Par maître Ladeb Mohamed Laïd*
Avec tout le respect que je vous dois en tant que Président de la République et en tant qu’ancien collègue puisque j’étais assistant à l’ENA, à l’ISG du Bardo et à l’Académie militaire de Fondouk Jedid à Grombalia, permettez-mois, Monsieur le Président de la République, de vous dire que ce que vous avez avancé lors de la fête de la Femme quant à la question de l’inégalité successorale entre la femme et l’homme nous a tous et toutes étonnés vu votre attachement inébranlable au sens de la justice et au respect du droit.
En tant qu’anciens étudiants de la faculté de Droit et des Sciences piolitiques et économiques de Tunis, nous avons appris le droit musulman par les soins de notre collègue maître Hédi Kerrou — que Dieu le garde — et nous avons saisi les diverses contreverses doctrinales entre les différentes écoles théologiques des malékites, des hanafites et motazilites et surtout l’impact socio-géographique qu’a eu sur les chefs et doctrinaires de ces écoles dans l’élaboration de leurs doctrines respectives.
Cela dit, cette étude du droit musulman (une année, lors de la 1ère année de la licence de droit) ne nous permet pas, ni vous ni moi, de prétendre être des jurisconsultes ou fouqaha en la matière comme les Ben Achour père et fils, Tahar et Fadhel.
Alors que vous étiez en train de prononcer votre discours du 13 août 2020, le journal La Presse a eu l’amabilité de publier mon article que j’ai intitulé « Les droits de la femme sont les droits de l’homme », je vous invite cordialement à lire : l’égalité successorale entre la femme et l’homme est une nécessité historique, une opportunité «politique» ou «idéologique» (II), mais avant d’en arriver là, une définition du caractère civil de l’Etat tunisien, à la lumière de la Constitution tunisienne du 27/1/2014, s’impose (I).
I) Définition du caractère civil de l’Etat tunisien à la lumière de la Constitution du 27/1/2014
Personne ne peut occulter les longues et interminables discussions relatives au caractère de l’Etat tunisien civil ou religieux ou faut-il faire appel à la charia, tant de discours ont été prononcés et tant d’encre a coulé pour en arriver à une constante claire et définitive véhiculée par l’article 2 de la Constitution du 27/1/2014.
«La Tunisie est un Etat civil fondé sur la citoyenntée, la volonté du peuple et la primauté du droit. Pour insister sur ce caractère «sacremental» de la «civilité» de l’Etat, les rédacteurs de la Constitution ont ajouté dans un alinéa que le «présent article ne peut faire l’objet de révision».
Mais que veut-on dire par «caractère civil de l’Etat» ?
Le caractère civil de l’Etat veut dire qu’aucun militaire ne peut prétendre à la présidence de l’Etat, ni gouverner ni être élu, comme c’est le cas de l’Egypte depuis Jamel Abdennasser jusqu’à Sissi. Ce caractère civil interdit aussi aux religieux, aux fouqahas et aux ayatollahs de prétendre à sa présidence. Les discours religieux sont bannis. L’exemple type de ce genre d’Etat est l’Iran. Le budget de l’Etat, les discours publics et l’administration sont régis par le droit public positif. Même les réformes voulues, souhaitées ou entreprises doivent être régies par le droit et non par le religieux ou autres.
Depuis 2017, et sous l’égide de feu Béji Caïd Essebsi, la Tunisien essaie de résoudre la question épineuse de l’égalité successorale entre la femme et l’homme. L’on se souvient de la fameuse commission de Mme Bochra Belhaj Hmida et des écrits des grands penseurs tunisien qui se sont penchés sur la question. Nous y avons participé en langues arabe et en française.
Avec ses 93 ans accomplis, feu Béji Caïd Essebsi n’a pas perdu espoir de débarrasser le C.S.P. des velléités traditionalistes qui faisaient malheureusement de la femme l’«éternelle mineure» de l’Islam.
II) L’«égalité successorale de la femme et de l’homme est une nécessité historique, non une opportunité politique» ou «idéologique»
Depuis l’aube de l’indépendance et même avant, sous l’égide du «Combattant suprême» Habib Bourguiba, l’Etat tunisien a choisi sa voie, celle d’un Etat prometteur général de développement.
