Hbib Mansouri, directeur du festival méditerranéen de la Goulette, à La Presse : «Tout est dans la frénésie de la consommation »

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Hbib Mansouri, homme de théâtre et directeur du Festival méditerranéen de La Goulette El Karraka, est à la tête d’un festival de renom qui survit malgré le contexte délicat actuel lié principalement au Covid-19. S’entourer d’une équipe compétente était primordial afin de tenir la cadence et continuer à entretenir l’image d’un festival qui répond à tous les goûts. Retour sur les dessous d’une édition pas comme les autres.

Cet été, le lancement du Festival méditerranéen de La Goulette El Karraka a pris du retard.  Avez-vous eu des difficultés ?

La principale était sans doute le Covid-19. Initialement, cette édition n’allait jamais voir le jour, mais on a tenu bon jusqu’au bout, et on s’est dit que cette 46e édition devait avoir lieu, même dans un autre format plus simplifié. Seulement, quand on a entamé les préparatifs, l’autre défi était qu’elle soit réussie malgré l’allègement de son format et de son contenu. Ce qui est arrivé. La programmation en dit long et elle répond au goût du public. Le 2e grand obstacle était lié au ministère des Affaires culturelles et cette transition entre l’ancien et le nouveau ministre qui n’a pas plaidé en notre faveur. D’autant plus que, financièrement, les problèmes pèsent toujours. A un moment, on s’est dit qu’on n’allait pas être soutenus. Autant d’obstacles qui ont fait qu’on a commencé en retard.

Comment avez-vous finalement innové cette 46e édition ?

Les ateliers de formation ont été maintenus. Avant, ils n’y étaient pas. Dont un atelier de « Théâtre mimique ». Une journée d’étude attendue est également programmée, elle évoquera « la charte professionnelle du théâtre ». Elle a lieu les 23 et 24 août à la municipalité de La Goulette. L’édition rend hommage à feu Jalila Amami, grande dame du théâtre et de la culture. Un hommage sera rendu à feu Najib Khalfallah qu’on a perdu récemment, sans oublier, le solo de Cyrine Chaabouni.

Quelles sont vos principales attentes cette année ?

On a envie qu’elle soit réussie comme toutes les précédentes éditions, et ce, malgré le contexte particulier. On est optimiste pour les ateliers et les activités prévus à la municipalité, entre autres, tout en restant vigilants afin d’appliquer le protocole sanitaire comme il faut pour préserver la santé des festivaliers. Les contrôles se passent bien, il n’y a pas eu de bémols ou de signalements jusqu’à présent, et c’est ce qui compte principalement.

Quels sont les principaux points faibles à améliorer pour un meilleur rendu de ce festival?

Le principal problème est strictement matériel. On n’est pas assez fourni en matière. Le soutien financier qu’on reçoit de la part de la municipalité et du ministère ne couvre même pas 5 ou 6 spectacles maximum. Les fournisseurs ou conseillers n’accordent pas de l’importance à la culture ou à la qualité de la manifestation, malheureusement, tout est dans la frénésie de la consommation. Ils veulent la quantité… que cela attire ou pas… peu importe l’artiste ou le spectacle programmé, même si la qualité fait défaut. La qualité des spectateurs s’est heureusement améliorée. Le public assiste davantage au théâtre. Ce sont des goûts après tout. Le théâtre commercial, comme Karim Gharbi ou Bassem Hamraoui, bat son plein. Wajiha Jandoubi ne fait pas du théâtre de consommation, d’après moi. Même dans la musique et chez les jeunes, je n’ai pas fait appel à des rappeurs, on a consacré un spectacle à DJ Costa. L’important, c’est qu’il n’y ait pas trop d’audace et que ça soit également des spectacles à la portée du grand public. On tient à s’ouvrir sur le monde aussi et à ce que ce festival soit international. Pour l’instant, il est national et méditerranéen. Et dans ce cas, on doit s’y prendre à l’avance.

Sur quels critères avez-vous établi la programmation ?

Depuis toujours, le festival de la Karraka consacre la part belle au théâtre. Depuis mon retour à la tête de ce festival, j’ai tenu à ce que le théâtre fasse toujours partie intégrante des spectacles. On n’est pas allé chercher des artistes qui n’ont pas une portée qualitative et culturelle importante. Ce qui compte pour nous, c’est que le spectacle soit à la hauteur, sans heurter le public. Un minimum est exigé.

Les jeunes ont-ils été impliqués cette année ?

On n’aurait rien pu faire sans eux. Des jeunes ont été présents dès le départ. Tout repose sur eux, et cette année, la plupart d’entre eux tiennent le festival. Notre principale ambition est la formation des jeunes organisateurs et du public. Une sorte d’éducation et d’initiation. Il faut penser à une passation qui doit être faite à des gens dignes de confiance et à la hauteur. On aura la conscience tranquille, et on s’assurera de la pérennité et de la durabilité de ce festival.

Hbib Mansouri, vous êtes un homme de théâtre initialement. Des projets futurs sont-ils en cours ? 

Un grand projet que je compte entamer juste après la fin de cette édition. Du théâtre-opéra, mais je n’en dirais pas davantage.

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