Accueil A la une Le gouverneur de la BCT, lors de la séance de dialogue à l’ARP : « L’instabilité politique est la plus grande entrave aux investissements locaux et étrangers »

Le gouverneur de la BCT, lors de la séance de dialogue à l’ARP : « L’instabilité politique est la plus grande entrave aux investissements locaux et étrangers »

• « La notation souveraine de la Tunisie est fondamentale pour la prochaine période »
• « La BCT sera au chevet de l’économie durant cette période difficile, mais il ne faut pas renoncer aux résultats réalisés au niveau de l’inflation »
• « L’indépendance de la BCT remonte à l’année 2006 et la comparaison de la Tunisie avec d’autres pays au niveau de l’intervention de la Banque dans le financement de l’économie n’est pas fondée sur des bases solides »
• « Nécessité de trouver des solutions aux grands problèmes de la subvention et la gouvernance des établissements publics »
• « Repenser le secteur touristique et le soutenir face à la crise sanitaire »
• « Le prix du pétrole sur le marché international a permis à la Tunisie d’économiser environ 3 milliards de dinars »
• « Identifier des solutions pour le secteur du phosphate et les problèmes du secteur pétrolier qui ont privé la Tunisie de recettes importantes »
• « La Tunisie enregistre une accumulation orientée vers le paiement des précédentes dettes et non l’investissement »

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a entamé, hier, une séance de dialogue avec le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), Marouane Abassi, consacrée à la situation économique et financière nationale, à l’heure où le gouvernement réclame des financements additionnels pour boucler son budget de 2020.

Cette séance de dialogue intervient suite à un entretien tenu entre le gouverneur de la BCT et le Président de la République, Kaïs Saïed, depuis quelques jours, suivi d’un autre entretien avec le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi.

Chaque rencontre avait pour objectif de discuter des solutions envisageables pour sortir de cette impasse, d’autant que le projet de loi de finances complémentaire de 2020 a été récemment retiré par le gouvernement, à la demande de la commission parlementaire des finances.

La commission avait, en effet, appelé le gouvernement à présenter une autre version de ce projet qui prévoit que la clôture du budget nécessite des financements de 10 milliards de dinars au bout de deux mois, lesquels seront fournis par la BCT.

Une proposition d’amendement de l’article 25 du statut de la BCT, régi par la loi du 25 avril 2016, a été soumise, mardi 3 novembre, à l’ARP, par le bloc parlementaire démocratique. Cet amendement permet d’étendre le champ d’intervention de la BCT au financement de la trésorerie de l’Etat, moyennant un taux bien déterminé et fixé dans le temps.

Le paragraphe 4 de l’article 25 du statut de la BCT, rappelle-t-on, stipule que l’autorité d’émission ne peut pas octroyer à la trésorerie générale de l’Etat des facilités sous forme de découverts ou de crédits, ni acquérir directement des titres émis par l’Etat.

En contrepartie, le conseil d’administration de la BCT avait réitéré, le 27 octobre dernier, l’attachement de la Banque centrale à sa mission telle que stipulée par le législateur, en l’occurrence maintenir la stabilité des prix et contribuer à la stabilité financière, conformément au statut de la BCT

Le cadre juridique actuel de la BCT interdit le financement du déficit prévu dans le projet de loi de finances complémentaire de 2020. Il exige une autorisation exceptionnelle de l’ARP, accompagnée de l’engagement de l’Etat à adopter les réformes structurelles permettant la reprise des équilibres des finances publiques.

Aucun problème lié à l’indépendance de la BCT

« Il n’y a aucun problème lié à l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie (BCT), mais il y a des problèmes relatifs à la sortie de la crise sanitaire due à la propagation du coronavirus dans le pays. Il faut interagir au mieux avec les données pour éviter l’impact de cette crise sur la note souveraine du pays », a indiqué hier le gouverneur de la BCT, Marouane Abassi, lors de la séance de dialogue avec les représentants du peuple, soulignant que la notation souveraine de la Tunisie est fondamentale pour la prochaine période, surtout que le pays est très endetté à l’extérieur et que les agences de notation souveraine contrôlent la scène nationale.

Il a indiqué que les demandes des agences de notation «Fitch Rating» et « Moody ‘s » sont devenues quasiment quotidiennes, dans l’objectif de connaître la situation de la Tunisie, en ce moment ambigu de la politique dans le pays.

Abassi a insisté sur la nécessité d’accorder davantage d’intérêt aux différentes données qui se répercutent sur les investisseurs étrangers.

Il a considéré que l’indépendance de la BCT remonte à l’année 2006 et que la comparaison de la Tunisie à d’autres pays au niveau de l’intervention de la banque dans le financement de l’économie n’est pas fondée sur des bases solides.

Et de poursuivre que le rôle fondamental de la BCT réside dans la lutte contre l’inflation et la réalisation de l’équilibre financier. Déjà, la banque a fourni 3,4 milliards de dinars d’une manière directe.

