Au sein du Parlement, l’irréparable qu’on craignait tant s’est enfin produit. Avec les agressions physiques mutuelles entre les députés nahdhaouis et destouriens, l’expérience démocratique tunisienne, qui résiste encore aux pressions de son environnement régional hostile, risque de connaître le même sort que les autres pays du printemps arabe.
On attendait que les députés d’Ennahdha et leurs homologues du Parti destourien libre (PDL) passent des insultes mutuelles, des accusations de traitrise et d’intelligence avec des parties étrangères et des invectives verbales où les destouriens et les nahdhaouis rappellent les uns aux autres leur passé et leurs pratiques d’antan, à la violence physique en ce sens que les uns agressent les autres et que ce comportement inacceptable a abouti au transfert à l’hôpital et aux cliniques des victimes d’actes d’agression.
Maintenant, c’est fait. Hier, l’hémicycle a enregistré une première dans l’histoire de l’action parlementaire tunisienne: deux députés, Mejdi Boudhina (PDL) et Saïd Ferjani (Ennahdha), se sont agressés mutuellement, causant des dégâts corporels l’un à l’autre.
Mejdi Boudhina et ses collègues du PDL conduits par Abir Moussi, députée et présidente du parti, assurent : «Mejdi Boudhina a été attaqué par Saïed Ferjani qui lui a jeté une chaise, ce qui lui a causé une fracture à la jambe. Il a été transféré à une clinique privée pour recevoir les soins requis».
Quant à Ennahdha, ses députés, conduits par l’élue Yamina Zoghlami, soulignent que Saïed Ferjani a été agressé par Mejdi Boudhina au niveau de l’épaule où il a été déjà opéré.
Il a posté un statut sur Facebook indiquant que Majdi Boudhina l’a agressé, lui causant une contusion au niveau de son épaule déjà opérée auparavant.
Les faits sont donc là et l’irréparable qu’on redoutait depuis l’ouverture de la présente session parlementaire s’est, enfin, produit.
Maintenant, on n’est plus au constat, comme l’a fait remarquer Yamina Zoghlami, selon qui «cela arrive partout dans tous les parlements». On n’est plus également aux écarts de langage, œuvre des élus d’Al Karama considérant Abir Moussi et ses lieutenants comme des faschistes ou des anti-révolutionnaires qui glorifient et blanchissent le président déchu et qui doivent être interdits de parole, voire expulsés du Parlement de la révolution.
On n’est plus également aux phrases assassines de Fayçal Tebbini qui a pris l’habitude de prendre ses illusions et ses rêves pour des vérités et d’accuser tout le monde, sans preuve en premier lieu les nahdhaouis de corruption et d’implication dans les manipulations les plus sordides.
On n’est plus aussi aux accusations gratuites de Samia Abbou qui a habitué ses collègues et l’opinion publique à ses diatribes anticorruption interminables visant pratiquement l’ensemble des acteurs du paysage politique national, plus particulièrement «les députés qui ont trouvé au Parlement le refuge idéal pour échapper à la justice».
Maintenant, on promet la Mornaguia à ses collègues
Aujourd’hui, on a passé la vitesse supérieure et avec les agressions physiques et la violence, nos députés ont sauté le pas et promettent, désormais, de tout faire pour s’envoyer les uns les autres à la Mornaguia, c’est-à-dire en prison.
Ainsi, Seïfeddine Makhlouf, président de la coalition Al Karama, appelle-t-il à lever l’immunité parlementaire dont bénéficie Abir Moussi, considérant qu’elle est coupable de crime commis en flagrant délit en entravant le déroulement normal des travaux du Parlement, du fait du sit-in qu’elle observe, au palais du Bardo, en compagnie des députés de son parti, depuis plus de dix jours.
Mais au-delà des injures qui pullulent sur les pages Facebook, des déclarations appuyées de fausses vidéos produites par certaines députées prétendant être agressées physiquement par «les faschistes destouriennes» et au-delà de l’intervention du chef de la police judiciaire pour «constater qu’Abir Moussi entrave effectivement le déroulement normal des travaux de l’ARP et empêche ses collègues d’accomplir leur mission de députés du peuple, c’est bien la piètre image que nos députés offrent à l’opinion publique nationale et internationale qu’il importe de dénoncer.
Car, en faisant de l’hémicycle une arène d’invectives, d’injures et d’agressions physiques, les députés risquent d’asséner le coup mortel à la jeune expérience démocratique nationale qui évolue dans un environnement régional hostile où nombreux sont ceux qui font tout pour que le processus démocratique national échoue et pour que la révolution du 14 Janvier connaisse le même sort que celles des autres pays du printemps arabe.
Photo : Abdelfattah Belaïd
David Kacem
22 juillet 2020 à 12:21
Les Arabes se sont mis d’accord à « Ne jamais se mettre d’accord » et les Islamistes se sont mis d’accord à « se venger à tout prix »! ? ?