L’Institut national de la statistique (INS), en collaboration avec IFC (membre du Groupe de la Banque mondiale), a lancé une enquête, qui s’est déroulée entre les mois de mai et juin 2020, pour évaluer l’impact du Covid-19 sur le secteur privé, dont les résultats ont été publiés au mois de juillet dernier.
Cette enquête a permis d’interroger les entreprises tunisiennes sur plusieurs thématiques dont leur état de fonctionnement pendant la pandémie de Covid-19, l’évolution des facteurs impactant leurs activités, les mesures prises pour faire face à la crise, les mécanismes d’ajustement mis en place, la durabilité des activités, l’existence et l’utilisation des Plans de continuité d’Activité (PCA) ainsi que les attentes et les incertitudes de ces entreprises.
L’enquête a touché 2.500 entreprises du secteur privé. De même, tous les secteurs clés de l’économie tunisienne ont été intégrés afin d’identifier les secteurs à risque. Jusqu’au 30 juin 2020, le secteur privé a subi des perturbations sérieuses liées à la pandémie du Covid-19, mais la plupart des entreprises sont rouvertes. En effet, 88,7% des entreprises étaient ouvertes : 24,5% des établissements sont restés ouverts sans interruption et 64,2% des entreprises ont rouvert après une interruption. L’enquête indique également que 10,8% des entreprises étaient temporairement fermées : 8,1% sur décision de l’entreprise et 2,7 % sur celle du gouvernement. 0,4% des entreprises étaient définitivement fermées : 0,3% à cause du Covid-19 et 0,1% pour d’autres raisons.
Les entreprises exerçant dans les secteurs de la santé, les TICs, les industries chimiques et pharmaceutiques ont été moins touchées par les fermetures. Par contre, les micro-entreprises et les PMEs ont été plus nombreuses à avoir fermé pendant le confinement avec respectivement 27,7% et 40,2% des établissements qui ont travaillé pendant le mois d’avril contre 58,9% pour les grandes entreprises.
Par ailleurs, 81% des entreprises exportatrices étaient concernées par des fermetures temporaires contre 75% des entreprises non-exportatrices. Mais, à la fin du mois de juin, 91% des entreprises exportatrices étaient ouvertes contre 86% pour les non-exportatrices.
Selon la même source, 54,3% des entreprises déclarent risquer la fermeture ou sont incertains dans les conditions actuelles. 74,2% de ces entreprises exercent dans les secteurs de l’hébergement, la restauration et les cafés. Mais moins de la moitié d’entre elles affirment pouvoir maintenir leur activité au-delà de 12 mois.
Impact sur les ventes
D’après les indicateurs affichés dans cette enquête, 88,8% des entreprises ont subi une baisse de leur chiffre d’affaires tandis que 6,3% et seulement 2,2% ont enregistré une augmentation.
Concernant les ventes, les résultats de l’enquête montrent qu’il n’y a pas de différences majeures entre les secteurs sauf pour les industries chimiques et pharma avec 14,8% des entreprises qui ont enregistré une augmentation des ventes. Et ce sont les entreprises exportatrices qui sont plus nombreuses à enregistrer une baisse de leurs ventes : 93,3% contre 88,8% pour les entreprises non-exportatrices.
Autres indicateurs : 75,1% des entreprises qui sont restées ouvertes sans interruption ont subi une baisse de leurs ventes contre 93,1% pour les entreprises qui ont rouvert après interruption. « La baisse moyenne des ventes au cours du mois d’avril a été plus importante pour les petites et micro-entreprises ».
Ajustements
S’agissant du secteur de l’emploi au cours du mois d’avril 2020, « la crise du Covid-19 a eu une incidence limitée sur l’emploi formel : la plupart des ajustements étaient des congés temporaires et des réductions de salaire. En effet, 50,1% des entreprises n’ont pas effectué d’ajustements, 18,7% ont procédé à des congés avec salaire, 9,6% des congés sans salaires. 11,5% des entreprises ont procédé à des réductions de salaire et 4,3% à des réductions d’heures. Finalement, seules 4,5% des entreprises ont eu recours à des licenciements et 1,2% à des recrutements ».
