En Tunisie, la vie est comme un arc-en-ciel : il faut de la politique, de la pluie et du soleil pour en voir de toutes les couleurs. Car quand on tombe dans l’eau, la pluie ne fait plus peur. Hier, des pluies torrentielles accompagnées de cellules orageuses ont été enregistrées dans les gouvernorats de Sidi Bouzid, Kairouan, Sfax, Sousse, Mahdia et Monastir. Selon l’Institut national de la météorologie, les quantités de pluie oscillaient entre 40 et 60 mm et ont même atteint les 80 mm. Des cellules orageuses seront plus actives dans certaines régions. Les déplacements dans ces régions ont été impactés. Des voitures ont été piégées par les eaux, des citoyens aussi. Selon la Sncft, le trafic ferroviaire a été suspendu sur la ligne 5 reliant Tunis, Sfax, Gabès et Tozeur, en raison des fortes pluies, à l’origine d’une montée des eaux qui a endommagé la voie ferrée entre les villes d’El Jem et Kerker (gouvernorat de Mahdia).
Encore une fois, la pluie vient de démontrer que notre infrastructure est en situation de vulnérabilité inédite qui n’est pas prise au sérieux par les différentes parties prenantes (collectivités, ministère de l’Equipement, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entreprises de génie civil, bureaux de contrôle…). En effet, ce genre de désastre que les citoyens ont vécu risque de devenir plus fréquent si on retient que 70% des catastrophes naturelles dans le monde sont liées au dérèglement climatique, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. Ces chiffres nous ramènent également à ce constat cruel : ce sont les pays les plus pauvres qui sont touchés par les cyclones et les désordres climatiques. Ne parlons pas du tunnel de Bab Souika, des ruelles de la médina, du centre-ville. A force de revivre les mêmes situations dès qu’il pleut des cordes, on sait qu’il faut éviter de circuler dans ces lieux jusqu’à une belle éclaircie.
Mais ce qui nous reste en travers de la gorge, c’est que la corruption a étendu ses tentacules pour toucher un secteur d’utilité publique tel que la météorologie dont les mesures et les pronostics servent aux études de base pour la réalisation des ouvrages et d’autres travaux d’infrastructures.
Il est à rappeler que l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) a révélé le 22 juin dernier une enquête contre un agent à l’INM pour soupçons de manipulation de données climatiques. L’Inlucc avait prouvé à l’époque l’existence d’un soupçon de falsification par un agent de l’INM des données climatiques et de les avoir livrées à certains entrepreneurs en échange de sommes d’argent.
Dès lors, on peut comprendre pourquoi les nouveaux ouvrages, dont on annonce la réalisation tambour battant, ne sont pas en mesure d’absorber ou d’évacuer les eaux de pluie abondantes. Car la construction des routes et des ouvrages doit prendre en compte les variations météorologiques et le secteur du génie civil est censé s’acclimater à cette nouvelle donne. Sauf si on manipule les données de base qui permettent aux entrepreneurs véreux de réaliser des gains supplémentaires sur les marges et plus de dégâts et de tracas pouvant entraîner la mort de citoyens emportés par les flots. Un dossier de corruption que seuls les éléments de la nature sont à même de révéler l’existence. Les enquêteurs ont du pain sur la planche. Il suffit seulement d’observer ce que fait la nature et ce que font les hommes.