A 53 ans, Néjib Ben Khalfallah nous quitte, il est resté débout et digne jusqu’à la fin. Entouré des siens. Un départ de plus d’un artiste fait mal dans ce pays où il reste très peu de place au rêve.
Nous l’avons connu dans tous ses états, euphorique, enthousiaste, mélancolique, heureux, en colère, abattu mais toujours rêveur… et pourtant, Néjib Ben Khalfallah n’a jamais quitté son rêve des yeux, une lueur qui l’a toujours guidé tout au long de sa vie… Il fait partie de la génération qui a tracé une voie dans la création chorégraphique, en puisant de ses aînés, en portant un imaginaire collectif et personnel.
Nejib Ben Khalfallah commence la danse en 1984 et intègre l’atelier de danse contemporaine créé par le danseur et chorégraphe tunisien Imed Jemâa. En 1992, il participe avec ce dernier à la création chorégraphique Nuit blanche qui remporte le premier prix du Festival de Bagnolet.
Tout au long de son parcours, il a apporté de son énergie et de sa sensibilité à plusieurs créations chorégraphiques et théâtrales. Au Ballet national avec Nawel Skandrani, auprès de notre regrettée Raja Ben Ammar et de Moncef Sayem au théâtre Phou, avec Imen Smaoui en partageant ses projets, au Centre d’art dramatique de Médenine avec Anouar Chaâfi, à l’Opéra du Caire avec Walid Aouni, à El Teatro aussi avec Taoufik Jebali, au Pole danse avec Nesrine Chaâbouni, Sihem Belkhodja, Imed Jemaa et Karim Touwayma et toute la nouvelle génération.
Pour lui, la danse est un sacerdoce et une transmission, il a offert son savoir-faire et son expérience pour la formation et l’enseignement de son art à de jeunes artistes, il leurs apprenait l’importance du corps comme outil de travail, la scène comme espace de création et la générosité de l’âme comme voie. Il a ouvert les yeux à des danseuses et danseurs, les a guidés dans leurs projets et motivé leur envie de s’affirmer.
Il a pu aussi réaliser quelques-uns de ces projets, des œuvres qui lui ressemblent, techniques, fortes, poignantes et fragiles à l’extrême : Métamorphose, Nwèh w Zgharid, Pas encore, Trisa, No Comment, Mnema, Mhayer Sika, Falsou, Fause couche…
Les déboires de sa vie en font de lui l’être qu’il est : tenace, sensible et fort de l’amour de ceux qui l’entourent.
Le cancer qu’il traîne depuis des années ne l’a pas fait fléchir, son combat est devenu encore plus poignant, il se battait sur plusieurs fronts : contre la maladie tenace qui refuse de lâcher prise, contre l’ingratitude d’un système qui ne croit en les rêves, contre un métier qui a du mal à s’organiser, contre la précarité du statut d’artiste en Tunisie, contre l’envie ravageuse qui le pousse à tout abandonner pour mener une vie « paisible » sans passion.
Mais il est resté toujours volontaire, fonçant tête baissée dans tout projet qui le titille. Théâtre, cinéma et danse, il se lançait dans chaque aventure qui pouvait plus apporter du nouveau.
53 ans, c’est trop tôt pour partir, trop tôt pour interrompre un parcours, toi qui n’as jamais baissé les bras, Néjib, poursuis ton rêve là où tu seras et suis les paroles de ton idole Pina Bausch qui disait : «Dansez, sinon nous sommes perdus», écoute-la, et continue à danser pour que rien ne soit perdu !
Liberte
24 juillet 2020 à 12:09
C’est toujours les meilleurs qui partent les premiers, j’aurais préféré TRUMP.
Kamel Chaabouni
24 juillet 2020 à 13:46
Que dieu ait son âme. Condoléances à sa famille et à ses proches etaet à ses amis.
J’en profite pour dire toute ma gratitude et ma reconnaissance aux artistes et intellectuels de notre pays qui souffrent dans leur âme et dans leur porte-monnaie du peu d’intérêt que l’État leur accorde.
Il faudrait que le budget national consacre au minimum 5 % du PIB pour la culture et 5 % pour la recherche scientifique. Voilà les deux piliers de toute civilisation.