Depuis une décennie et jusqu’à aujourd’hui, la situation socioéconomique de la Tunisie est de plus en plus préoccupante.
D’importantes tensions et pressions ont provoqué la quasi- paralysie de l’activité économique de la Tunisie et dans le monde durant le premier semestre de l’année, en relation avec les mesures de confinement prises pour faire face à la propagation du Covid-19. Et, à peine sorti de la crise sanitaire, le pays se trouve, de nouveau, plongé dans une grave crise politique et une seconde vague de la pandémie Covid-19, freinant tous les efforts déployés pour préserver le tissu économique du pays et pour préparer les conditions de la relance de la croissance.
Dans cette étape critique, la Tunisie est appelée à engager un débat économique profond permettant d’identifier les urgences économiques en les dissociant des urgences politiques. C’est dans l’urgence qu’il faudrait examiner aujourd’hui les retombées de la crise sanitaire et la chute qui en a résulté, partout dans le monde, aussi de la production, des revenus, que de la consommation et de l’investissement.
Jusqu’à fin juin 2020, les indicateurs révèlent une baisse de la production globale tunisienne, une forte contraction du commerce extérieur, un effondrement des recettes touristiques, concomitamment à de fortes tensions au niveau des finances publiques. «Les seuls bémols qui méritent, à ce niveau, d’être signalés, concernent le succès significatif enregistré dans la lutte contre le Covid-19, le degré des réserves de change qui se maintient à fin juin à un niveau relativement confortable, représentant 130 jours d’importations, ainsi que le redressement relatif du dinar par rapport aux principales devises étrangères», précise le Forum Ibn-Khaldoun pour le développement.
L’économie sort affaiblie
Et d’ajouter que «rien ne laisse présager, à ce stade, un redressement significatif du paysage socioéconomique pour le reste de l’année. Il faudra plutôt s’attendre à de nouvelles aggravations à la lumière, d’une part, de la sévère récession que connaît l’économie mondiale, la plus grave depuis 1929, d’autre part, des derniers développements de la situation politique de la Tunisie, avec notamment la démission le 15 juillet du gouvernement et l’exacerbation des incertitudes, des tiraillements politiques et des tensions sociales qui l’ont précédé et succédé, à un moment où l’économie tunisienne sort considérablement affaiblie par la grave crise sanitaire qu’elle a dû affronter et dont les effets sont encore loin d’être totalement enrayés».
Augmentation de la demande additionnelle
Le marché de l’emploi, en l’occurrence, qui connaît un ralentissement depuis 2011, serait confronté à de graves déséquilibres, sources de tensions et d’instabilité après la crise sanitaire. En effet, au cours du deuxième trimestre 2020, le taux de chômage s’est stabilisé, malgré l’important sureffectif du secteur public, aux alentours de 15%.
«Cette situation est appelée, cependant, à la lumière de l’aggravation de la récession durant le second trimestre et le reste de l’année, à subir de profonds changements sous le double effet de l’augmentation de la demande additionnelle résultant du retour d’une partie des travailleurs tunisiens à l’étranger dont il est attendu la rupture de leur contrat de travail ou de son non renouvellement, compte tenu des perspectives de récession dans la plupart des pays d’accueil et/ou des conditions sanitaires qui y prévalent».
Le forum identifie, également, la forte réduction de l’offre d’emplois en relation avec les problèmes de trésorerie auxquels se trouvent confrontées de nombreuses entreprises tunisiennes, d’une part, de la baisse de la demande aussi bien intérieure qu’extérieure. «Des centaines d’entreprises sont, d’ores et déjà, acculées à recourir au chômage partiel dans l’espoir qu’une reprise prochaine de la demande leur permette de retrouver leur rythme de croisière».
Les prévisions publiées dans le rapport élaboré conjointement par le ministère du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale et le Pnud tablent sur une forte aggravation du chômage avec un taux pouvant passer de 15.2 à 21.6%, dépassant de près de 3 points de pourcentage le niveau de 2011 (18.6%), «ce qui ferait basculer près de 475.000 personnes dans la pauvreté, et partant porterait le taux de pauvreté à 19.2 contre 15.2%».
Contraction de l’investissement
La tendance à la baisse de l’investissement risque de s’accentuer dans cette période d’attentisme. La baisse des importations de biens d’équipement observée au cours du premier trimestre (- 14% du dinar constant par rapport à l’euro) s’accentue durant le second trimestre avec une baisse en dinars constants de 42%. Les baisses, touchant de nombreux secteurs, se sont fortement accentuées entre le premier et le second trimestre de l’année en cours.
Par ailleurs, une baisse des IDE de l’ordre de 15% en dinars constants par rapport à l’euro est observée durant les 5 premiers mois de l’année malgré la légère reprise des investissements dans le forage et l’exploration des hydrocarbures.
Pour le reste de l’année, le forum indique que « les données laissent présager une forte contraction de l’investissement à la lumière de la révision à la baisse des programmes d’investissement des entreprises sous l’effet de la diminution de la demande finale intérieure et extérieure».
D’après le rapport conjoint Mdici-Pnud consacré à l’impact économique de Covid-19 en Tunisie, une baisse de l’investissement en volume de 8% est prévue en 2020.