L’alternance d’un jour de cours et d’un jour de repos pourrait entraîner un relâchement chez les élèves.
La stratégie nationale de lutte contre la pandémie de la Covid-19 a imposé un nouveau rythme scolaire qui a quelque peu déstabilisé les élèves dans les établissements éducatifs tous niveaux confondus. Rappelons que cette mesure exceptionnelle a été adoptée pour éviter une promiscuité trop étroite entre les élèves et le personnel éducatif et freiner la propagation de l’épidémie au sein du milieu scolaire. Les élèves de chaque classe ont été répartis en deux groupes pour réduire leur nombre, alors que les cours ont lieu par alternance un jour sur deux. Ce nouveau rythme scolaire n’a pas tardé à soulever les inquiétudes des parents qui craignent que cette nouvelle organisation du temps scolaire ne cause un relâchement chez les élèves qui passent d’une journée comportant plusieurs heures de cours à une journée où il n’y a aucune ou très peu d’heures de cours, ce qui a, apparemment, pour effet de quelque peu refroidir l’enthousiasme éprouvé par les élèves en ce début de rentrée scolaire. «Bien qu’elle ait pour objectif de protéger les élèves et le cadre éducatif, je pense que cette cassure au niveau du rythme scolaire a un impact négatif sur les élèves et altère leur assiduité, note cette mère de famille fonctionnaire dans une administration publique. Prenons le cas de ma fille inscrite en terminale section mathématiques au lycée pilote de l’Ariana. Le premier jour de la semaine, ils ont cours toute la journée, tandis que le lendemain ils restent à la maison. Ils ne se mettent plus la pression pour réviser ce qu’ils ont étudié en cours le jour même car ils savent qu’ils ont suffisamment de temps libre pour le faire, alors qu’avant, ils le faisaient et ne laissaient pas au lendemain la révision des cours».
Risque de relâchement
D’autres élèves, comme Nadia, inscrite en deuxième année secondaire au lycée pilote de Bourguiba, s’interrogent sur l’efficacité de cette nouvelle gestion du temps horaire et son impact sur le rendement des apprenants. «Personne ne sait si ce nouveau système éducatif peut s’avérer instructif et pratique ou pas. Nous, en tant qu’élèves, nos avis peuvent différer. La moitié pense que c’est un bon moyen pour rester à jour. Quoi de mieux que de réviser ce qu’on a étudié la veille, en ayant un peu de repos? Quant à l’autre moitié, elle est contre l’idée d’étudier un jour sur deux, vu que c’est difficile de retrouver un bon rythme de travail, et qu’il y aura forcément un groupe devançant l’autre dans le programme. Personnellement, je pense que si les emplois du temps remis aux élèves sont bien organisés et faits de sorte que les deux groupes étudient presque simultanément et qu’aucun ne devance l’autre, on pourrait facilement s’adapter». Le nombre réduit d’élèves dans les groupes permettra, par contre, d’améliorer la concentration et le rendement pendant le cours et de mieux évaluer le niveau et les lacunes des élèves, en favorisant une meilleure approche pédagogique et interaction avec ces derniers, selon cet instituteur de français qui enseigne depuis neuf ans dans une école primaire publique de Radès. «Lorsque le nombre d’élèves par classe est réduit, il y a moins de chahut et ils se concentrent mieux sur le cours. Cela me permet moi-même de mieux cerner les lacunes de mes écoliers».
Quand les parents jonglent avec leur emploi du temps professionnel
Mais ce nouveau rythme scolaire, dont la mise en place a généré, pour tous les niveaux, des emplois du temps comportant trois jours de cours —les élèves ont cours un jour sur deux— a aussi contraint les parents qui travaillent toute la journée et qui ont des enfants en bas âge inscrits dans les établissements primaires et non autonomes à jongler avec leur emploi du temps professionnel afin de pouvoir rester avec eux lorsqu’ils ont la possibilité de le faire ou à les placer tout simplement dans une garderie. «Etant donné que je travaille, j’ai été dans l’obligation de placer ma fille âgée de six ans et inscrite en première année primaire dans une garderie où elle reste toute la journée lorsqu’elle n’a pas cours, observe Mariem, une jeune mère dynamique, âgée d’une trentaine d’années. Le fait de la laisser toute la journée à la garderie ne m’enthousiasme pas trop, mais je n’ai, à vrai dire, pas vraiment le choix. Le seul avantage est qu’ils révisent régulièrement ce qu’ils ont étudié en cours avec les éducatrices qui les gardent».
Bien qu’il présente plus d’avantages que d’inconvénients , ce nouveau temps scolaire aurait, par ailleurs pour effet de contribuer à accentuer les disparités en termes de rendement, de renforcement des compétences et de réussite scolaire, dès lors que les élèves qui en ont les moyens, profiteront du temps libre pour recourir «abusivement» aux cours particuliers, alors que la présence de jours entiers sans cours dans l’emploi du temps scolaire, poussera à l’oisiveté forcée ceux qui sont issus de catégories modestes. Pis : l’obligation imposée désormais par les établissements éducatifs —coronavirus oblige— de rester à l’extérieur pendant les heures creuses à laquelle vient s’ajouter le problème du manque d’encadrement, exposent aujourd’hui ces élèves à tous les risques et les dangers (mauvaises rencontres, braquages, drogues…).