Après Abdessalem Younsi et Abdessalem Saidani, est venu le tour du président du FC Hammamet, Ahmed Chaabani, d’avoir des démêlés avec la justice.
Des présidents de clubs de football derrière les barreaux : voilà une spécificité bien propre au football tunisien. Une autre caractéristique désolante qui s’ajoute à une longue, voire une interminable liste de problèmes et d’insuffisances qui rongent notre football.
Il y a d’abord l’infrastructure qui se trouve dans un état délabré. Aucun stade de football tunisien n’est homologué par la CAF. Ce qui explique pourquoi la tutelle s’est empressée de faire des travaux au Stade olympique de Radès pour pallier ses insuffisances. Pour information, le Stade de Radès peut être homologué par la CAF, mais sous réserves. Les travaux décidés dans l’urgence par la tutelle sont indispensables pour rendre, ce qui était censé être un joyau du football tunisien, un stade homologué à l’échelle internationale.
On en est arrivé là !
La Tunisie, qui a organisé les Jeux méditerranéens de 2001 et les phases finales de la CAN de 1994 et de 2004, se trouve aujourd’hui en 2020 avec des stades non homologués, sachant que le Stade Taieb Mhiri de Sfax et le Stade Mustapha Ben Jannet de Monastir, qui ont abrité des matches de la CAN 2004, ont été radiés définitivement de la liste des stades homologués par la CAF.
Eh oui on en est arrivé là ! La Tunisie qui a émerveillé le monde par sa révolution de 2011 s’est rétrogradée dans bien de domaines, particulièrement en sport. Le football n’a pas malheureusement dérogé à la règle. Même les grands clubs se trouvent aujourd’hui en butte à des difficultés financières, exception faite de l’Espérance de Tunis.
Le Club Africain se trouve dans une situation financièrement catastrophique alors que le 4 octobre prochain il fêtera son centenaire. Son président, Abdesselam Younsi, a eu des démêlés avec la justice à cause de chèques impayés. Idem pour Abdessalem Saidani le président du CAB.
A chaque fois, la FTF est venue à la rescousse de ces présidents de clubs qui n’auraient sans doute pas imaginé risquer d’avoir les mains menottées à cause de leurs responsabilités sportives.
Aujourd’hui, présider un club de football en Tunisie peut-il conduire tout droit derrière les barreaux ? Cela en a tout l’air. Abdessalem Saidani a été condamné à 17 ans de prison avec sursis pour avoir émis quatre chèques sans provision d’une valeur totale de 66 000 dinars. Abdessalem Younsi, lui, a écopé de 15 ans de prison ferme dans trois affaires de chèques sans provisions.
Avant-hier, un autre président de club a été interpellé par la justice pour des faits similaires. Il s’agit du président du FC Hammamet, Ahmed Chaabani, arrêté pour avoir émis des chèques rejetés par la banque pour provisions insuffisantes. La FTF tente de trouver une issue de secours au président du FC Hammamet comme elle l’a fait avec les présidents du CA et du CAB. Est-ce bien son rôle ? Sans doute pas. Mais doit-elle laisser des présidents de clubs de foot, bénévoles de surcroit, abandonnés à leurs propres sorts ? La réponse est sans aucun doute non. Mais ce n’est jamais la bonne solution pour faire sortir nos clubs du gouffre financier dans lequel ils se trouvent.
Dans le viseur de la Fifa
La réputation financière de nos clubs a dépassé les frontières. Au fait, on ne compte plus les plaintes déposées contre nos clubs auprès de l’Instance internationale de football. La Fifa n’a pas hésité ces dernières années à interdire le Club Africain, le Club Sportif Sfaxien et tout dernièrement l’Avenir Sportif de Gabès de recrutement pour un certain temps à cause de plaintes déposées par d’anciens joueurs ou entraîneurs qui avaient réclamé leurs dus et qui ont été obligés de solliciter la Fifa comme dernier recours.
Pour rappel, l’Etoile du Sahel (plus de 51 millions de dinars de dettes) est également dans le viseur de l’Instance internationale de football dans le cadre de l’affaire Souleymane Coulibaly.
Bref, nous en avons vu de toutes les couleurs ces dernières années. Le huis clos est devenu une habitude chez nous à cause de la violence qui sévit dans nos stades. Des clubs de football endettés jusqu’au cou et qui n’arrivent pas à sortir du tunnel. La raison est simple : le paradoxe juridique qui ronge notre football. Des clubs censés être professionnels alors que les textes des lois disent le contraire puisqu’ils sont toujours régis par la loi de 1959 qui définit les clubs de foot comme associations sportives à but non lucratif.
De plus, la plupart de nos clubs vivent au-dessus de leurs moyens. Des présidents qui signent pour des contrats colossaux sans tenir compte des capacités réelles de leurs clubs. Au bout d’un certain temps, ils se trouvent dans l’incapacité d’honorer leurs engagements financiers. Des présidents qui n’hésitent pas à signer des chèques sans provisions ?!
Il est temps que la tutelle prenne ses responsabilités et revoit les règlements qui régissent notre sport en général et notre football en particulier. Il est temps de professionnaliser notre football dans les textes pour que des sociétés sportives voient le jour. Enfin, il est temps que notre football devienne tout simplement professionnel.