Villes fortement touchées par la Covid-19: Ce qu’il faut savoir sur la rentrée des établissements préscolaires

Le taux d’inscription des enfants en âge de fréquenter les jardins d’enfants, pour le compte de l’année scolaire 2020-2021, qui sera l’une des plus étranges rentrées de ce siècle, est très modeste, voire inexistant dans les gouvernorats de Gabès, Sousse et Kairouan. La raison, la recrudescence du coronavirus dans ces régions, ce qui présente une puissante source de démotivation pour les parents.

A quelques jours de la rentrée scolaire, prévue pour le 15 septembre, parents, enseignants et propriétaires de jardins d’enfants sont inquiets du plan de la Tunisie pour la gestion du coronavirus, bien que le pays ait mis en place, depuis le mois de juin dernier, un protocole sanitaire au profit des institutions de l’enfance (crèches, jardins d’enfants, garderies scolaires et centres intégrés de la jeunesse et de l’enfance).

Risque de mettre la clé sous la porte

Samira Ouanane, présidente de la Chambre régionale des jardins d’enfants et des crèches à Gabès, indique que les parents posent beaucoup de questions sur les conditions de sécurité de leurs enfants et se demandent si le coronavirus peut rebondir dans ces établissements et peut frapper de plein fouet les enfants à l’heure où l’épidémie de la Covid-19 rebondit désormais très sensiblement dans certaines régions dont la ville d’ El Hamma.

«Dans ce contexte particulier, entre le flux et le reflux, les parents se trouvent confrontés à cette redoutable question ; éduquer les enfants, certes, mais dans quelles conditions et avec quels risques ? Pour ce faire, et afin de protéger leurs enfants, les parents ont pris la décision de les retirer des établissements préscolaires. C’est déjà le cas actuellement à Gabès où le taux d’inscription des enfants est très modeste et en dessous de nos attentes. Les résultats d’une telle décision ne seront pas sans conséquence : la plupart des établissements auront de la peine à rouvrir et risquent de fermer définitivement leurs portes à cause des difficultés économiques et financières rencontrées par les propriétaires de ces établissements privés pour enfants pendant et après le confinement, mais aussi à cause de la négligence de l’Etat… Ici, il est important de souligner que le secteur des jardins d’enfants et des crèches est l’un des secteurs qui n’a pas reçu les renforts escomptés lors de la crise sanitaire liée à la Covid-19…Aujourd’hui, ce secteur n’a pas su s’organiser et il est plus que jamais temps que les autorités concernées prennent leurs responsabilités pour lui rendre toute sa dignité », explique Ouanane.

Elle ajoute que malgré cette situation non rassurante et malgré la pandémie, les professionnels du secteur dans la région ne comptent pas relâcher leurs efforts et continuent d’exercer. «On a stérilisé nos institutions, fourni au personnel et au cadre éducatif des masques qui assureront la sécurité des enfants, renforcé le suivi et le contrôle… Il n’y a pas d’autres choix que de communiquer avec les parents pour qu’ils acceptent l’idée de vivre et de s’adapter à cette situation en se protégeant et en essayant même d’en tirer du positif», souligne-t-elle.

Peur du retour en classe

Un avis partagé par la présidente de la Chambre régionale des jardins d’enfants et des crèches à Sousse, Saïda Hagui, qui ajoute que la peur du retour en classe est compréhensible.

«A ce niveau là, les parents n’ont pas trop de choix ; faire face au danger ou le fuir. Certains d’entre eux ont des engagements professionnels et n’auront que le choix d’envoyer leurs enfants aux jardins d’enfants ou aux garderies. Mais ce qui nous a surpris le plus dans cette situation exceptionnelle, c’est que la plupart des parents ont choisi des espaces anarchiques ou leurs voisins pour s’occuper de leurs enfants. Quoi qu’il en soit, c’est à chacun de déterminer son niveau de tolérance au risque. Mais dans une situation pareille, comment peut-on bouder des espaces aussi protégés, sécurisés et organisés et s’adresser à des endroits inadaptés, délaissés ou dangereux ! », se demande-t-elle.

MmeHagui indique également qu’il n’est pas question de faire marche arrière et de reporter la rentrée scolaire. «Dans ce contexte particulier, on a besoin d’un soutien collectif pour sauver le secteur. Par ailleurs, un travail de sensibilisation et de communication devrait être mené pour expliquer aux parents que les enfants pourraient ne pas être une source importante de transmission de ce nouveau virus, comme l’ont prouvé plusieurs études internationales qui indiquent que les enfants seraient moins porteurs de la Covid-19. Mais de l’autre côté, il faut continuer à surveiller et prendre des précautions, non seulement pour les enfants, mais aussi pour le personnel qui s’en occupe et les parents…  La situation actuelle suscite beaucoup de questions et d’ inquiétudes…  Malheureusement, la confiance des parents en les institutions a été fragilisée… C’est rassurant pour les parents de savoir que leur enfant est entre de bonnes mains, d’où la nécessité de renouer le lien de confiance dans ce contexte particulier», explique-t-elle.

Coût financier supplémentaire

Ahlem Kraïm, présidente de la Chambre régionale des jardins d’enfants et des crèches à Kairouan, affirme qu’il n’y a aucun danger pour les enfants dans ces établissements si les mesures préventives préconisées par le protocole sanitaire du ministère de la Santé sont bien respectées. A cela s’ajoute le travail continu des services d’inspection et des  conseils régionaux qui veilleront à la bonne application du protocole sanitaire. «Toutes les mesures ont été prises pour bien assurer le retour des jardins d’enfants et des crèches. Ce qui adresse un message aux parents assurant qu’il n’y a aucun danger sur la santé de leurs enfants », souligne-t-elle.

Mme Kraïm ajoute que le secteur privé des jardins d’enfants et des crèches a dû réinventer les espaces pour assurer plus de sécurité aux enfants. Plusieurs professionnels ont aussi alerté sur le coût financier supplémentaire engendré par l’achat de produits de nettoyage et de désinfection, la fourniture des masques, la mise en place des nouvelles règles d’accueil… «En cette rentrée particulière, les professionnels de la petite enfance n’ont épargné aucun effort pour reprendre normalement les activités dans les institutions de l’enfance. Nous avons déploré des coûts supplémentaires…Il y a beaucoup de préparation…C’est excessivement lourd pour ce secteur qui traverse une grave crise économique et financière sans précédent », souligne-t-elle.

Elle affirme, également, que cette situation est profitable aux espaces d’enfants anarchiques qui ont réussi à développer leurs activités pendant cette période. «A l’heure où les jardins d’enfants privés jouent un rôle important dans l’entourage de l’enfant dès les premières années de son enfance, nous avons l’impression que personne ne se soucie de nous. Même dans ce contexte particulier, les espaces anarchiques se mettent à violer la loi et continuent à profiter de cette situation. De l’autre côté, les jardins d’enfants organisés restent impuissants, ce qui va coûter cher», regrette-t-elle.

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