Accueil A la une Crise de la Cnam Moins de cotisants et des réformes qui tardent

Crise de la Cnam Moins de cotisants et des réformes qui tardent

À l’instar de la plupart des entreprises de notre pays, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) ne vit pas ses meilleurs jours. Elle s’enfonce davantage dans une situation financière précaire menaçant même son activité, dans une conjoncture inconfortable marquée par une double crise sanitaire et économique.


Considérée comme l’un des établissements indispensables à la vie de la population, la Cnam doit s’adapter à ce contexte particulier afin de continuer à fonctionner, à condition de s’armer de moyens efficaces mais aussi… de beaucoup de patience. Pour certains, la diversification de ses sources de revenu reste l’une des solutions les plus efficaces pour conforter sa situation financière et remédier par la suite à cette crise liée à la pandémie de Covid-19. Mais est-ce suffisant pour redresser la barre, à l’heure où près de 200.000 Tunisiens risquent de perdre leur emploi à cause du coronavirus ?

Que disent les derniers chiffres ?

Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, la Cnam connaît un problème de liquidité qui se confirme d’un mois à l’autre et croît de manière exponentielle. Celle-ci ne perçoit plus qu’une fraction des cotisations qui lui sont dues par la Cnss (Caisse nationale de sécurité sociale) et la Cnrps (Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale), ce qui handicape considérablement son mécanisme de remboursement (hôpitaux, cliniques, pharmacies, biologistes…).

A la date de fin octobre, le total des cotisations non prélevées par la Cnam auprès de la Cnss et la Cnrps s’élève à environ 5,4 milliards de dinars, alors que durant la période de janvier 2020 à octobre 2020, les créances de la Cnam auprès de ces caisses sociales, qui sont dans une situation critique et traversent une crise financière sans précédent, se sont élevées à environ 1,1 milliard de dinars. Cela s’ajoute au déficit global au niveau du paiement des contributions; en effet, de nombreuses institutions économiques privées et publiques se retrouvent actuellement dans une situation difficile, ce qui a conduit à la limitation ou à l’arrêt de leurs activités. Une telle situation a affecté leur capacité à payer leurs contributions, ce qui a provoqué une baisse importante au niveau du paiement des contributions des assurés sociaux et a aggravé, par la suite, la crise de liquidité de la Cnam qui s’est élevée à 600 millions de dinars à la fin octobre dernier.

Ces dettes ne permettent pas à la Cnam d’avoir la liquidité nécessaire pour honorer ses engagements envers le secteur public (hôpitaux et Pharmacie centrale), mais aussi envers le secteur privé (cliniques, médecins …), avec des retards de paiement qui se prolongent, passant d’une quinzaine de jours à une moyenne de 90 jours.

Les répercussions de la crise du coronavirus sur la Cnam ne s’arrêtent pas à ce niveau. Le blocage de certains secteurs et l’arrêt de la production ont induit la perte de milliers de postes d’emploi. L’Utica (Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat) a, récemment, dévoilé la perte de 165 mille emplois lors de la première vague du coronavirus. Ce chiffre devrait dépasser les 200 mille postes d’ici la fin de cette année. A cet égard, le nombre de cotisants à l’assurance maladie diminuera inéluctablement à l’heure où les besoins en services de santé ne peuvent qu’augmenter, puisque notre population vieillit relativement vite comme le montre notre évolution démographique.

Plusieurs autres facteurs expliquent la gravité d’une telle situation. En effet, l’équilibre budgétaire de la Cnam est affecté par le faible taux de cotisation qui ne dépasse pas la moitié de la norme des pays développés. Par ailleurs, avec l’amélioration du niveau de vie, le vieillissement de la population et l’accroissement notable de l’espérance de vie, on enregistre une augmentation légitime de la demande de soins des Tunisiens, qui souhaitent accéder à de meilleurs services publics et privés de soins de santé. A cela s’ajoute la diminution du rapport entre population active et nombre de retraités et l’augmentation du coût du remboursement des médicaments.

Parmi les réformes qui ont été engagées, on peut citer la récente réforme du régime de retraite qui a nécessité de longues et tumultueuses concertations entre le gouvernement, l’Utica et l’Ugtt (Union générale tunisienne du travail). Cette réforme vise à renflouer les caisses sociales dont le déficit a atteint des chiffres incroyables, préserver leurs équilibres financiers et générer des ressources supplémentaires pour améliorer les transferts au profit de la Cnam… Mais avec l’arrivée de la crise sanitaire, doublée d’une crise économique, cette solution ne semble pas suffisante, ni pour l’un ni pour l’autre, pour sauver les caisses sociales, puisque tout s’est effondré et leur déficit ne cesse de s’amplifier.

Mais bien que la Cnam souffre d’une crise de liquidité aiguë, il est important ici de souligner qu’elle ne compte pas augmenter la valeur des cotisations des assurés sociaux pour les accabler davantage. D’où l’obligation de trouver d’autres sources de financement, comme c’est le cas dans les pays développés. Dans ce cadre-là, on peut prélever du budget de l’Etat une contribution annuelle pour assurer la couverture des assurés non cotisants, étudiants et familles nécessiteuses. On peut aussi diversifier les sources de financement de la Cnam en augmentant les taxes sur produits nocifs pour la santé (les cigarettes, l’alcool…), les communications téléphoniques et les assurances.

C’est grâce à ces réformes structurelles qu’on peut assurer la pérennité du système et doter les Tunisiens du système d’assurance maladie qu’ils méritent, car sans réformes, le déficit de la Cnam continuera à se creuser. Reste à voir si tout cela peut se concrétiser et si la volonté politique est suffisamment partagée pour la cueillir.

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