un discours en hom- mage au défunt, Rached Ghannouchi, président de l’ARP, ainsi que plusieurs membres de la famille de l’ancien homme d’Etat, des ministres, des députés et des représentants du corps diplomatique.

Témoignages de fidélité et de respect

La cérémonie s’est ouverte avec un défilé de photos en noir et blanc sur le grand écran de la salle de l’Opéra. On y voit Chedly Klibi avec les grands de ce monde, d’un monde allant des années 80 au début des années 90, lorsque l’homme dirigeait la Ligue des Etats arabes : Yasser Arafat, Hassan II du Maroc, Saddam Hussein, François Mitterrand, le Pape Jean-Paul II, le Roi d’Espagne, Indira Gandhi, Margareth Thatcher…Puis surgissent des images racontant sa complicité et sa fidélité à Bourguiba. Enfin, se succèdent sans interruption les photos avec sa grande famille, les artistes et les créateurs des années 60 et 70, Aly Ben Ayed, Hatem El Mekki, Ammar Farhat, Zoubeir Turki, Salah Mehdi, Ezzedine Madani, Jalila Hafsia… La cérémonie animée par Fatma Ghor- bel de la chaîne nationale et Chedly Ben Younes, avocat, dramaturge et fin connaisseur de Chedly Klibi, une tren- taine de personnalités vont par la suite raconter l’ancien grand commis de l’Etat à travers l’un des angles de sa fertile car- rière. Si des hommes politiques, notam- ment ceux qui l’ont connu à la tête de la Ligue arabe (de 1979 à 1990), tels le Palestinien Saeb Erakat ou le Libanais Adnen Omran, vont louer la sagesse, la dignité de la diplomatie de Chedly Klibi, d’autres personnalités notamment celles se recrutant dans l’univers de l’art et de la culture, vont revenir sur sa capacité d’écoute, sa sensibilité, son pouvoir de négocier et d’arracher des espaces de liberté pour une jeunesse ouverte sur le monde et attachée à son pays. Jalila Baccar, Fadhel Jaibi, Fadhel Jaziri, Raja Farhat, Abdellatif Ben Ammar, Salma Baccar et bien d’autres encore rappel- leront à quel point en tant que ministre de la Culture (de 1961 à 1973 et de 1976 à 1978) ou en tant que directeur de la Radio et télévision tunisiennes (de 1958 à 1961) il les a motivés, poussés à aller de l’avant, ou encore offert l’occasion d’aller se former ou se perfectionner dans de nombreuses écoles et centres de formation dans les métiers de l’art à l’étranger.

Un bâtisseur de la Tunisie moderne et de sa culture

Les laboratoires du cinéma de Gam- marth, les ciné-clubs, la Bibliothèque nationale, la Société tunisienne d’édition (STD), la Maison tunisienne d’édition (MTE), la société de disques Ennagham, la troupe théâtre de la Municipalité de Tunis, l’Ecole des beaux-arts, la troupe musicale et théâtrale de la RTT, la troupe nationale de musique folklorique, c’est également lui, le Sadikien né en 1925, grand intellectuel et fin lettré.

Visionnaire et avant-gardiste, « il croyait dans le rôle de l’art dans l’éveil d’une nation », témoigne le journaliste Abdel- latif Fourati.

A 27 ans, Raja Farhat était un homme révolté et pourtant Chedly Klibi le nomme à la tête du Festival de Carthage : « Quel ministre de la Culture actuel parierait sur un gamin de cet âge ? », s’interroge-t-il. Malgré l’interdiction que subit la pièce « Joha et l’Orient en désarroi », produite par le Théâtre du sud de Gafsa, Klibi saura la libérer des griffes des censeurs. « Il rend même son passage possible sur la télévision », souligne Fadhel Jaziri. On l’oublie souvent : longtemps Chedly Klibi a été à la fois ministre de la Culture et maire de Carthage, où il a résidé jusqu’à son décès le 13 mai 2020. En 1972, Chedly Klibi et René Maheu, direc- teur général de l’Unesco, lancent à Car- thage la Campagne internationale de sauvegarde de ce site prestigieux. « Il y a autant de ministres de la Culture qu’il y a d’États, mais il n’y a qu’un maire de Carthage », aimait-il à répéter.

Selon le témoignage de ses compagnons de l’Association des amis de Carthage : « A l’étranger, il constatait lui-même que c’était cette fonction qui le distinguait et le valorisait ».

C’est à Carthage qu’il va décéder le 13 mai 2020 entouré de sa famille et de ses amis. Mais son souvenir restera marqué dans toutes les petites et grandes struc- tures liées à la culture de la Tunisie.

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