Ceci explique la guerre déclarée contre la misère, le sousdéveloppement et les inégalités sociales. Habib Bourguiba ne disait-il pas que nous avons terminé avec le petit jihad (la guerre de libération mentale) pour déclarer le grand jihad (la guerre contre le sous-développement, la misère et l’injustice).
Il n’a pas attendu que la question «mûrisse» pour libérer la femme du jong, de l’analphabétisme, des inégalités sociales et de l’immense égoïsme masculin.
Il a instauré le C.S.P. avec des réformes très courageuses: abolution de la polygamie, institution du divorce juridictionnel.
Avouons sincèrement que ni le climat du pays ne s’y apprêtait ni le «peuple» ne le demandait mais mû par une immense volonté réformatrice, il a misé sur l’avenir, sur l’histoire pour libérer son peuple du jong de l’immobilisme, de la fatalité et de l’injustice.
Enfin, permettez-moi, Monsieur le Président, de soumettre à votre haute attention ce beau texte de Paul Borel quant à son approche du développement qui consiste «dans la concrétisation d’un optimium» de données :
1- L’idée d’une culture de masse opposée à l’ancienne culture politique de l’élite qu’on rejette
2- Egalité politique, élévation du statut politique du peuple, fin des discrimination sociales, religieuses et régionales.
3- Egalité des sexes
4- Foi en les immenses possibilités du pays*
La Tunisie n’a-t-elle pas besoin de cette foi dans ses immenses possibilités soutenues par ses hommes et ses femmes, sans discrimination aucune ?
Enfin comme c’est promis au début de cette étude et sans abuser de la gentillesse des messieurs de La Presse, je vous soumets Monsieur le Président un petit passage de mon article publié le 13 août 2020 et qui me semble être une réponse à vos «arguments» avancés dans votre discours ci-dessus cité : «Le Code du statut personnel daté de 1956. Il faut remarquer que de nombreuses dispositions que contient ce code s’inspirent largement du Coran, notamment l’inégalité successorale. Beaucoup de légistes qui défendent cette inégalité prétendent entre autres qu’en matière successorale, le Coran est clair. Ils ont oublié que d’innombrables «autres» dispositions que véhicule le Coran, bien qu’elles soient claires, sont tombées dans l’oubli, dans la «désuétude».
De par les progrès réalisés par l’humanité, personne ne peut se prévaloir et appeler au retour de l’esclavage, ni à la lapidation des adultérins, ni aux peines corporelles infligées aux voleurs.
Quand le Coran a été révélé au Prophète Mohamed, les fillettes étaient ensevelies vivantes parce que considérées comme des «tares» et source de honte.
Il n’est pas de notre propos de parler des acquis qu’a donnés le Coran à la femme musulmane et qui étaient considérables. Mais l’évolution historique et les progrès énormes font de l’inégalité successorale entre la femme et l’homme un véritable handicap à l’accomplissement et à la réalisation de l’égalité de la femme et de l’homme énoncée par la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10/12/1948 et par la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et autres à laquelle la tunisie a adhéré le 13/12/1993 et surtout par la Constitution du 27/01/2014 dans son article 21 qui énonce, faut-il le rappeler, que «les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination. J’espère que vous serez d’accord avec cette idée qu’un Etat qui ne respecte pas les dispositions de droit contenues dans les traités auxquels il a adhéré ne peut pas être considéré comme tel Etat. Vous êtes le symbole de l’Etat, le garant de sa liberté et de son indépendance, mais vous pouvez être le «moteur» du développement global de ce pays.
Enfin, veuillez agréer Monsieur le Président l’expression de mes respects les plus sincères et de ma profonde estime.
* Paul Borel : Les trois révolutions du développement – Paris Ed. Eco et Humanisme, Ed. Ouvrières 1968 p. 203.
L.M.L
*Avocat à la Cour de cassation et ancien universitaire
Mabrouk Beji
20 août 2020 à 20:55
Beaucoup de blabla pour ne rien dire vous êtes nul et même trop nul vous essayez de nous dire que vous avez des études allez faire autre chose.
Sherlock Homss
21 août 2020 à 08:02
À force de vouloir ménager la chèvre et le chou, il risque de voir tout le monde se dresser contre lui..
Aghir
21 août 2020 à 15:42
Très bel article comme on aimerait pouvoir en lire plus souvent. Merci!