Il a affirmé que la BCT sera au chevet de l’économie durant cette période difficile, mais il ne faut pas renoncer aux résultats réalisés au niveau de l’inflation.

Abassi a souligné la nécessité de trouver des solutions aux grands problèmes dans les domaines de la subvention et la gouvernance des établissements publics.

L’orateur a exprimé l’attachement de la Banque à aider l’Etat à condition que ce dernier présente une demande officielle d’identification des responsabilités et qui donne une dimension légale pour la mission de la Banque centrale dans le financement du budget.

Abassi a conclu en soulignant qu’il ne faut pas demander à la Banque centrale d’intervenir dans le financement du budget à un moment où les grandes entreprises, comme celles du phosphate ou du pétrole, sont encore fermées.

90% des entreprises ayant réclamé des financements ont pu les obtenir

Marouane Abassi a encore fait savoir que le secteur bancaire est en train de soutenir l’économie nationale, précisant que 90% des entreprises qui ont réclamé des financements ont pu les obtenir.

Il souligné à ce propos que l’instabilité politique et économique est la plus grande entrave aux investissements locaux et étrangers. Et d’ajouter que l’Institut d’émission a engagé plusieurs mesures depuis 2011 afin de soutenir l’économie nationale, estimant que plusieurs secteurs connaîtront une conjoncture difficile. «Il est donc impératif pour toutes les parties prenantes d’intervenir afin de sauver les entreprises», a-t-il insisté.

Le gouverneur de la BCT a également mis l’accent sur la nécessité de repenser le secteur touristique et le soutenir face à la crise sanitaire qui, selon lui, constitue une occasion favorable afin d’engager les réformes nécessaires. Il a, aussi, souligné la nécessité de préserver le tissu économique de cette pandémie.

Le PIB de la Tunisie sera négatif pour la première fois depuis 1962

Marouan Abassi a aussi affirmé que le produit intérieur brut (PIB) de la Tunisie sera négatif pour la première fois depuis 1962 et que l’actuelle période est considérée exceptionnelle à tous les niveaux. Il a ajouté que la croissance de l’économie nationale en 2020, selon les prévisions, devrait être négative de l’ordre de -7,2, « si ce chiffre se réalise, il sera «un excellent chiffre»», a-t-il dit. .

Il a, en outre, souligné que la situation économique difficile de la Tunisie pré-Covid-19 s’est aggravée après la crise sanitaire et que les indicateurs actuels de l’économie comportent des chiffres positifs et négatifs.

Le gouverneur de la BCT a fait observer que le taux d’inflation est en baisse, espérant que d’ici la fin de l’année 2020 il atteindra les 5,7%. Bien qu’il soit élevé, il reste positif.

Et de préciser que le prix du pétrole sur le marché international a permis à la Tunisie d’économiser environ 3 milliards de dinars et que les recettes des travailleurs tunisiens à l’étranger se sont stabilisées, au cours des 9 premiers mois 2020, pour se situer à 4.604 millions de dinars, ce qui témoigne de leur solidarité avec leurs familles en Tunisie.

En revanche, le gouverneur de la BCT a mis en garde contre la hausse du taux de chômage, au cours de la prochaine période, compte tenu des difficultés rencontrées par plusieurs institutions.

Il a estimé que le secteur de l’huile d’olive générera à l’Etat des revenus d’environ 800 millions d’euros en 2020, ce qui nécessite un soutien aux filières agricoles stratégiques de la Tunisie en mettant en place des plans préalables.

Abassi a appelé, dans ce contexte, à identifier des solutions pour le secteur du phosphate et les problèmes du secteur pétrolier, qui ont privé la Tunisie de recettes importantes au cours de l’année 2020. Ces derniers ont été exacerbés par la baisse du nombre de touristes, en particulier en provenance des pays voisins.

Il a présenté, à cette occasion, plusieurs indicateurs, dont la baisse de l’investissement à 13% et de l’épargne à 6%, au cours de l’année 2020, ce qui entrave la réalisation de la richesse dans le pays.

Au sujet du dossier de l’endettement, il a souligné que la Tunisie enregistre une accumulation de dettes orientées vers le paiement des dettes antérieures et non l’investissement, notant que le taux d’endettement pourrait dépasser 90% au cours de la période à venir.

Par ailleurs, il a indiqué que la BCT œuvrera à réduire le taux d’intérêt si on constate de nouveau une baisse du taux d’inflation en Tunisie, comme elle l’a déjà fait précédemment. De même, le gouverneur de la BCT a appelé à la consommation du produit tunisien et à la rationalisation de la consommation, et ce, dans le cadre d’un comportement positif pour soutenir l’économie tunisienne, précisant que le fait que les Tunisiens ne voyagent plus fréquemment a également contribué à la préservation des réserves en devises à environ 900 millions de dinars.

Il a conclu que l’inflation est un problème pour tous les citoyens, ce qui nécessite la coopération des Tunisiens en limitant les circuits parallèles et en rationalisant les opérations de financement.

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