Accueil A la une Chokri Bouzayène–président du festival de la chanson tunisienne à la presse: La chanson tunisienne doit perdurer

Chokri Bouzayène–président du festival de la chanson tunisienne à la presse: La chanson tunisienne doit perdurer

Le festival de la chanson tunisienne, après une longue absence, sera de retour pour l’année 2021. Sa vingtième édition est une édition de reprise. Entretien avec l’artiste Chokri Bouzayène, le président de cette édition qui promet d’être différente.

Pourquoi le festival de la chanson tunisienne est-il de retour aujourd’hui ?
Parce que c’est un grand acquis pour le milieu de la chanson tunisienne. Je rappelle que les festivals destinés à la chanson tunisienne ont commencé depuis les années 1970. Je citerai le festival de Saliha ou celui de Ali Riahi. C’étaient des évènements sporadiques mais ils ont donné l’idée de créer un festival de la musique tunisienne à une époque qui a enfanté de grands noms. C’était une époque aussi où la chanson populaire se taillait la part du lion. Parmi ces noms il y avait Azzedine Ayachi, Fethi Zgonda, Hammadi Ben Othmane, Abdelkrim Shabou, Adnene Chaouachi, Mohamed Guarfi entre autres. En 1986 il y a eu la première édition du festival, de la chanson tunisienne.
Avec le succès de ce festival, le montant des prix a augmenté bien entendu et les problèmes ont commencé au niveau des commissions et de leur jugement qui «faisaient une fleur» à telle partie ou à une autre : compositeur ou chanteur parfois soutenus et recommandés. A cette époque, la bonne volonté et l’esprit du festival ont commencé à s’effriter. Pour ces raisons, le festival n’a plus eu lieu depuis 2009. Cela dit, il a laissé un grand vide au cœur de la chanson tunisienne et a donné un champ libre à plusieurs genres qui, théoriquement, ne représentent pas la chanson tunisienne à mon sens.

Depuis quel moment de l’histoire peut-on parler de chanson tunisienne ?
C’est une chaîne qui a commencé avec Ahmed El Ouafi (qui a fondé l’Ecole des compositeurs à Tunis au début du siècle dernier) pour s’étendre jusqu’à la fin des années 1980 et début de l’année 1990. Dans cette chaîne, la chanson tunisienne se distingue par son texte et par sa «couleur» et sa composition.

Vous ne trouvez pas que la chanson tunisienne s’est diluée dans tout ce fatras de genres nouveaux, entre autres le Rap et le Mezoued (avec ses nouveaux rythmes) et la musique word ? Ce genre de musiques nouvelles a tout envahi…

Oui mais il y a des raisons pour que ces nouveaux genres envahissent tout…Tout simplement parce qu’il y a du business et des sponsors derrière tout ca…. Une machine bien rodée qu’on ne retrouve pas derrière la chanson tunisienne. Comme tout le monde le sait il y a des radios et des télévisons qui ont signé des contrats avec des productions étrangères pour ne passer que leurs musiques… Mais une belle et fluide chanson demeure sans concurrent et n’a pas de date de péremption à mon sens. Je voudrais tout de même préciser que nous ne sommes pas contre les autres genres musicaux. Mais on est là pour la relance de la chanson tunisienne pour rappeler qu’elle existe et continue à avoir son public. A l’époque où je chantais «Jorhi» en 1986, Hédi Habouba détenait les records de vente et pourtant «Jorhi» (ma blessure) a eu du succès parce que c’est une chanson composée sur le «Makam al asbaïn» qui était nouveau à cette époque. Aujourd’hui j’attends de nouveaux talents qui vont redonner un nouveau souffle à notre chanson.

Ce festival ne risque-t-il pas de tomber dans la nostalgie ?
Non, bien entendu ! Il y a une nouvelle génération de créateurs dans la chanson tunisienne et c’est avec ces nouveaux talents qu’on va faire ce festival. Ces dernières années plusieurs conservatoires de musique ont été créés à travers la République et il y a beaucoup de passionnés et de belles voix qu’on n’a pas encore entendus. Le festival va leur offrir un espace pour mettre en valeur leur talent.

Pensez-vous que les jeunes artistes sont attirés par la chanson tunisienne ?
Oui et il y en a qui chantent du tunisien ! Malheureusement c’est le côté création qui leur manque et on les retrouve souvent dans des reprises des chansons du patrimoine. Alors que les compositeurs existent. La réalité aujourd’hui c’est que le milieu de la chanson tunisienne s’est effrité et on a assiste à l’émergence de nouveaux genres musicaux mais cela ne veut pas dire que c’est la fin de la chanson tunisienne.

Tout comme l’équipe nationale de 1978 pour le foot, la chanson tunisienne a eu son heure de gloire et puis elle est restée sous perfusion. Pourquoi selon vous ?
C’est le business qui a tout changé ! Que ce soit pour le sport ou pour la chanson. Bien que les talents tunisiens, textes, voix et compositions existent, mais cela n’est pas mis en valeur par les stations radios et les télés privées qui ont signé des contrats avec des producteurs du genre Rotana… Bien entendu ce sont des stations privées, on ne peut rien leur imposer. Et tel que les choses se présentent, il est évident que nous ne pouvons pas faire le poids devant cette machine à business… Nous œuvrons, de notre côté pour imposer un quota pour la chanson tunisienne.

 

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