Selon une étude d’impact de la crise sur le secteur du textile, qui a été menée par la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (Ftth) et le centre du Commerce international Suisse, plus de la moitié des entreprises de confection ont accusé une baisse entre 20% et 60% de leurs chiffres d’affaires. Seules 6% de ces unités déclarent qu’elles ont assez de visibilité.
Le textile a été l’un des secteurs les plus touchés par la crise liée au coronavirus. Les petites unités de production devraient être les plus en pâtir. Même les grandes entreprises, notamment celles qui travaillent sur des marchés diversifiés, ont vu leurs chiffres d’affaires baisser. Le confinement général, qui a été vécu simultanément dans plusieurs pays du monde, a provoqué de lourdes répercussions sur les chaînes mondiales d’approvisionnement. Résultat: annulation, en cascade, de commandes suite à l’effondrement de la demande.
Des unités de production locales, qui tournaient à plein régime, se sont trouvées soudainement à l’arrêt total. Un coup d’arrêt brusque et intempestif qui a coûté cher aux entreprises, dont une bonne partie a recouru à l’inéluctable compression des charges à travers le licenciement des employés. Le secteur a dû, également, faire preuve d’agilité, de flexibilité et d’innovation pour pouvoir faire face non seulement à la rupture d’approvisionnement, mais aussi à une reprise tout aussi brusque que l’arrêt. C’est, en somme, ce qui ressort du webinaire qui a été organisé mardi 20 octobre par l’Iace pour débattre de la sous-alimentation des chaînes de production de l’industrie textile et des risques de pertes d’emploi. Ont pris part au débat des chefs et des dirigeants d’entreprise de textile et d’habillement qui ont livré des témoignages sur leurs expériences durant et au lendemain du confinement.
Une majorité fragilisée
Ouvrant le débat avec un aperçu sur les résultats d’une étude d’impact de la crise sanitaire sur le secteur qui a été menée aux mois d’août et septembre par la Fédération tunisienne du textile et d’habillement (Ftth) et le Centre du commerce international suisse, le membre du patronat syndical, Nafâa Ennaïfer, a fait savoir qu’au mois de septembre, 87% des entreprises du secteur sont encore en activité, 12% à l’arrêt momentané et 1% ont définitivement fermé.
Au niveau du rythme d’activité des entreprises, l’étude a révélé que 73% des unités de production ont enregistré une baisse d’activité supérieure à 50%, tandis que 50% des entreprises, qui travaillent sur le marché local, ont connu une baisse supérieure à 70% de leurs ventes. La moitié des entreprises ont accusé une baisse entre 20% et 60% de leurs chiffres d’affaires et environ 22% ont déclaré une baisse de 60%. Environ 6% des unités de production déclarent qu’elles ont assez de visibilité. Enfin, 60% des entreprises du textile s’inquiètent pour l’avenir, et plus de la moitié navigue à vue. «Ce sont les grandes entreprises qui ont souffert le moins. Tandis que les PME qui emploient moins de 100 personnes sont celles qui ont le plus de difficultés», a commenté M. Ennaïfer.
Une reprise risquée
Livrant son témoignage sur les difficultés rencontrées par l’entreprise qu’il dirige, lors de la première vague, de l’épidémie, le directeur général de Tunicotex, Haïthem Laâjili, a précisé que 2020 est, désormais, l’année la plus difficile depuis 20 ans. Il a expliqué qu’au moment où on a entamé le pic de la production, les annulations des commandes pleuvaient sur l’entreprise. «On devait livrer des millions d’euros de marchandises en stock. On avait vraiment risqué la faillite. Si le confinement a duré plus longtemps, l’entreprise n’allait plus tenir le coup», a souligné M. Laâjili.
Il a expliqué que la diversification des marchés et la reconversion dans le tricotage étaient des atouts permettant à l’entreprise de disposer d’une marge de manœuvre et de remplacer certains clients perdus. «Avec la reprise, les clients étaient catégoriques. N’ayant cure des conditions dans lesquelles on se trouvait à la fin du confinement, ils voulaient des livraisons, dans l’immédiat. C’était aussi un défi. Maintenant, avec la seconde vague et l’apparition des cas d’infection parmi les employés, il y a un nouveau stress. On doit savoir assurer une bonne gestion des ressources humaines, notamment avec l’application du protocole sanitaire», a-t-il avoué.
Compression de charge et perte d’emplois
Saïd Roueched, directeur de Createx, une moyenne entreprise de confection basée à Gafsa, était plutôt inquiet quant à l’avenir de sa boîte qui s’est spécialisée dans l’activité “Maille”. Dans cette région qui comptait 17 unités de confection, deux entreprises ont été déjà contraintes de mettre la clé sous le paillason. Quant à Createx, dont le principal client n’est que le géant de l’habillement Benetton, elle a réduit de plus de 43% son effectif qui est passé de 124 à 70 salariés. Actuellement, elle tourne à 50% de ses capacités. «L’activité maille pose problème en Tunisie parce que les clients commencent à faire des produits finis et, puis on est concurrencé par la Turquie et le Portugal», a commenté Ennaïfer.
De son côté, le directeur RH du groupe Sartex, Rachid Zarrad, s’est exprimé sur la gestion des ressources humaines durant la première vague de l’épidémie. Il a révélé que le principal défi à l’époque était de rassurer les employés qui étaient pris par la peur de perdre leurs emplois. Le groupe qui emploie plus de 1.500 salariés a dû mettre en arrêt de travail environ 300 personnes, principalement des nouvelles recrues qui ont été «mises en stand by». Il a affirmé que la société s’est mise à former son effectif, notamment au télétravail moyennant les machines à distance dans l’objectif de développer les compétences des employés dont le taux de polyvalence individuel est passé de 12% à 27%.
En conclusion, les intervenants ont souligné l’importance, à l’avenir, de monter en gamme et de miser sur l’innovation pour faire face aux aléas d’un marché international de plus en plus imprévisible.