Noureddine Taboubi pointe du doigt les conflits, les tiraillements et les rapports polarisés entre les partis politiques qui ont fait que le pays régresse d’une année à l’autre depuis une dizaine d’années. «Il faut se mettre à l’évidence que le toit s’est effondré et la situation est très difficile à tous les niveaux, comme en témoigne l’augmentation du taux de chômage et de la pauvreté», avertit le secrétaire général de la centrale syndicale.
Le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs tunisiens n’a de cesse d’appeler ces derniers mois au changement du régime politique mis en place depuis la révolution et qui n’a fait que traîner le pays au bord du précipice et du déficit. Suite à la démission, provoquée par le parti Ennahdha, du chef du gouvernement et la réaction attendue de ce dernier qui n’a pas hésité à limoger les ministres de ce parti, Noureddine Taboubi, témoin de l’ultime rencontre entre le Président de la République, le chef du gouvernement démissionnaire et le président de l’ARP et président du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, a insisté hier sur les ondes de la radio privée Shems Fm sur la nécessité de changer le régime politique actuel à l’origine de la complexité et de la gravité de la situation dans laquelle le pays s’est enlisé.
Le poids du parti Ennahdha au Parlement ne lui permet plus de prendre le commandement et d’imposer son diktat aux autres partis et formations politiques comme au temps de la Troïka, ce qui a contribué, par ailleurs, à la fin d’un règne et la montée d’une nouvelle force centriste moderniste menée par feu Béji Caid Essebsi qui a relégué le parti islamiste au second plan en 2014. Les législatives de 2019 sont venues redonner espoir au parti islamiste à l’appétit d’ogre et qui compte aujourd’hui sur la coalition El-Karama et sur les services de l’ennemi d’hier, à savoir Qalb Tounès. Une liaison dangereuse qui en dit long sur la déroute du courant islamiste qui diabolisait toute éventuelle alliance avec ce parti. Toutefois, et comme l’a confirmé le président du parti Ennahdha, «il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis». En d’autres termes, en politique, tous les coups bas son permis, même sous la ceinture quand il s’agit de faire tomber un chef de gouvernement qui s’est démarqué du parti islamiste.
Dans son entretien diffusé sur les ondes de la radio privée en question, Taboubi a révélé que le président du parti Ennadha était bel et bien en possession du dossier relatif à la suspicion de conflit d’intérêts qui a précipité la chute du chef du gouvernement, mais il n’a pas jugé utile et opportun de l’évoquer au moment du vote de confiance à l’ARP. «Pourquoi n’a-t-il pas révélé les soupçons d’accusation qui pesaient sur Elyes Fakhfakh» ? S’est demandé le secrétaire général de l’Ugtt. «Que du temps perdu», regrette-t-il. «Mais il va sans dire que son éviction était déjà programmée et que le chef du gouvernement endossait une part de responsabilité et a contribué à sa propre chute».
Noureddine Taboubi a pointé du doigt les conflits, les tiraillements et les rapports polarisés entre les partis politiques qui ont fait que le pays régresse d’une année à l’autre depuis une dizaine d’années. «Il faut se mettre à l’évidence que le toit s’est effondré et la situation est très difficile à tous les niveaux comme en témoigne l’augmentation du taux de chômage et de la pauvreté», s’est encore exprimé le secrétaire général de la centrale syndicale.
Œuvrer en faveur de l’intérêt général du pays
Taboubi affirme qu’aucun gouvernement ne pourra mener le pays à bon port en raison du système politique en place qui a montré ses limites. L’impact de la pandémie du coronavirus sur l’économie mondiale n’a fait que rendre les choses encore plus difficiles et la situation ingérable sur tous les plans. Ceci sans oublier les alertes autour d’un éventuel retour de la pandémie l’hiver prochain, ce qui est de nature à donner le coup de grâce pour certains pays empêtrés dans la sempiternelle crise politique.
«Au moment où le pays s’engouffre de plus en plus dans la crise, la course aux postes ministériels et la lutte pour renforcer le positionnement des partis sur la scène politique battent leur plein. C’est là où le bât blesse. Pourquoi sommes-nous arrivés à cette situation ? C’est en raison du système politique en place défaillant qui ne permet pas l’émergence d’une équipe homogène pour gouverner le pays dans un climat d’entente et de symbiose. Le problème crucial réside au niveau d’un système politique adopté au niveau due l’Assemblée nationale constituante».
Aujourd’hui, il est temps de laisser le peuple trancher sur cette question par le biais d’un référendum, préconise Noureddine Taboubi. Une solution qui n’est pas de nature à plaire à certains adeptes des machinations politiques. Les composantes de la société civile imprégnées de démocratie, de liberté et des principes de la Révolution sont devant une responsabilité historique et sont placées devant le devoir d’exercer des pressions, de manière encadrée et bien organisée, en vue de modifier certains choix pour l’intérêt national du pays.
C’est la situation sécuritaire aussi qui est préoccupante, souligne Taboubi à la même source, reprenant à cette occasion ses anciens propos concernant notamment la présence d’éléments actifs relevant des services d’intelligence étrangers, l’assassinat de l’ingénieur Mohamed Zouari à Sfax, ainsi que ceux des deux martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, sans oublier les cellules dormantes, comme s’il redoutait en ces temps de confusion, un autre assassinat politique ou un acte terroriste qui ne fera qu’enfoncer encore plus dans le chaos.