Le secteur du bâtiment et celui des industries mécaniques et électroniques sont ceux qui ont effectué le plus d’ajustements liés à l’emploi. En outre, les entreprises exportatrices ainsi que les PME et les grandes entreprises ont davantage procédé à des ajustements liés à l’emploi.
Gestion de la crise
La politique de soutien de l’Etat la plus souhaitée par les entreprises touchées par la crise du Covid-19 renferme des exonérations/ réductions d’impôt (43,7%), des injections directes de liquidité (40,7%), et les reports d’impôts (36,6%). « Ces mesures sont les plus appréciées par les firmes quel que soient leur âge et leur taille. Toutefois, au niveau sectoriel, l’industrie du bâtiment montre que les entreprises mettent les prêts à taux subventionnés en tête des mesures (61,4%) dont elles ont le plus besoin ».
Par ailleurs, les entreprises exportatrices incluent également les prêts à taux subventionnés au premier rang des mesures dont elles ont le plus besoin, devant les injections directes de liquidité classées en 4e position.
Au total, moins de 10% des entreprises déclarent avoir bénéficié des mesures gouvernementales. Ce pourcentage augmente fortement en fonction de la taille de l’entreprise (48,8% pour les grandes entreprises vs 9,2%pour les micros).
L’enquête révèle que la proportion des entreprises déclarant avoir bénéficié des mesures gouvernementales est 3 fois plus grande pour les entreprises exportatrices (28,0% et 9,4% pour les entreprises non exportatrices). « Cette proportion varie entre les secteurs : 23,6% pour le secteur du bâtiment contre seulement 4,0% pour les entreprises TIC. Par contre, plus de 37,9% des entreprises déclarent ne pas avoir pu bénéficier du soutien gouvernemental malgré leurs demandes et près d’un quart de ces entreprises n’ont pas souhaité bénéficier de ces mesures mécanismes d’ajustement des entreprises ». Sachant que les mécanismes d’ajustement des entreprises ont porté principalement sur la digitalisation: 12,5% des entreprises ont augmenté leur présence en ligne pour faire face à la crise du Covid.
De même, « les secteurs de l’industrie mécanique et électronique, des TIC et du bâtiment ont été les plus susceptibles à s’adapter au contexte en augmentant leur utilisation des plateformes numériques. Toutefois, il apparaît que les micro-entreprises et les entreprises non-exportatrices ont été probablement les moins en mesure de s’adapter au contexte en augmentant l’usage des plateformes numériques ».
Les entreprises ont augmenté leur utilisation des TICs principalement pour les tâches administratives (60,9%) et pour le travail à distance (44,5%), loin derrière les moyens de paiement (19,5%) ou encore les ventes (10,1%). « La digitalisation des tâches administratives a été utilisée par les entreprises du secteur de la santé (90,1%) et celles de l’industrie chimique et pharmaceutique (86,2%) ».
Dans le secteur du commerce, l’utilisation d’internet est plus diversifiée : avec plus de 20% des entreprises ayant fait des ajustements pour la vente, le marketing et les modes de paiement.
Résilience, durabilité et attentes
En matière de résilience et durabilité des activités, l’enquête montre que seulement 13,3% des entreprises déclarent disposer d’un plan de continuité des activités. Alors que 25,4% des grandes entreprises disposent d’un plan de continuité des activités. Les secteurs des TICS (23,0%), les industries mécaniques et électroniques (22,2%) suivi des services divers (20,1%) disposent d’un plan de continuité des activités. « Le télétravail est la mesure la plus intégrée dans les plans de continuité des activités (pour 26% des entreprises). Selon les secteurs, le télétravail a été inclus dans 59,7% des entreprises du secteur des nouvelles technologies qui ont un plan de continuité des activités, contre des proportions très faibles dans les secteurs de la santé et des industries chimiques et pharmaceutiques ».
Globalement, les entreprises tunisiennes sont modérément optimistes pour les 3 prochains mois en ce qui concerne l’emploi, l’investissement, les recettes…